Cette nouvelle chronologie se focalise sur l’ancien Proche-Orient (Mésopotamie, Égypte…) et est développée par David Rohl et d’autres chercheurs dans « A Test of Time : The Bible – from Myth to History » parut en 1995. Elle est en contradiction avec l’égyptologie conventionnelle et est une révision majeure des chronologies comparées des dynasties égyptiennes, plus particulièrement en redatant les règnes des rois d’Égypte des 19ème aux 25ème dynasties avançant les datations conventionnelles d’environs 350 ans. Rohl prétend que cette nouvelle chronologie permet de faire correspondre la Bible hébraïque (les textes qui ont servi à écrire l’Ancien Testament) avec des figures historiques apparaissant dans l’archéologie.
L’une de méthodes de Rohl est l’utilisation de l’archéoastronomie[1], qu’il emploie pour fixer la date d’une éclipse solaire près du coucher du soleil sous le règne d’Akhenaton et observée depuis la ville d’Ugarit. Basé sur ses calculs, en utilisant des logiciels d’astronomie, Rohl affirme que le seul moment où cette éclipse aurait pu se produire pendant tout le deuxième millénaire avant J.-C. est le 9 mai 1012 avant J.-C. Soit environ 350 ans plus tard que les dates conventionnelles attribuées au règne d’Akhenaton (1353-1334 av. J.-C.).
Cette chronologie est l’une des plus célèbres des nombreuses et radicales révisions de l’égyptologie. Elle rejette les autres chronologies telles que celles de Velikovsky.
Les assertions de Rohl :
- Le sac de Thèbes par l’assyrien Assurbanipal (664 avant notre ère) correspondrait donc à la destruction par Alexandre le Grand en 335 avant notre ère.
- Le Shishak (Susac, Shishag) mentionné dans la bible n’est pas Sehshonq I comme le proposait Champollion, mais Ramsès II, ce qui avance son règne de 300 ans.
- Le Lever héliaque de Sirius du papyrus d’Ebers situé durant la 9ème année du règne Amenhotep 1er (1542 – 1517 avant J.C) est une erreur due à une réforme du calendrier égyptien. Propos corroborés par le Professeur Jürgen von Beckerath « La véracité du calendrier au verso du papyrus médical d’Ebers est maintenant si disputé qu’il nous faut nous demander si nous possédons vraiment une base sûre pour la chronologie de cette période de l’histoire égyptienne qui est après tout de la plus grande importance pour fixer le Séquence des évènements historiques, ainsi que pour les pays voisins ».
- Le Papyrus Leiden I.350 qui date de la 52ème année de règne Ramsès II, enregistre une observation lunaire qui dans la chronologie conventionnelle place cette année du règne de Ramsès II durant l’une des années suivantes : 1278, 1253, 1228 ou 1203 av. J.-C. Après avoir mis en doute la valeur du papyrus d’Ebers, Rohl soutient que, puisque le cycle lunaire se répète tous les vingt-cinq ans, il n’est utile que pour ajuster une chronologie et pourrait s’appliquer également aux dates 300 ans plus tard comme dans sa Nouvelle Chronologie.
Quelques identifications de personnages historiques :
- Khéty VI serait le Pharaon qui a affronté Abraham.
- Amraphel serait Amar-Sîn
- Le roi Tidal serait Tishdal.
- Zariku serait Arioch.
- Kutir-Lagamar serait Kedorlaomer.
- Amenemhat III serait Joseph le fils de Jacob. Ce dernier serait le Vizir d’Amenemhat III.
- Neferhotep I serait le grand-père adoptif de Moïse.
- Sobekhotep IV, frère et successeur de Neferhotep, serait Khenephres.
- Le pharaon de l’Exode serait Dedumose II qui lui-même serait Dedumose I.
- Nefertiti serait Neferneferuaten et Smenkhkare.
- Cadmus de Thèbes serait le Cadmus de Crète.
Quelques identifications de géographiques historiques :
- Le Jardin d’Eden se trouverait dans le nord-ouest de l’Iran entre le lac Urmia et la mer Caspienne.
- La Tour de Babel aurait été construite à Eridu ancienne capitale sumérienne.
- Le site de Sodome se situerait à presque 100 mètres sous la surface de la Mer morte au sud-est d’En-Gedi.
Les Implications face à la réalité :
Replacer le règne de Ramsès II trois siècles plus tard que celui donné par la chronologie conventionnelle ne serait pas seulement repositionner la date de la bataille de Qadesh et réviser la chronologie liée de l’histoire hittite, il faudrait également une révision de la chronologie de l’histoire assyrienne avant de 911 avant J-C. Étant donné l’interdépendance de la chronologie hittite et de la chronologie égyptienne, les nouvelles dates égyptiennes aboutiraient à tronquer l’histoire hittite et à une réduction ou élimination complète de l’âge obscur anatolien.
Pendant la période d’Amarna, un synchronisme chronologique entre l’Égypte et l’Assyrie est attesté par la correspondance entre le pharaon Akhenaton et du roi Ashur-uballit Ier. Dans la Nouvelle Chronologie est proposé l’ajout d’un Ashur-uballit II pourtant inconnu pendant l’Âge sombre assyrien et Rhol l’identifie comme l’auteur des lettres d’Amarna. Étant donné que le synchronisme d’Ashur-uballit Ier avec Akhenaton est devenu le lien crucial entre l’histoire égyptienne et mésopotamienne ce point est la clé de la contestation de la Chronologie de Rohl.
Comme expliqué un peu plus haut, la Nouvelle Chronologie rejette l’identification de Shoshenq avec le Shishaq biblique et offre plutôt Ramsès II comme la vraie figure historique derrière le récit de Shishaq.
Rohl identifie Labaya, un dirigeant local de la région de Canaan dont les activités sont documentées dans les lettres d’Amarna, avec Saul, et identifie David avec Dadua, également mentionné dans la lettre EA256 d’Amarna. Saul et Labaya partagent la même mort – « tous deux meurent dans la bataille — contre une coalition de villes états de la plaine côtière — sur ou près du mont Gilboa, tous deux à la suite d’une trahison ». Les deux ont également un fils survivant dont le nom est traduit comme « Homme de Baal ».
La Nouvelle Chronologie place Salomon à la fin de l’âge du Bronze tardif qu’au début de l’Âge du Fer. Rohl et d’autres chercheurs de la Nouvelle Chronologie soutiennent que cela correspond mieux à la description de la Bible hébraïque de la richesse de Salomon.
De plus, Rohl change le Séjour israélite, l’Exode et la Conquête de la fin de l’âge du bronze tardif à la fin de l’âge du bronze moyen. Il affirme que cela résout bon nombre des problèmes associés à la question de l’historicité des récits bibliques. Il fait usage des rapports archéologiques d’Avaris, dans le delta du Nil oriental, qui montrent qu’une grande population de langue sémitique y vivait pendant la 13ème dynastie. Ces personnes étaient culturellement semblables à la population de l’âge du bronze moyen. Rohl identifie ces Sémites comme les personnes sur lesquelles la tradition biblique du séjour israélite en Égypte a été fondée par la suite.
Vers la fin de l’Âge du Bronze moyen, les archéologues ont révélé une série de destructions de villes. John Bimson et Rohl soutiennent qu’il y a une correspondance étroite entre les villes attaquées par les tribus israélites dans le récit de Josué. Plus important encore, la ville fortement fortifiée de Jéricho a été détruite et abandonnée à cette époque. D’autre part, il n’existait aucune ville de Jéricho à la fin de l’âge du Bronze tardif. William Dever conclut que « Josué a détruit une ville qui n’était même pas là ». Rohl affirme que c’est ce manque de preuves archéologiques pour confirmer les évènements bibliques à l’âge du Bronze qui se trouve derrière le scepticisme savant moderne sur la fiabilité des récits de la Bible hébraïque avant la période de la Monarchie divisée. Il donne l’exemple du professeur israélien d’archéologie, Ze’ev Herzog, qui a provoqué un tollé en Israël et à l’étranger en exprimant une opinion « assez répandue » parmi ses collègues : « Il n’y a pas eu d’exode d’Égypte ni d’invasion par Joshua et les Israélites qui s’étaient développés lentement étaient à l’origine cananéens » en concluant que le Séjour, l’Exode et la Conquête étaient « une histoire qui ne s’est jamais produite ». Cependant, Rohl soutient que dans la Nouvelle Chronologie, des évènements de l’Exode et de la Conquête jusqu’à l’âge du Bronze moyen, élimine la raison principale de ce scepticisme universitaire généralisé.
Mais Rohl comme beaucoup d’autres avant lui évite tout simplement les éléments qu’il est incapable de contrer et qui mettent en doute sa chronologie.
Réception :
Évidemment, la Chronologie de Rohl n’a pas été très bien accueillie dans le milieu des égyptologues, même si comme le dit Chris Bennett « Il y a un monde entre la position intellectuelle de Rohl et celle de Velikovsky[2] […] Rohl ayant une connaissance considérable du sujet[3] ».
Le problème n’est pas tant qu’il remette en cause la chronologie officielle, puisque suite à des datations par le radiocarbone effectuées en 2010 elle a subi des ajustements.
Les arguments de Kenneth Kitchen contre la chronologie de Rohl se sont concentrés sur la révision de la troisième période intermédiaire (11ème au 7ème siècle avant notre ère). Rohl propose un chevauchement entre la 21ème et la 22ème Dynastie. En particulier, Kitchen conteste la validité des anomalies chronologiques soulevées par Rohl, se demandant si elles sont de véritables anomalies. Il propose ses propres explications pour les problèmes soulevés par Rohl. Kitchen accuse les « New Chronologists » d’être obsédées par la tentation de combler les lacunes et réduire les écarts archéologiques en raccourcissant la chronologie.
L’égyptologue Erik Hornung parle de la Chronologie de Rohl et autre révision audacieuse en ces termes : « Nous serons toujours exposés à de telles tentatives, mais elles ne pourraient être prise au sérieux que si non seulement les dynasties et les dirigeants arbitraires, mais aussi leurs contextes pourraient être déplacés… En l’absence de telles preuves, on peut difficilement se consacrer à réfuter de telles prétentions, voire répondre de quelque manière que ce soit… Ce n’est donc ni par arrogance ni par mauvaise volonté que la communauté académique néglige ces tentatives qui conduisent souvent à l’irritation et à la méfiance en dehors des cercles professionnels (et souvent avec l’aide des médias). Ces tentatives reflètent habituellement un fort manque de respect des sources et des faits les plus élémentaires et ne méritent donc pas de discussion. Nous éviterons ainsi de discuter de ces problèmes dans nos manuels, nous limitant à ces hypothèses et à ces discussions fondées sur des sources. » Le problème c’est la manière dont Rohl procède. Il établit une chronologie et une géographie qui colle avec la Bible hébraïque, et ce à partir d’une seule « preuve » (l’éclipse solaire près du coucher du soleil sous le règne d’Akhenaton) et sans prendre en compte l’histoire des civilisations contemporaine de l’Égypte ancienne.
[1] Combinaison d’études astronomiques et archéologiques. Elle cherche à expliquer les observations astronomiques passées, à la lumière des connaissances actuelles ; et cherche associée à des études archéologiques et ethnologiques. L’ethnoastronomie tente d’interpréter et de préciser un possible usage astronomique de constructions anciennes telles que les mégalithes ou les géoglyphes de Nazca.
[2] Voir chapitre « L’Age du Chaos ».
[3] Rohl est égyptologue (doctorat en Ancient History and Egyptology) contrairement à Velikovsky qui est chercheur indépendant et donc dépend de source de financement privée.