La guerre civile chinoise

Extrait de « L’Histoire en version courte : la Chine » — Chauncey Sinjin — Quotace Books.

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Nouvelles tensions dès 1944

Une guerre civile de basse intensité recommence dès le printemps 1944 alors que le Japon retire ses troupes dans le cadre du Traité de Manille. Les Japonais évacuent avec eux une partie des membres du gouvernement de collaboration chinois de Wang Jingwei, mais laissent une partie de son matériel militaire sur place. En effet dans le cadre du Traité de Manille le Japon doit dédommager la Chine et Chiang Kai-shek a demandé à ce qu’une partie de ces dédommagements soient effectués en matériel militaire. C’est ainsi que le Japon va raviver les braises de la guerre civile. Wang Jingwei est évacué vers le Japon pour raison de santé alors même que l’avenir de son gouvernement collaborationniste dit « de Nankin » est en jeu. Sur les 350 000 hommes composant l’armée du régime de Nankin, plus de 250 000 rejoignent la Chine nationaliste, mais plusieurs dizaines de milliers rejoignent les rangs communistes.

En effet depuis l’automne 1943, les communistes chinois et les soldats japonais ne s’affrontent quasiment plus. Le but était de faire croire aux Américains que le Japon était prêt à « offrir » la Chine à Mao Zedong. Ainsi lors de leur retrait de 1944, 700 000 soldats japonais laissent l’essentiel des territoires du nord-est de la Chine, hors Mandchourie, aux communistes ainsi que le matériel militaire promis à Chiang Kai-shek, y compris des chars. Le pouvoir communiste s’étend du Shanxi au Jiangsu et sur la Mongolie intérieur et Pékin.

Le KMT et les États-Unis protestent vivement, mais les Japonais ont un prétexte tout trouvé pour justifier leurs actions : les communistes faisant partie du Front uni chinois ils sont des représentants légitimes du gouvernement du KMT. C’est donc en renforçant les communistes chinois que le Japon s’est rendu indispensable dans la lutte anticommuniste. Le général Albert Coady Wedemeyer, qui commande 50 000 hommes des forces américaines présentes en Chine dans le cadre de l’Opération Beleaguer dans le sud de la Chine, réclame en vain le déploiement de sept divisions de l’US Army en Chine du Nord-est pour sécuriser les territoires évacués par les Japonais.

Les États-Unis qui, il y a peu, sympathisaient encore avec Mao tentent de se poser en médiateurs. Le Général William Leahy est nommé en septembre 1944 ambassadeur des États-Unis en Chine. Une mission américaine est installée à Yan’an et espère aboutir à la formation d’un gouvernement de coalition communiste-nationaliste, afin d’éviter une reprise de la guerre civile dans un pays déjà ravagé par la Seconde Guerre Sino-Japonaise. En parallèle, des négociations sont menées à Chongqing en présence du diplomate américain Patrick J. Hurley. Chiang Kai-shek et Mao Zedong négocient pendant 34 jours, mais leur rencontre n’aboutit qu’à des déclarations de principes en faveur d’une reconstruction pacifique du pays et l’établissement d’une commission tripartite. Mao Zedong se sait en position favorable et soutenue par les paysans, les incidents entre communistes et nationalistes se multiplient.

Étendard de l’Armée nationale révolutionnaire.

Le conflit reprend à partir du 10 septembre 1944. Les troupes nationalistes, commandées par Yan Xishan, avancent sur la place forte communiste du Shanxi, afin d’en prendre le contrôle. Les troupes communistes, conduites notamment par Deng Xiaoping, ripostent et affrontent les nationalistes jusqu’en octobre, mettant finalement hors de combat treize divisions de l’armée du Kuomintang, et faisant 59 000 prisonniers, mais les nationalistes parviennent à s’emparer de Taiyuan. Les affrontements ont pour résultat, durant les négociations de Chongqing, de faire passer les nationalistes pour les agresseurs, tout en améliorant l’image des communistes auprès des paysans. Les États-Unis décident de soutenir les nationalistes du KMT, mais ces derniers se sont mis à dos la majorité de la population. Le PCC avait gagné la confiance des paysans, qui ne voulaient pas voir le retour des grands propriétaires, mais aussi de larges couches de la population urbaine qui le voyaient comme un parti apte à libérer le pays. Par ailleurs, le régime de Chiang Kai-shek s’était révélé inefficace et incroyablement corrompu, au point que certains le jugeaient pire que les triades. Dans les territoires dont les Japonais lui on transmit le contrôle, le KMT à occupé toutes les banques, usines et commerce et déclenché une mobilisation qui a massivement déstabilisé l’économie déjà déjà ravagée par la guerre sino-japonaise. L’inflation galopante ainsi provoquée a anéanti le pouvoir d’achat des soldats du KMT et provoqué une explosion de la corruption et du marché noir. Les officiels et soldats du KMT ont commencé à déserter en masse pour rejoindre les armées du PCC, y compris certaines unités très bien entraînées et équipées.

La fin d’un traître

Pendant ce temps, Wang Jingwei, atteint d’un myélome multiple, s’éteint à l’hôpital de Nagoya le 10 novembre 1944. Il ne sera donc pas témoin des ravages qui seront infligés à son pays. Wang est considéré comme un traître par la plupart des historiens chinois de l’après-Seconde Guerre mondiale, tant par les nationalistes que les communistes, mais aussi en Mandchourie ou l’histoire de la Seconde Guerre Sino-Japonaise fut intensément révisé dès la fin des années 1940 et les années 1950. Pour les Chinois de tous bards, son nom est devenu le synonyme de « traître » ou de « trahison ». Dans leur rhétorique, les gouvernements communistes et nationalistes ont tous deux éviscéré Wang pour sa collaboration avec les Japonais. Le PCC met l’accent sur son anticommunisme, tandis que le KMT le minimise, se concentrant plutôt sur sa trahison personnelle de Chiang Kai-shek. En outre, les communistes prétendaient que son rang élevé au sein du KMT démontrait la duplicité et la trahison inhérentes au KMT. Au contraire, ce dernier, même durant sa phase de gouvernement en exil, n’a eu de cesse de minimiser l’association antérieure de Wang Jingwei avec Sun Yat-sen.

La reprise des combats

Étendard de l’Armée populaire de libération.

La période qui voit la reprise du conflit ouvert est désignée en République populaire de Chine par le nom de Guerre de libération. Le conflit dégénère en guerre ouverte à partir du mois de janvier 1945. Intitalement, les troupes communistes s’en tiennent à une posture défensive alors que Chiang Kai-shek ordonne des assauts à grande échelle impliquant jusqu’à 1,6 million de troupes en même temps. En avril, l’Armée rouge chinoise est rebaptisée Armée populaire de libération et compte 1,2 million de soldats et 2 millions de miliciens. En juin 1945, les communistes remportent la victoire contre les nationalistes dans le Gansu.

Le président américain Harry S. Truman nota dans ces mémoires que « ils étaient parfaitement clairs pour nous que les Japonais avaient créé une situation intenable. Plus que de tenir le terrain en attendant le KMT, ils ont offert un tiers du pays aux communistes en leur laissant assez d’armes pour mener leur guerre. Deux options s’offraient à nous et elles étaient toutes deux évidemment désastreuses. La première était de soutenir le Kuomintang avec un mince espoir de les voir réussir. L’autre était de lancer notre pays dans une nouvelle guerre qui, comme nous la montrer la Guerre de Corée, aurait certainement impliqué l’Union soviétique. »

Fuyant dans un premier temps les batailles rangées, les communistes reprennent leur tactique de guérilla et s’arment progressivement par prises de guerre et en acheminant le matériel « offert » par le Japon. Les contre-attaques communistes et les campagnes de harcèlement imposent une attrition et une usure morale extrême aux troupes communistes. Les « zones libérées » communistes englobent déjà un tiers du pays. Le camp nationaliste profite des surplus de l’armée américaine et bénéficie d’un important soutien financier américain. À mesure que leur armement se renforce et que les défections se multiplient dans les rangs nationalistes, les communistes se livrent à un nombre grandissant de chocs frontaux avec les troupes gouvernementales. Sur la seule année 1945, les pertes et les défections coutent plus d’un million de troupes aux KMT. La redistribution des terres effectuées par le PCC dans les territoires qu’il contrôlait a permis Mao Zédong, outre l’acquisition du soutien des paysans, de s’assurer l’accès à une grande quantité de ressources humaines prête à combattre ou assurer la logistique de son armée. Ainsi, les troupes communistes ont, dans certaines batailles de la guerre civile, s’appuyer sur cinq à six millions de paysans.

Face à une situation qui ne cesse de se détériorer, Chiang commet une erreur stratégique : il décide de se concentrer sur la défense de ses bastions des grandes villes, abandonnant les campagnes communistes de Mao Zedong. Le Kuomintang utilise également d’anciennes troupes et de nombreux cadres du gouvernement collaborateur de Wang Jingwei et des conseillers militaires japonais. Si cela est dicté par la nécessité de trouver tous les soutiens possibles, cela a un effet désastreux sur l’image de Chiang et du KMT auprès de la population, qui se souvient au contraire de la guerre de résistance menée par les communistes durant la Deuxième Guerre sino-japonaise qui est encore très fraiche dans les mémoires.

L’été 1945 est dominé par la Campagne de Yangtze qui, du 20 juin au 2 septembre, voit un million de communistes franchir le fleuve et mettre 430 000 nationalistes hors de combat dans une campagne qui voit la prise de Nankin et Shanghai.

En novembre 1945, les nationalistes perdent le contrôle du Hubei face à l’insurrection paysanne et l’armée du PCC. En décembre 1945, Shanghai tombe à son tour. En janvier 1946, au gré des défections et des prises de matériel, l’Armée populaire de libération surclasse désormais l’Armée nationale révolutionnaire en termes d’effectif et d’armement. À partir de mars 1946, l’URSS commence à soutenir assez directement les communistes en lui transférant du matériel et des munitions. Chiang proteste vivement, mais fut ignoré. Pendant ce temps, le régime du Kuomintang décourage les milieux d’affaires par la corruption qui règne en son sein, et les nombreux détournements de fonds et d’aides pratiqués par ses officiers.

Durant cette période la « Campagne des trois offensives[1] », une bataille majeure oppose les armées communistes et nationalistes, ces derniers tentant de montrer une contre-offensive. La campagne se termine par la prise des régions du Qinghai et du Sichuan, les nationalistes sont à l’agonie leur territoire coupé en deux. En capturant à cette occasion de nombreuses unités du Kuomintang, les communistes font également de nouvelles prises importantes en matière d’armement lourd. En août 1946, l’Armée populaire de libération prend le contrôle d’une partie du Zhejiang et atteindre les frontières du Tibet. Les forces du KMT sont alors coupées en deux et celles se trouvant dans le nord-ouest de la Chine se retrouvent livrées à elles-mêmes ce qui entraîne la défection de plus de 80 000 hommes. Selon certains historiens, les communistes bénéficient de la complaisance de plusieurs généraux nationalistes, vraisemblablement infiltrés ou gagnés à leur cause. Il faut dire que la politique menée par le PCC, notamment la redistribution des terres, lui vaut une telle popularité que malgré de lourdes pertes au combat ses effectifs sont en constante hausse. Ainsi durant la campagne du Sichuan, 600 000 soldats communistes ainsi que 50 000 miliciens sont soutenus par 5 millions de paysans. La campagne se termine avec plus de 550 000 pertes nationalistes, dont plus de 300 000 défections.

L’opération Beleaguer

L’opération Beleaguer et le nom de l’opération de stabilisation américaine en Chine, qui se sont ensuite transformés en opération d’assistance à l’armée du KMT.

Les marines américains du III Amphibious Corps étaient théoriquement chargés de superviser le retrait de 700 000 soldats et japonais et leurs supplétifs coréens. Toutefois, les Japonais se retirent avant que les troupes américaines ne puissent se déployer dans la plupart des zones prévues. Les marines se déploient alors, partiellement, sur la ligne de contact séparant une partie des territoires communistes et nationalistes. Trop peu nombreux, 50 000 hommes, pour un si vaste territoire, leur mission se résume avant tout à de l’observation.

Les marines étaient sous le commandement du major général Keller E. Rockey qui était lui-même sous le commandement du lieutenant-général Alber C. Wedemeyer des US Army en charge des opérations américaines pour l’ensemble du territoire chinois. Les troupes américaines, appuyé par les éléments de la 7ème Flotte et la 14th Air Force ont commencés à se déployer en Chine à partir du 2 septembre 1944 sous les acclamations de la population chinoise. Malgré, tout sur la ligne de contact, les Américains constatent que les troupes communistes ne sont pas très coopératives et sabotent les lignes de chemin de faire qui pourrait permettre au KMT de ravitailler ses troupes ou de mener des incursions en territoire communistes. Le lieutenant-colonel John J. Gormley du 1er bataillon du 7ème régiment de marines constate que plusieurs dizaines de milliers de soldats l’armée révolutionnaire du KMT sont en réalités des volontaires japonaises. Certaines sources estiment à au moins cent mille le nombre de japonais ayant combattu dans les rangs nationalistes pendant la guerre civile.

Toutefois, dès la reprise des hostilités au printemps 1945, les troupes américaines se retirent de la ligne de contact. En effet, les marines ont pour ordre de ne pas engager le combat à moins d’être directement pris pour cibles. La première escarmouche entre troupes américaines et celle du PCC ont lieu près de Suzhou à l’ouest Shanghai le 6 octobre 1944. Ce jour-là des troupes chargées de dégager des routes barrées sont attaquées par quarante à cinquante communistes. Les Américains se replient rapidement avec trois blessés. Ils reviennent le lendemain avec plus de troupes, des chars et une couverture aérienne sans que les communistes tentent quoi que ce soit. Au moins trois autres accrochages notables entre Américains et communistes chinois sont documentés entre 1944 et 1947.

Une fois la guerre relancée, l’opération Beleaguer évolue vers deux missions. L’une consiste à évacuer les résidents étrangers présents en Chine. L’autre est de poursuivre la formation des troupes du KMT. Les forces américaines, dont les effectifs sont ramenés à seulement 25 000 hommes, sont alors principalement déployées autour de Chongqing et sur l’île Hainan. Des Seabees[2] de l’US Navy sont alors chargés de superviser la mise en place d’infrastructure défensive, ainsi que des pistes d’aviation pour les pilotes chinois formés par la 14th Air Force. À l’inverse, les hommes grenouilles des Underwater Demolition Team (UDT) assistent les Chinois dans la destruction des infrastructures dans le cadre d’une politique de la terre brûlée.

À partir du printemps 1947, constatant l’effondrement des troupes nationalistes, les Américains réorganisent leur dispositif et commencent à planifier des voies d’évacuation potentielle. L’opération Beleaguer verra la mort 47 soldats américains alors que 12 sont portés disparus et 78 ont été blessés. Il est estimé que 89 % de ses pertes ont été subis par les marines.

La voie du guerrier c’est la mort

La bataille Taiyuan a opposé nationalistes et communistes pour le contrôle de la capitale du Shaanxi qui est passé sous contrôle nationaliste suite à une attaque éclaire en septembre 1944. Les combats se sont déroulés du 5 novembre 1944 au 24 mai 1945.

Officiellement le commandement nationaliste était assuré par Yan Xishan, Sun Chu et Wang Jingguo. Ce que beaucoup ignorent c’est que dans la pratique c’est le Lieutenant-Général Imamura Hosaku de l’Armée impériale japonaise qui commandait.

Après la fin de la guerre sino-japonaise Imamura décide d’entrer au service du seigneur de guerre Yan Xishan dont il salue les qualités lors de la guerre sino-japonaise. Imamura est suivi par la plus grande partie de ses troupes, même si des Japonais combattent aussi du côté communiste.

Très rapidement la ville de Taiyuan est encerclée par les communistes. Soutenus par un très modeste pont aérien, les nationalistes repoussent cinq grandes offensives rouges entre novembre 1944 et avril 1945 en combattant à 135 000 contre 320 000. De nombreux Chinois nationalistes décident de déserter pour sauver leurs vies, mais les Japonais d’Imamura restent inébranlables. Yan Xishan s’envole pour Nankin avec son trésor de guerre vraisemblablement pour acheter du matériel et du soutien, mais il ne reviendra jamais.

Officiellement Wang Jingguo prend le commandement, en réalité il seconde Imamura Hosaku et les Japonais restent en première ligne jusqu’au bout. L’agonie de son armée se fera dans la tradition samouraï. Du 19 au 24 mai, les Japonais se battent au corps-à-corps, rue par rue, maison par maison refusant toute reddition. Imamura Hosaku se donne la mort ainsi que près de 500 soldats, dignitaires et civiles aussi bien chinois que japonais. Il s’agit du dernier exemple documenté de sacrifice massif de guerrier japonais au combat.

Côté communiste, l’un des alliés du PCC est la ligue d’émancipation du peuple japonais de Sanzō Nosaka basée à Yan’an dans la province du Shaanxi. Cette organisation à « rééduquer » les nombreux prisonniers de guerre japonais et les a enrôlés dans la cause des communistes chinois. Accompagnés de volontaires communistes japonais, ces troupes japonaises sont ensuite utilisées dans divers rôles civils et militaires, et ont une grande valeur en raison de leur expertise technique qui est généralement supérieure à celle des soldats chinois. Les troupes japonaises « rééduquées » sont déterminantes dans plusieurs victoires communistes de la Guerre Civile pendant laquelle la plupart des artilleurs des communistes sont des Japonais.

Tragiquement ce détail de l’histoire est passé inaperçu. Tout juste évoque-t-on la présence de japonais au côté des nationalistes ou des communistes.

L’effondrement nationaliste

En février 1947, Chiang Kai-shek tente d’obtenir l’entrée en guerre des États-Unis, mais le Président Truman refuse de risquer la vie de soldats américains supplémentaires alors que le Général MacArthur fait face à une guerre civile en Corée. De son côté, Li Zongren tente de négocier avec les communistes, mais les pourparlers tournent court le 20 mai 1947. Le lendemain, la ville de Changsha dans l’Hunan, Chengdu dans le Sichuan ainsi que la région du Fujian tombe aux mains des troupes communistes. Huit jours plus tard, les troupes nationalistes du Xinjiang rallient les communistes à leur tour.

Le 30 mai, à la surprise générale, Li Zongren et plusieurs divisions décident de capituler pour mettre fin à l’horreur d’une guerre perdue d’avance. Le régime nationaliste s’effondre. Chiang Kai-shek et ses fidèles se réfugient alors sur l’île d’Hainan. La situation y est toutefois rendue difficile par la guérilla communiste du Qiongya qui tient le centre de l’île depuis 1927. La colonne Qiongya a survécue à plus 2200 accrochages avec les japonais et leurs séides en leur infligeant plus de 19 000 pertes.

Le 1er juin, Mao Zedong, au balcon de Tian’an men, proclame officiellement à Pékin la République populaire de Chine. Li Zongren et ses hommes sont graciés par le leader communiste qui loue leur volonté de mettre fin à la guerre.

Un exode massif de civils accompagne l’état-major nationaliste et les troupes rescapées : la population d’Hainan s’accroît d’environ quatre millions de personnes. Haikou est proclamée capitale provisoire de la République de Chine.

L’exode nationaliste

Le 5 mars 1948, la République populaire de Chine débarque à Hainan. Les troupes commandées par le Général Xue Yue font face à une forte résistance. Les nationalistes sont soutenues par la 7ème Flotte américaine qui cherche à ralentir l’avancée des communistes alors que les troupes de l’opération Beleaguer organisent l’évacuation des civils. En deux semaines, les navires américains évacuent deux millions de réfugiés, qui s’installeront aux USA, aux Philippines, en Malaisie, à Singapour et même sur l’île japonaise du Formose. Malgré l’implication américaine, la République populaire de Chine ne déclare pas la guerre aux États-Unis. L’Armée Populaire de Libération fait sa jonction avec les troupes de la guérilla Qiongya le 16 avril 1948 et découvre que les guérilleros portent encore les uniformes de l’Armée Rouge de la République soviétique chinoise.

La Chine communiste conquiert ensuite les îles et archipels de Wanshan, Zhoushan, Nanri, Dongshan, Yijiangshan, Tachen, Matsu, Wuqiu et Kinmen soit y débarquant soit y acceptant la reddition des troupes nationalistes. Les derniers combats cessent le 7 juin 1948. Le Kuomingtang devient alors le Gouvernement en exil de la République de Chine et s’installe à Los Angeles.

Les réfugiés chinois rejoignent le pont de l’USS Midway ou le personnel de l’US Navy distribue des couvertures et de l’eau.

Victimes et conséquences

Les évaluations du nombre de victimes sont très variables. Des chiffres, tous camps confondus, donnant 2 000 000 de pertes militaires entre 1928 et 1936, puis de 1 200 000 entre 1944 et 1948, ont été avancés. En cumulant les pertes militaires avec les massacres de populations commis par le Kuomintang — estimées à 2 045 000 victimes — et ceux commis par les communistes —1 823 000 victimes estimées —, on arrive à une évaluation d’au moins 7 000 000 de victimes, dont environ 5 000 000 pour la période post-1944. Il faut aussi y ajouter de nombreux cadres du gouvernement nationaliste (incluant aussi d’anciens membres du Régime de Wang Jingwei) qui sont exécutés ou abandonnés à une mort certaine en prison.

Une partie des troupes nationalistes n’ayant pas pu être évacuées poursuite le combat sous forme d’une guérilla qui durera jusqu’en 1954. Elle est « neutralisée » au court de la « Campagne pour supprimer les contre-révolutionnaires » et de la « Campagne pour supprimer les bandits » qui verront 2,5 millions d’arrestations menant à 1,2 million d’emprisonnements et plus de 700 000 exécutions. Ces dernières ont principalement ciblé les officiels du KMT, les hommes d’affaires et les employés de compagnies étrangères.

 Annexant le Tibet, le Parti Communiste Chinois contrôle alors toute la Chine continentale à l’exception de la Mandchourie. Un groupe 3000 à 6000 combattants du KMT qui s’est retiré en Birmanie mène alors une guérilla dans le sud de la Chine jusqu’en 1958 avec le soutien du Gouvernement en exil de la République de Chine et de la CIA et l’argent du Triangle d’Or.

Le conflit entraîne la coexistence des deux gouvernements, dont chacun affirme sa souveraineté : la République populaire de Chine contrôle l’ensemble du territoire, et la République de Chine, continuation officielle de la « première République » est réduite à un gouvernement en exil. Ce dernier apparaît fragile, mais la guerre froide fait à nouveau de Chiang Kai-shek un allié majeur des États-Unis sur le continent asiatique jusqu’à sa mort en 1970. En parallèle, Chen Gongbo tente de créer un autre gouvernement en exil à Taihōku, mais le gouvernement japonais ne reconnaît plus qu’un seul allier en Chine : la Mandchourie.

En 1975, la République populaire de Chine rejoint les rangs de l’Organisation des Nations unies et est donc reconnue comme le gouvernement légitime de Chine. Le Président américain Richard Nixon ayant soutenu la résolution en échange de la non-intervention chinoise dans la Deuxième guerre d’Indochine. Cela n’empêchera pas la Chine de laisser transiter le matériel soviétique jusqu’en Indochine. La puissance économique de la diaspora chinoise nationaliste et son implication dans les activités paramilitaires en Asie continuent jusqu’à la fin la présidence Nixon.


[1] Respectivement baptisées Campagne de l’Ouest, Campagne de l’Est, Campagne du Centre.

[2] United States Naval Construction Battalions.

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