Extraits Wikipédia.
Le Traité de Manille (aussi appelé Traité de paix avec le Japon ou Traité de paix de Manille) est un traité de paix signé entre le Japon et les Puissances alliées le 14 avril 1944. Le Traité est signé par 32 pays dans le Palais de Malacañan aux Philippines. Il est considéré comme le traité de paix le plus rapidement signé de l’histoire même si certains points ne furent réellement réglés que plusieurs années après la signature.
Le Traité met officiellement fin au conflit en Asie et dans le Pacifique, le Japon renonce à l’expansionnisme et s’engage à dédommager les victimes civiles et les prisonniers de guerre qui ont souffert des crimes de guerre perpétrés par les troupes japonaises. Le Traité instaure des tribunaux pour juger les criminels de guerre japonais. De nombreux traités bilatéraux seront signés entre le Japon et d’autres pays ou anciennes colonies par la suite.
L’attitude du Japon
Après le cessez-le-feu de 24 heures accordé à la fin de la bataille des îles Mariannes et le renversement du gouvernement Tōjō, le Japon ne lance plus aucune offensive contre les alliés pour prouver la sincérité de sa proposition de paix. Que ce soit dans le Pacifique ou en Birmanie, les soldats japonais reçoivent l’ordre de tenir leur position et de ne lancer aucune offensive ou provocation. En Chine, les choses se passent différemment, car les nationalistes chinois lancent plusieurs attaques contre les lignes japonaises, sans succès majeur.
Le 11 janvier 1944, le Japon annonce son retrait du Pacte tripartite.
Signataires
Les signataires du traité sont le Japon, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la République de Chine, le Raj britannique, les Pays-Bas, le Népal, l’Afrique du Sud, les Philippines, le Panama, le Costa Rica, la République dominicaine, Haïti, le Salvador, le Honduras, le Nicaragua, Cuba, le Guatemala, le Mexique, le Brésil, l’Éthiopie, l’Irak, l’Iran, la Bolivie, la Colombie, la Tchécoslovaquie et la Pologne.
La République de Mandchourie bien que présente n’était pas signataire. En tant que nouvelle nation, elle ne se considérait pas comme belligérante. Malgré la demande des Japonais, les communistes chinois n’ont pas participé à la négociation et au traité, à la demande de la République de Chine, les États-Unis et la Grande-Bretagne. L’Italie n’a pas été conviée, car elle n’a pas pris part au conflit en Asie, tout comme le Portugal[1].
Opposition soviétique
Bien qu’invité aux négociations, l’Union soviétique a refusé de signer le traité et s’est fortement opposée à son contenu, préparé principalement par les États-Unis et le Japon. L’Union soviétique espérait, une fois la guerre en Europe terminée, prendre part au conflit dans le but de gagner des territoires, probablement en Mandchourie et surtout en Corée. Staline et Molotov ont dénoncé ce traité comme étant surtout un pacte « anticommuniste » en Asie. Notamment, car les communistes chinois n’ont pas été conviés. Molotov a aussi objecté que le traité ne fournissait aucune garantie contre le retour au militarisme, l’expansionnisme et l’impérialisme japonais.
Les objections chinoises
Lors des négociations, la Chine a réclamé la souveraineté sur l’île de Formose (Taiwan) et les Pescadores, les îles Paracel, Spratly et Pratas. Formosa et les Pescadores ayant été cédées au Japon à perpétuité le 17 avril 1895, selon les termes du Traité de Shimonoseki[2] la majorité des signataires décident qu’il advient au Japon et à la Chine de renégocier le sort de Formose et les Pescadores par un traité bilatéral. Les îles Paracel, Spratly et Pratas étant réclamées par plusieurs pays, leur sort est confié à la future « Organisation des Nations Unies ».
Les territoires japonais
L’Empire du Japon renonce à la souveraineté sur les îles de Marshall, les Mariannes, les Caroline, les Kiribati et Nauru. Seuls Palau et les îles Mariannes restent sous administration japonaise.
Avant la Première Guerre mondiale la plupart de ces îles étaient administrées par le Japon pour le compte de la Société des Nations, dans la pratique elles ont simplement été annexées. Les États-Unis administreront les Kiribati, Marshall et Caroline, l’Australie administrera Nauru et le Japon les Mariannes et Palau. Le tout pour le compte de la future « Organisation des Nations Unies ».
Le Japon s’engage à entamer les discussions avec le gouvernement coréen en exil de Kim Koo en vue de restituer son indépendance à la Corée.
Hong Kong et le Kouang-Tchéou-Wan[3] retournent respectivement sous administration britannique et française. Leur avenir devra être négocié directement avec les Chinois.
La concession internationale de Shanghai est rétrocédée à la République de Chine avec effet immédiat.
La France manquant de troupes, le Japon s’engage à fournir des troupes à l’administration française en Indochine jusqu’à la fin de la guerre en Europe. Les troupes japonaises sont placées sous commandement français.
La question de la Mandchourie
La proclamation soudaine de la République de Mandchourie a compliqué les négociations. La République de Chine et l’Union soviétique y voient un état fantoche à la solde du Japon. Sur proposition du Japon, des États-Unis et de la Grande-Bretagne, la Chine et la Mandchourie sont invitées à entamer des négociations sur ce qui est considéré comme « une affaire ne regardant que les Chinois et les Mandchous ». La question des indemnisations et réparations pour l’occupation par le Japon sera négociée entre le Japon et la Mandchourie.
Tribunal militaire international pour l’Asie et le Pacifique
Simplifié en « Tribunal de Tōkyō ». Le Japon autorise les Alliés à enquêter sans restriction sur les crimes de guerre de japonais qui seront jugés à Tōkyō et dont les peines seront effectuées au Japon. Le Japon s’engage à juger les militaires et politiciens ayant mené le Japon à la Guerre, ayant ordonnées ou commis des crimes pendant la guerre, ayant ordonnées ou commis des crimes contre l’Humanité, ayant ordonnées ou commis des crimes contre le Japon.
Le Tribunal de Nankin
À la demande du Kuomintang devait se tenir le « Tribunal des crimes de guerre de Nankin » pour juger les crimes de guerre commis durant l’ensemble de la Deuxième Guerre Sino-Japonaise. Mais la reprise des hostilités entre le gouvernement de Tchang Kaï-chek et les communistes de Mao Zedong empêcha la tenue du tribunal. Les criminels japonais furent rapatriés et jugés au Japon.
Le Tribunal de Changchun
Le « Tribunal des crimes de guerre en Mandchourie » est organisé pour juger les crimes commis par l’occupant japonais sur le territoire mandchou.
Dédommagement aux civils alliés et prisonniers de guerre
La partie du traité touchant aux dédommagements et réparations n’est qu’un accord de principe, car l’évaluation des réparations et indemnités durera jusqu’en 1947.
Par le traité, le Japon s’engage à restituer les possessions aux pays occupés et payer des réparations de guerre.
Pays | Valeur en dollars |
Corée | 4 000 000 000 $ |
Chine | 5 000 000 000 $ |
Birmanie | 2 000 000 000 $ |
Philippines | 4 000 000 000 $ |
Indonésie | 1 650 000 000 $ |
Vietnam | 3 000 000 000 $ |
Réparation pour la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. | 1 500 000 000 $ |
Total | 21 150 000 000 $ |
Le Japon s’engage à dédommager les prisonniers de guerre via la Croix rouge Internationale. Une clause stipule qu’en vertu de cet accord aucune poursuite judiciaire ne peut-être engagée contre le Japon. L’Empire du Japon a donc versé 40 000 000 $ à la Croix rouge Internationale qui s’est occupée de verser les sommes aux victimes.
Engagement des puissances coloniales pour la décolonisation de l’Asie
Renonçant formellement à l’expansionnisme et au colonialisme, le Japon avec l’appui américain obtient que les puissances coloniales engagent un processus de décolonisation dès la fin du conflit en Europe. Cette prise de position américaine est due à l’anticolonialisme du Président Roosevelt. Ce dernier avait déclaré à son fils Elliot « je travaillerai de toutes mes forces pour que les États-Unis ne soient amenés à accepter aucun plan susceptible de favoriser les ambitions impérialistes de la France, ou d’aider, d’encourager les ambitions de l’Empire anglais. »[4]
L’engagement japonais aux côtés des Alliés
Le Japon s’engage à entrer en guerre contre l’Allemagne nazie lorsque la situation politique de l’Empire sera stabilisée et que ses ressortissants auront été évacués d’Allemagne. L’entrée en guerre à lieu le 7 juin 1944, lendemain du débarquement en Normandie. On sait maintenant que le Japon a poursuivi les opérations Yanagi et Tenshi[5] jusqu’à son retrait de l’Axe.
Traités et dédommagements ultérieurs
Après la guerre, le Japon a négocié plusieurs traités bilatéraux avec les anciennes colonies qui n’avaient pas eu voie au chapitre en 1944.
Parallèlement au Traité de Manille, les Japonais et les Américains ont signé un traité bilatéral, le Traité de Coopération Nippo-Américain. En échange des réparations de guerre, les États-Unis s’engagent à aider au rétablissement de l’économie japonaise et la modernisation des équipements et doctrines des forces armées japonaise. En échange, le Japon doit s’engager fermement dans la voie de la démocratie et transformer son économie pour une économie « libérale ». Ce traité — associé à la politique de Shigeru Yoshida — est à l’origine de ce qui sera plus tard appelé le « Miracle économique japonais ».
Lors de l’évaluation des réparations et indemnités, l’Inde accède à l’indépendance. Le Premier ministre indien Jawaharlal Nehru renonce à toutes réparations de la part du Japon. Pour Nehru « Étrangler l’économie japonaise avec le paiement d’indemnités faramineuses n’est pas un geste de fraternité. Cela réveillera seulement les vieilles rancunes. Nous préférons le pardon et nous engager sur la voie de la paix et de la coopération. »
En 1950, une délégation du Ceylan (Sri Lanka) se rend au Japon pour signer un traité par lequel le Ceylan renonce à toute indemnité de la part de l’Empire du Japon. Le ministre des Finances du Ceylan déclara « Nous, au Ceylan, n’avons pas connu d’invasion de notre territoire. Nous avons seulement subi quelques bombardements et le stationnement de nombreuses troupes coloniales, ainsi que l’exploitation extrême de nos ressources naturelles pour soutenir l’effort de guerre. Nous préférons suivre les enseignements de Bouddha “la haine ne cesse pas par la haine, mais par l’amour”. Par ce traité magnanime, nous tendons la main de l’amitié au peuple japonais. » Ce discours fut salué par les applaudissements de la Diète japonaise et fit la Une du New York Time « La voie de l’Asie libre ».
En 1951 est signé à Oahu le Traité de Sécurité du Pacifique par le Japon, les États-Unis, l’Australie, la Grande-Bretagne, la France, la Nouvelle-Zélande et les Philippines. Il s’agit d’un traité politico-militaire dont le but premier est d’assurer leur défense commune contre les menaces extérieures ainsi que la stabilité de la région. Dans le contexte de la guerre froide, l’Organisation du Traité de Sécurité du Pacifique (OTSP) avait pour vocation principale la lutte contre l’expansion communiste en Asie-Pacifique.
Dès la reprise de la guerre civile chinoise, le Japon suspend le versement des indemnités à la République de Chine. Le versement ne reprend que lorsque la République Populaire de Chine est formellement reconnue comme successeur de la République de Chine par l’ONU.
Extrait de « Les Shoguns de l’Ombre : Kido et Yamamoto mettent fin à la guerre du Pacifique » — Édition Ackerman — Shichiro Shoryu & Eugene Thornton.
La guerre du Pacifique s’est terminée sur ce que les amateurs de sport appelleraient « un match nul ». Or avec le recul dont on dispose maintenant on peut clairement se permettre de dire que la « non-défaite » japonaise est une belle victoire. Au regard du sort subi par l’Allemagne en 1945, le Japon s’en sort très bien. À n’en pas douter, si le Japon avait poursuivi la guerre, le même sort lui aurait été réservé. Que ce soit en termes de pertes et de destructions, mais aussi d’occupation militaire.
La faction Heiwa a offert un avenir brillant au Japon qui tout en restant une puissance militaire de tout premier ordre a bâti l’une des économies les plus puissantes de la planète et sût démocratiser son système politique.
Un visiteur impromptu
Deux jours avant la fin des négociations, l’Empereur Shōwa effectue une visite surprise à Manille et rencontre le Président Roosevelt. Leurs discussions auraient permis « d’aplanir les angles » selon certaines indiscrétions. Après la photo officielle, les deux chefs d’État se sont entretenus en privé et n’ont jamais révélé le contenu de leurs discussions.

[1] Bien que neutre dans le conflit, le territoire portugais du Timor a pourtant été envahi.
[2] Traité concluant la Première Guerre sino-japonaise (1894-1895).
[3] Guǎngzhōu wān en chinois. Territoire sous administration de l’Indochine française jusqu’à sa rétrocession à la Chine en 1946.
[4] Elliot Roosevelt, « Mon père m’a dit ».
[5] Voir chapitre « Anges et démons ».
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