Extrait de « Zugzwang : L’Allemagne échec et mat » — August Clauswitz — Autoédition.
Ce n’est un secret pour personne que l’Allemagne a tenté de négocier la paix avec les Alliés dès le mois d’août 1944. La plupart des gens voient dans ces propositions de paix répétées, un refus de reconnaître la défaite qui approchait. Comme si le gouvernement Beck était aussi entêté que le régime de Hitler.
Il n’est pas difficile d’admettre que les premières propositions de paix étaient inacceptables pour les Alliés et que le nouveau régime se berçait d’illusions. La première proposition fut reçue par les Alliés le 12 août 1944. Son contenu peut être résumé ainsi : retour aux frontières de 1914, pas de réparations de guerre, restitution des anciennes colonies allemandes en Afrique, création d’un protectorat allemand en Pologne. Clairement, cette proposition était surréaliste. Les Alliés marchaient vers Paris et étaient sur le point de débarquer en Provence. À l’est, l’opération Bagration était en train d’écraser les Allemands. Les ennemis de l’Allemagne savaient qu’ils allaient gagner la guerre et tout ce que proposait le gouvernement Beck pouvait être résumé ainsi « Faisons la paix et donnez-nous un Empire ». Le refus évident des Alliés fut accompagné du message « Nous savons ce que vous avez fait ! », faisant certainement référence aux camps de concentration et d’extermination. Il faut aussi comprendre que cette proposition de paix — et les suivantes — ne fut envoyée qu’aux Américains et Britanniques. Les Allemands avaient déjà compris que la guerre contre l’Union soviétique serait un combat à mort. Sauf que les Alliés avaient déjà froissé Staline en signant la paix en Asie avec le nouveau gouvernement japonais. Ils ne voulaient clairement pas risquer une guerre avec l’URSS aussitôt l’Allemagne vaincue. Churchill et Roosevelt prévinrent donc le « Petit père des peuples ».
Le 14 octobre 1944, les Alliés reçurent une seconde proposition qui était la suivante : passage sous contrôle allemand des zones germanophones de l’Alsace-Lorraine, rattachement des Sudètes et de Memel à l’Allemagne, rattachement du corridor de Dantzig et de la ville de Dantzig à l’Allemagne, création d’un protectorat allemand en Pologne. Les combats faisaient rage dans l’est de la France, mais la défaite continuait d’approcher. Pourtant, les Allemands demandaient le rattachement de tous les territoires germanophones à l’Allemagne. Les Alliés répétèrent qu’ils n’accepteraient qu’une reddition sans conditions. Seul bon point pour l’Allemagne aux yeux des Alliés : le gouvernement Beck avait mis fin au processus d’extermination des groupes ethniques ciblés par le régime nazi. Malheureusement, les Alliés ne le savaient pas encore. L’hiver approchait et les Allemands pleins d’illusions pensaient pouvoir reconstituer leurs forces et renverser la vapeur au printemps pour forcer la main aux Alliés.
Le 9 janvier 1945, alors que le front de l’ouest était relativement statique, la proposition suivante parvint aux Alliés : retour aux frontières d’avant-guerre (1939), rattachement du corridor de Dantzig et de la ville de Dantzig à l’Allemagne. Cette proposition paraissait raisonnable, mais l’URSS était sur le point de lancer l’offensive Vistule-Oder qui devait amener l’Armée rouge aux portes de Berlin. Les alliés quant à eux se préparaient à traverser le Rhin.
Le 19 mars 1945, les armées allemandes se faisaient mettre en pièce sur tous les fronts alors qu’une dernière proposition officielle fut envoyée. Les Allemands proposaient le retour aux frontières de 1938. Les Alliés ne répondirent même pas. Toutefois, le 1er avril 1945, l’Amiral Wilhelm Canaris qui avait retrouvé la tête de l’Abwehr se rendit secrètement en Suisse pour rencontrer Sir Clifford John Norton, ambassadeur du Royaume-Uni en Suisse. Les Allemands proposèrent l’impensable : capituler à l’ouest pour que les Alliés aident l’Allemagne dans sa guerre contre l’URSS. Ce que les Allemands ignoraient, c’est que le partage de l’Europe et de l’Allemagne était déjà en train d’être décidé entre les Alliés et l’URSS. Il semble qu’à ce moment-là, l’Allemagne avait enfin compris que rien d’autre que la reddition sans condition ne serait accepté par ses adversaires. Du moins, c’est l’image que le grand public a de la situation.
En réalité, la Wehrmacht prend des mesures en prévision de la défaite dès la fin de l’hiver 1944-1945. Lors d’une réunion de l’OKH à Berlin, le Maréchal Erwin Rommel demanda à ce que les volontaires d’Europe de l’Est soient transférés à Oberbefehlshaber West, c’est-à-dire sous ses ordres. Il fut appuyé en ce sens par le Colonel Claus von Stauffenberg. Leur motivation était simple. Ils savaient le sort que réserverait Staline aux prisonniers des pays « libérés » par l’Union soviétique, car les rumeurs sur le sort des légionnaires lettons étaient arrivées jusqu’à Berlin. Les Légions hongroises, Wallonne, Langemark, Charlemagne et Nordland furent donc envoyés à l’ouest. En échange de cette demande, Rommel doit toutefois se priver du renfort des unités allemandes. Les Cosaques du 15ème Corps de cavalerie[1] refuseront catégoriquement de combattre ailleurs que face à l’Armée rouge, tout comme les « Russes blancs » du Corps russe et de l’Armée Vlassov[2]. Cette dernière unité fera tout de même preuve de lucidité dans les derniers jours de la guerre et ira se rendre à l’ouest, en vain. Le cas des volontaires étrangers dans la Wehrmacht est d’ailleurs pour moi l’opportunité de rappeler le comportement monstrueux des Alliés. Les prisonniers originaires d’URSS ou de ses nouveaux satellites seront impitoyablement renvoyés en Union soviétique. Nombre d’entre eux trouveront la mort dans les goulags, d’autres seront torturés et/ou exécuter. Si je parle de comportement monstrueux et non irresponsable c’est que déjà à l’époque, les purges staliniennes, les goulags et autres monstruosités étaient connues des Alliés.
[1] Le 15ème Corps de cavalerie Cosaque avait été intégré de force à la SS.
[2] L’Armée Vlassov a considérablement renforcé ses effectifs avec les hommes de la Brigade Kaminski et de la 30ème Division de Grenadier. Toutes deux des unités russes de la SS.
Merci. La demande de colonies outre mer est vraiment surréaliste 😁 Une erreur de date :
En réalité, la Wehrmacht prend des mesures en prévision de la défaite dès la fin de l’hiver « 1945 »
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Bien vue pour la date, c’est corrigé.
Concernant les demandes, le plus drôle, c’est qu’elles figuraient vraiment dans les demandes envisagées par les conspirateurs à l’époque.
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