Article de Shiro Yoneyama, The Japan Times, 26 juillet 2000.
La cérémonie d’entrée à l’Université de Tōkyō était seulement passée de huit jours en avril 1961, quand Takeshi Tsuji, impatient de commencer ses études dans l’école la plus prestigieuse de la nation, a vu son père avant qu’il ne parte pour « une mission en Asie du Sud-Est ». Le 4 avril 1961 sera la dernière fois que Takeshi verra son père, Masanobu Tsuji. Il aurait eu 89 ans en octobre prochain, mais a été déclaré mort en 1968.

Le destin de Tsuji, officier dans l’armée du Kwantung puis au Quartier Général Impérial avant de devenir plus tard colonel pendant la Seconde Guerre mondiale, a toujours été source de curiosité. Tsuji fut l’une des figures les plus controversées de l’Armée impériale japonaise, car agressif, fanatique, irrespectueux et insubordonné. Il est le principal planificateur de l’incident de Nomonhan[1] ou les troupes japonaises se firent étriller par les soldats soviétiques à la frontière entre la Mandchourie et la Mongolie en 1939. Le comportement de Tsuji et d’autres officiers coûtera sa carrière au Général Homma lors de la campagne des Philippines. Il est aussi impliqué dans le désastre militaire de Guadalcanal en 1942 et dans des crimes de guerre en Malaisie et Singapour. Crimes qui eurent des répercutions sur la carrière de ses supérieurs de l’époque, c’est en partie à cause de cela que le Général Tomoyuki Yamashita sera exilé à la tête de l’Armée de Mandchourie. Tsuji fut plus tard stationnée en Birmanie et en Thaïlande.
Quand le traité de paix définitif est signé entre le Japon et les Alliés en 1944, Tsuji part en Chine pour servir en tant que conseiller militaire auprès de Tchang Kaï-chek. Pendant ce temps, les forces armées du Japon commencent leur purge des officiers d’extrême droite et des alliées d’Hideki Tōjō. Tsuji fait partie des accusés. Il est arrêté en 1945 lorsqu’il tente de rentrer discrètement au Japon pour voir sa famille. Il est condamné à mort pour insubordination (pour ses actes en Mandchourie et aux Philippines), désertion (sa fuite en Chine) et crime de guerre (mauvais traitement de civils et de prisonniers de guerre aux Philippines, notamment la marche de la mort de Bataan). Il disparaît dans la nature lors de son transfert du tribunal jusqu’à la prison de Sagumo avec la complicité supposée de Yoshio Kodama.
Durant sa cavale, il écrit deux livres : « Nomonhan » et « Guadalcanal » qu’il parvient à publier grâce à ses réseaux de connaissance. Les livres seront des best-sellers. On retrouve sa trace en 1959 lorsqu’il décide de monnayer ses services en tant que mercenaire dans la péninsule indochinoise. Un moyen pour lui d’assouvir sa haine envers les Occidentaux. Son frère Masayoshi, ancien officier lui aussi et dernier membre de l’ancien clan Tsuji, a longtemps cru que son frère reviendrait sain et sauf. Il conserve encore une carte postale envoyée depuis Ventiane au Laos par son frère et datée du 20 avril, 1961. Il est écrit « j’ai fait le tour de l’Asie du Sud-Est avec une statue de Bouddha ». « Je suis allé au Laos. Des fêtes et des guerres s’y déroulent aux mêmes endroits, au même moment ». La carte dit aussi qu’il reviendra dans le village familial pour honorer la tombe de leur plus jeune frère, Tadashi, mort pendant la guerre. Tsuji demande aussi à Masayoshi de ne parler à personne de son « voyage ». Eko Hata, autrefois sous les ordres de Tsuji, se rappelle « Je trouvais déjà quasisuicidaire d’aller au Laos et de traverser le Mékong en pleine saison des pluies. En plus, le Laos était en pleine guerre civile ».
Des copies de documents militaires déclassés récemment ont été remises à la famille de Tsuji avant d’être ajoutées aux archives publiques. C’est ainsi que la famille Tsuji a eu confirmation de ce qui était tant redouté, Masanobu est mort dans les conflits déchirant la péninsule indochinoise, mais de manière inattendue. En effet, ces documents attestent que l’Armée impériale japonaise a envoyé un commando à la recherche de Tsuji alors que ce dernier a rejoint l’armée nord-vietnamienne au moment où les États-Unis s’engagent dans la guerre au Nord. À cette période, plusieurs opérations de ce type seront lancées pour rapatrier d’anciens militaires japonais. Comme beaucoup d’anciens militaires proches de la « Clique Tōjō », Tsuji était devenu profondément antiaméricain et opposé au nouveau gouvernement japonais. Lorsque le commando a tenté de le capturer, Tsuji était accompagné d’autres mercenaires japonais et de soldats nord-vietnamiens. Tsuji et ses hommes refusèrent de se rendre et engagèrent le combat. D’après le rapport de l’opération, aucun membre de la troupe de Tsuji ne survécut aux combats. Les corps furent enterrés dans une fosse commune et le commando rentra au Japon.
[1] La bataille de Khalkhin Gol, aussi appelée incident de Nomonhan par les Japonais, est un incident de frontière en Mongolie qui dégénéra en deux batailles opposant l’Union soviétique à l’empire du Japon du 11 mai au 16 septembre 1939.
Les FS japonaises agissaient en solo pour ces »extractions » ou avec l’appui américain ?
Un lapsus : et crime de guerre (mauvais traitement de civil(e)s et de prisonniers de guerre aux Philippines,
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Corrigé.
Les détails de ces opérations d’extractions restent encore classifiées, mais vu la domination des Américains dans cette phase du conflit, ils étaient, a minima, au courant.
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