L’Âge du Chaos

L’écrivain russe controversé Immanuel Velikovsky a entamé une série connue sous les « Ages in chaos » et dont le premier tome fut publié en 1952. Cette série d’ouvrages revisite l’antiquité du Proche-Orient, affirmant que les histoires de l’Égypte ancienne et de l’Israël antique sont déphasées de cinq siècles.

Velikovsky écrit déjà ce genre de théorie en 1945 avec « Theses for the Reconstruction of Ancient History » où il prétendait que l’histoire de l’ancien Proche-Orient jusqu’à l’époque d’Alexandre le Grand est confuse.

Revendications :

Son point de départ est que l’Exode n’avait pas lieu pendant le Nouvel Empire égyptien, mais à la chute du Moyen-Empire. Il explique en partie les erreurs de la chronologie officielle par des doubles fantômes et des alter ego dus au fait que la chronologie est basée sur des sources différentes, à savoir Égyptiennes et Grecques. De nombreux personnages et évènement décrit à des siècles d’intervalle ne feraient donc qu’un.

Dans le premier volume, le papyrus d’Ipou-Our daterait de la Deuxième Période intermédiaire égyptienne (1650 -1550 av. J.-C.) et serait en fait le récit des Dix plaies d’Égypte. Ce qui selon l’auteur a les implications suivantes :

  • Ouadjekhâ (souverain de la 13ème dynastie) serait le Pharaon de l’Exode.
  • Les Hyksôs[1] seraient en fait les Amalécites[2].
  • La reine-pharaon Hatchepsout serait la Reine de Saba.
  • Le Pays de Pount serait le Royaume de Salomon.
  • Thoutmôsis III serait en fait le Roi Shishak de la Bible hébraïque (l’une des théories les plus communes est que Shishak serait Sheshonq Ier).
  • Les lettres d’Amarna datant de la 18ème Dynastie (1550 – 1292 av. J.-C.) décriraient des évènements s’étant déroulés en Judée à l’époque du Roi Achab (874 – 853 av. J.-C.).

Dans les volumes suivants, Velikovsky fait les assertions suivantes :

  • L’histoire d’Akhenaton serait à l’origine du mythe grec d’Œdipe.
  • Amenhotep III serait Laïos, roi de Thèbes le père d’Œdipe.
  • Toutânkhamon serait Étéocle, fils du mariage incestueux d’Œdipe et Jocaste.
  • Manéthon de Sebennytos et la 20ème Dynastie sont identifiés aux dynasties qui ont régné sur l’Égypte nouvellement indépendante au début du 4ème siècle avant notre ère.
  • En conséquence, Nectanébo Ier serait un double fantôme de Ramsès III.
  • C’est donc Ramsès III qui aurait combattu les invasions de Peuples de la mer, dont les Philistins.
  • Les Philistins seraient en fait les Perses, les Peuples de la mer seraient leurs mercenaires grecs.
  • La 21ème Dynastie devient une lignée de roi-prêtres régnant sur les oasis.

Pour Velikovsky, les Pharaons de la 19ème Dynastie correspondent en réalité à ceux de la 26ème Dynastie :

  • Ramsès Ier serait Nékao Ier.
  • Séthi Ier serait Psammétique Ier.
  • Ramsès II serait Nékao II.
  • Mérenptah serait Apriès.

Pour que cette théorie fonctionne, Velikovsky décide que l’Empire Hittite est une invention des historiens modernes. Les soi-disant Hittites seraient les Chaldéens, leurs rois seraient des doubles fantômes de rois Néo-Babyloniens. Pour l’auteur, cela veut dire que :

  • La bataille de Qadesh (1274 av. J.-C.) opposant Ramsès II au roi Hittite Muwatalli II est un double de la bataille de Karkemish (605 av. J.-C.) qui a opposé Nékao II au Babylonien Nabuchodonosor II.
  • Nabopolossar est Mursili II.
  • Nériglissar est Muwatalli II.
  • Labâshi-Marduk est Mursili III.

Dans ces derniers travaux, Velikovsky sépare les 18ème et 19ème Dynasties, car pour lui Aÿ et Horemheb, son successeur, sont séparés d’environ un siècle. Les 22ème et 25ème Dynasties que nous connaissons succéderaient en réalité directement à la 18ème, période correspondant pour l’auteur aux invasions assyriennes du 7ème siècle avant notre ère. Horemheb aurait été fait roi par les Assyriens.

Réception et critiques :

Les théories de Velikovsky sont rejetées par la plupart des historiens et égyptologues, notamment, car les preuves sur lesquelles il se base sont très sélectives et hors contextes.

En 1965, l’expert des écritures cunéiformes Abraham Sachs démonte et discrédite les sources cunéiformes mésopotamiennes utilisées par Velikovsky. Ce dernier n’a jamais été en mesure de contredire Sachs.

En 1978, lors de la conférence de Glasgow qui aboutira à la chronologie du même nom, Peter James, John Bimson, Geoffrey Gammonn, et David Rohl affirment que la chronologie établie par Velikovsky ne tient pas debout, mais a le mérite de pointer les lacunes de la Chronologie officielle.

En 1984, l’égyptologue David Lorton explique que l’assertion selon laquelle Hatchepsout serait la Reine de Saba est une erreur grossière qui aurait pu être évitée par n’importe quelle personne ayant des connaissances basiques des langages antiques du Proche-Orient.

La même année, dans « Beyond Velikovsky : The History of a Public Controversy » l’expert en science marginale Henry H. Bauer explique que Velikovsky martèle de façon dogmatique que ses théories sont les seules interprétations logiques des sources qu’il s’est choisi.

Héritage :

Bien que globalement rejetée, la chronologie de Velikovsky a aussi de fervents supporters. Lynn E. Rose, professeur Emérite de philosophie, soutient cette chronologie jusqu’à sa mort en 2013. Le flambeau est alors repris par un groupe de disciple comptant dans ses rangs Charles Ginenthal et Emmet Sweeney. Ginenthal fonde le journal en ligne The Velikovskian et Sweeney a publié d’autres révisions des chronologies antiques.

Sous l’influence de Gunnar Heinsohn, les Velikovskiens ont poursuivi les révisions et sont allés bien plus loin, au point que plus grand-chose ne subsiste de la chronologie de Velikovsky. La 12ème Dynastie est rapprochée de 1500 et s’arrête avec l’invasion d’Alexandre le Grand. Les Hittites que Velikovsky identifiait comme Néo-Babyloniens deviennent les Lydiens[3]. Les Néo-Babyloniens deviennent des vassaux des Séleucides.

Cette révision de la révision n’en est pas plus acceptée par les historiens et égyptologues.


[1] « Chefs des pays étrangers » formaient autrefois un groupe pluriethnique vivant dans l’Asie de l’Ouest, et qui arriva à l’est du delta du Nil au cours de la Deuxième Période intermédiaire.

[2] Tribu de nomades édomites mentionnée dans la Bible, descendants d’Amalek, et qui occupaient un territoire correspondant au sud de la Judée.

[3] La Lydie est un ancien pays d’Asie Mineure, situé sur la mer Égée et dont la capitale était Sarde. Elle était connue par Homère sous le nom de Méonie.

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