La guerre froide a commencé en Grèce

Guerre froide > Europe. Jonathan Paschal, 5 mai 2015.

Sortie hier, « La guerre froide a commencé en Grèce » de Spyro Paraskevas est un livre limpide et direct dans lequel son auteur nous raconte dans les détails la guerre civile grecque de bout en bout.

La première partie traite la période du débarquement britannique de 1944 jusqu’à la Dekemvrianá. Ces évènements qui se sont produits à Athènes entre le 3 décembre 1944 et le 11 janvier 1945 sont un avant-goût de la guerre civile, car les résistants communistes prennent les armes contre le gouvernement Papandreou et l’armée britannique, soutenu la milice d’extrême droite « Organisation X » du colonel Georges Grivas.

C’est ici que Paraskevas nous apporte les premiers éléments qui démontrent que la guerre froide commence à se jouer entre les Alliés et l’URSS. Le père de Paraskevas, Nikolaos, était un « logisticien » de l’ELAS, branche armée du Front de libération nationale (communiste). Spyro Paraskevas a retrouvé les archives secrètes de son père après la mort de ce dernier et elles sont édifiantes. L’URSS a livré des armes à la résistance grecque dès novembre 1944 et des agents soviétiques encadraient même les entraînements de la résistance. Selon le journal de Nikolaos Paraskevas, le Front de libération nationale avait pour consigne de reprendre le contrôle du pays par la force.

Ce début de guerre civile est censé prendre fin le 12 février 1945 avec la signature du traité de Varkiza. L’URSS fait transiter des armes par la Bulgarie puis par la Yougoslavie et, pour éviter d’attirer l’attention sur l’Union soviétique, c’est principalement du matériel de guerre saisie aux forces de l’Axe qui arrivent en Grèce.

Dans ces conditions, loin de s’arranger, la situation politique du pays est de plus en plus chaotique. Cela constitue la deuxième partie du livre. Les milices d’extrême droite et d’extrême gauche s’affrontent. Les partis démocratiques boycottent le referendum censé permettre de choisir le nouveau régime politique du pays. Alors que les milices communistes de Márkos Vafiádis (aka Markos) sont progressivement acculées dans les montagnes en 1947, l’URSS augmente son soutien et les USA entrent dans la dance. Markos reçoit le soutien de Tito, des Albanais et des Bulgares. Staline exclut Tito du Kominform en 1948, les communistes grecques perdent l’un de leurs principaux soutiens. La guerre bascule, l’armée gouvernementale est redynamisée. En 1949, celle-ci inflige une défaite définitive à l’armée communiste aux monts Gràmmos en Macédoine.

La troisième et dernière partie du livre fait le bilan de cette guerre. Elle se termine en 1951, la Grèce est en piteux état : on estime qu’elle aurait perdu environ 10 % de ses habitants à cause de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre civile. Les destructions sont importantes : 1,5 million de sans-abris, la majeure partie de la flotte marchande détruite, les infrastructures réduites à néant, tout comme les capacités agricoles et industrielles.

Beaucoup moins connue que la Guerre civile espagnole, mais proportionnellement aussi tragique, la guerre civile grecque aurait fait 175 000 morts et des dizaines de milliers de réfugiés dans les pays communistes (de 90 à 120 000 selon les estimations), et de nombreuses exactions ont été commises de part et d’autre. De nombreuses familles furent déchirées par le conflit, des milliers d’enfants se trouvèrent orphelins ou enlevés à leurs familles. Spyro Paraskevas n’est pas épargné, car si son père était communiste, la quasi-totalité de sa famille soutenait le régime légitime. Nikolaos Paraskevas est capturé par la dictature des colonels le 23 juillet 1969, il est exilé sur une des îles désertes de l’Égée dont il ne reviendra jamais. C’est la découverte du journal et des archives de son père en 2006 qui a poussé Spyro Paraskevas à se replonger dans la douloureuse histoire de son pays et de sa famille.

Ma note personnelle est un 9 sur 10. Le livre traite du sujet de manière non partisane, ce qui est appréciable, mais aussi très touchante. J’aurais juste apprécié que le livre couvre l’histoire de la Grèce jusqu’à la fin de la dictature des colonels.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s