Extrait de « Les Shoguns de l’Ombre : Kido et Yamamoto mettent fin à la guerre du Pacifique » — Shichiro Shoryu & Eugene Thornton — Édition Ackerman.
Dans son journal, l’Amiral Yamamoto explique qu’après la défaite de Midway et la victoire chèrement payée de la Bataille de la mer de Corail, il lui apparaissait clairement que le Japon n’avait plus aucune chance de gagner la guerre. Il explique avoir été hanté par des cauchemars horribles dans lesquels le Japon était détruit « La défaite approche, je l’ai vu dans mes rêves. Nos terres ravagées par les flammes, des corps dans les rues, des villes réduites en cendres, la fin de notre nation… » Redoutait-il sans le savoir le sort des villes allemandes en 1945, ou anticipait-il l’apparition de l’arme nucléaire ? De son vivant, Yamamoto n’a jamais évoqué son journal ou ce fameux cauchemar.
Mais Yamamoto savait aussi que ni l’Armée ni l’Empereur n’accepteraient les conditions de capitulation exigées par les Alliées. Il fallait trouver un moyen de réduire la ligne de front pour continuer le combat de manière efficace, il fallait aussi amener les Américains à négocier la paix.
Le 5 août 1942, Yamamoto présente l’ébauche de son plan à l’état-major de la Marine lors d’une réunion à bord du Yamato à Truk où sont présents les officiers suivants :
- Le Capitaine de vaisseau Kameto Kuroshima, chef d’état-major interarmées
- Contre-amiral Matome Ugaki, officier d’état-major interarmées
- Le Vice-amiral Takeo Kurita
- L’Amiral Osami Nagano, chef d’état-major de la marine Osami Nagano
- L’Amiral Mineichi Koga
- Le Vice-amiral Gunichi Mikawa.
Le plan consiste en plusieurs éléments :
- Évacuation des îles Salomon et de la Nouvelle-Guinée vers les Mariannes, pour ensuite transformer Saipan et Iōjima[1] en forteresse.
- Évacuation des îles Aléoutiennes.
- Marquer une ligne d’arrêt sacrifiable à Tarawa.
- Replier la base de Truk, les garnisons de Woleai et Yap sur Palau.
- Déstabiliser l’Inde et le front de la Birmanie pour couper la route de ravitaillement vers la Chine. Réduire les opérations en Indochine en se contentant de tenir Hanoi et Saigon.
- Trouver un moyen de réduire l’envergure des opérations en Chine.
- Isoler la faction Tōjō, trouver un moyen de renverser le gouvernement si nécessaire.
- Trouver un moyen de convaincre l’Empereur de mettre fin à la guerre.
Les trois premiers points sont à portée immédiate de la Marine. Pour les autres points, les intervenants sont unanimes : il faut trouver des alliés dans l’Armée, parmi les politiciens à Tōkyō et si possible dans l’entourage direct de l’Empereur.
Pour éviter de communiquer par courrier ou télégramme et risquer d’être découvert. Il est décidé de communiquer, soit de manière directe soit via des messagers. Yamamoto désigne alors cinq membres de son service de renseignement.
Il s’agit des capitaines de corvette : Shiro Osamu, Shin Hachiro, Ken’ichi Kuro, Katsuo Ryota et Jiro Shichiru.
Opération Watchtower, 7 août 1942
Extraits Wikipédia.
Début de l’opération Watchtower, débarquement américain à Guadalcanal, Tulagi et Florida. Couverte par le mauvais temps, la 1ère Division de Marines débarque à l’est de la rivière Tenaru. L’opération est une véritable surprise pour les troupes japonaises (essentiellement des troupes de soutien et du génie). À partie de 9 h, 11 000 marines du Major général Vandegrift débarquent après un bombardement soutenu effectué par la flotte et l’aviation américaine. Les Japonais commandés par le capitaine Kanae Monzen se replient dans la jungle à l’ouest de la rivière Matanikau et laissent véhicules, munitions et nourritures derrière eux. L’aviation japonaise basée à Rabaul commandée par le Vice-amiral Sadayoshi Yamada attaque les forces de débarquement alliées et endommage le transport USS George F. Elliot et plus sévèrement le destroyer USS Jarvis. Entre le 7 et le 8 août, les Japonais perdent 36 avions et les Américains en perdent 19. Pendant ce temps à terre, les Japonais lancent des contre-attaques nocturnes violentes, mais elles restent sans succès.
Extrait de « Helmet for My Pillow[2] » du Marine 1ère Classe Bob Leckie
« Nous nous étions installés aux abords d’une crique, nos positions étaient constituées de trous individuels et de sacs de sable. En dehors de nos équipements individuels, notre groupe disposait de quelques mortiers et de deux mitrailleuses, dont la mienne. De l’autre côté de la crique, la jungle impénétrable et probablement les Japonais. Je n’en avais pas encore vu un seul depuis mon débarquement. J’ai entendu du bruit dans les feuillages, je n’étais pas le seul, mais avant d’avoir eu le temps de dire quoi que ce soit une grêle de balles et d’obus nous a assommés. Nous avons tout de suite répliqué ; les Japs ont alors tenté de nous déborder sur les flancs, il a fallu que je déplace ma mitrailleuse à trois reprises. Lors d’un de ces déplacements, nous avons vu notre capitaine prostré derrière des sacs de sable, nous le pensions blessé, mais il ne nous répondait pas. Nous l’avons ausculté et il ne présentait aucune blessure, il avait simplement craqué… c’était son premier contact avec les Japs et il pleurait comme un enfant, le regard dans le vide, tremblant. Il a été relevé de son commandement le lendemain matin. Nous avons repoussé plusieurs assauts pendant la nuit, ils ne s’arrêtaient jamais, peu importe combien d’entre eux étaient fauchés par les mitrailleuses. Au lever du soleil, nous avions en face de nous des amoncellements de cadavres. Deux infirmiers ont tenté de récupérer un Jap blessé, ce salaud s’est tué avec une grenade emportant deux vies américaines de plus. D’autres Japs sont alors sortis de la jungle, mais nous les avons vite décimés. Un seul d’entre eux était encore vivant, il a jeté son casque par terre et s’est mis à brailler de manière incompréhensible, j’avais l’impression qu’il pleurait. Les autres se sont mis à lui tirer dessus, et lui ont infligé trois blessures, ils l’insultaient, se moquaient de lui. J’ai regardé cet homme droit dans les yeux, je ne parlais pas sa langue, mais il nous suppliait de mettre fin à son calvaire. Je lui ai collé une balle de mon colt en plein cœur, mettant fin à ce petit jeu macabre et détestable pendant que quelques imbéciles m’insultaient pour cela. »
Bataille de Savo Island, 8 août 1942
Extraits de « Un océan de feu : La guerre du pacifique 1941-1944 » — Joe Chevalier — BBG Publishing.
Probablement échaudé par les attaques de la veille l’Amiral Fletcher, sous prétexte que ses porte-avions vont manquer de carburant, décide que ses navires se retireront de Guadalcanal dans la soirée alors que la plupart des navires n’ont pas encore fini de décharger leur matériel. La force de protection commandée par l’Amiral britannique Crutchley sera alors seule garante du débarquement du matériel des forces d’invasion.
Pendant ce temps, la réponse de la Marine Impériale Japonaise est en route et ne va pas réjouir les Américains. En effet, l’Amiral Mikawa envoie le message suivant : « Message à l’attention de l’Amiral Yamamoto et du chef État-major de la marine Nagano. Nous faisons route plein Sud vers Bougainville et passerons à pleine vitesse entre la Nouvelle-Guinée et Isabella. Nous arriverons en force dans la zone d’ancrage de Guadalcanal d’où nous fuirons à pleine vitesse après avoir effectué une attaque-surprise ». Mikawa mène sa flotte au nord de l’île de Buka puis progresse le long de la côte orientale de Bougainville avant de faire une pause de 6 heures à Kieta pour éviter d’arriver trop tôt au large de Guadalcanal et d’être exposé. Pendant cette pause, l’Amiral Mikawa fait envoyer un message radio au capitaine Kanae Monzen commandant les troupes japonaises à Guadalcanal : « Ordre de l’amiral Yamamoto pour le capitaine Monzen : Vous et vos troupes devez-vous retirer au Cap Espérance d’ici le 10 août pour être évacués. » Bien que Monzen ait reçu le message, il lui sera quasiment impossible de le faire appliquer, car la plupart des radios ont été abandonnées dans la fuite et les troupes sont éparpillées dans la jungle.
Lorsque la flotte se remet en route, elle poursuit par le dangereux détroit de Nouvelle-Géorgie en espérant ne pas être repérée par les avions de reconnaissance alliés. Toutefois, la flotte est repérée lorsqu’elle manque de percuter le sous-marin USS S-38. Ce dernier trop proche pour pouvoir tirer ses torpilles informe ses supérieurs que « deux destroyers et trois navires plus grands de type inconnu naviguent à 14 km du Cap St-George et progressent à grande vitesse vers le Sud-est ». Une fois à hauteur de Bougainville, Mikawa disperse ses navires pour masquer la composition de sa flotte et lance quatre hydravions de reconnaissance pour tenter de repérer les navires alliés au sud des Salomon.
À 10 h 20 puis 11 h 10, la flotte de Mikawa est repérée par des avions de reconnaissance australiens basés à Milne Bay en Nouvelle-Guinée. Le premier avion rapporte la présence de « trois croiseurs, trois destroyers et deux transports d’hydravions », l’équipage tente de transmettre l’information à la station radio alliée de Fall River en Nouvelle-Guinée. Ne sachant pas si le message a été reçu, il retourne à Milne Bay à 12 h 42 pour s’assurer que l’information est transmise le plus vite possible. Le second équipage ne parvenant pas non plus à transmettre son message, termine sa patrouille puis regagne sa base aux alentours de 15 heures. Il rapportera la présence de « deux croiseurs lourds, deux croiseurs légers et un navire de type inconnu ». Ces rapports ne seront transmis à la flotte alliée respectivement qu’à 18 h 45 et 21 h 30.
Revenu à midi les hydravions de la flotte de Mikawa rapportent la présence de deux groupes de navires alliés, un au large de Guadalcanal et l’autre au large de Tulagi. Il rassemble sa flotte et se lance en direction de Guadalcanal en entrant dans le détroit près de l’île Choiseul aux alentours de 16 heures. Mikawa communique le plan de bataille à ses navires : « Nous entrerons rapidement par le sud de l’île Savo et nous torpillerons la principale force ennemie ancrée en face de Guadalcanal ; après quoi, nous nous tournerons vers Tulagi pour canonner et torpiller l’ennemi. Nous nous retirerons ensuite au nord de l’île de Savo ».
Le passage de Mikawa dans le détroit de Nouvelle-Géorgie étant passé inaperçu, Turner demande à l’amiral John S. MacCain, commandant des forces aériennes alliées dans le Pacifique Sud, de conduire de nouvelles missions de reconnaissance dans le détroit au cours de l’après-midi. Toutefois, sans que l’on connaisse la raison, MacCain ne lance pas de mission et n’en informe pas Turner. Ce dernier croit donc que le détroit est sous surveillance. De plus, les radars embarqués alliés voient leurs capacités de détection limitées par le relief des îles environnantes et les équipages alliés sont épuisés par deux jours d’alerte et d’efforts constants.
À 20 h 55, Crutchley quitte son groupe de navires avec le HMAS Australia pour rejoindre la flotte de Turner pour une réunion avec ce dernier et Vandegrift. Crutchley laisse le commandement au Capitaine Howard Bode de l’USS Chicago, mais n’informe pas le reste de la flotte de son absence. Bode qui dort dans sa cabine ne place même pas son navire à la tête de la flotte Sud.
Lors de la réunion, Turner, Crutchley et Vandegrift évoquent les rapports concernant les navires japonais, mais ils décident que ces navires ne devraient pas être une menace pendant la nuit. Vendegrift annonce qu’il doit inspecter le déchargement à Tulagi avant de pouvoir recommander une heure de retrait pour les navires de transport. Il partira pour son inspection aux alentours de minuit. Crutchley décide de ne pas rejoindre la flotte Sud et stationner le HMAS Australia près de la zone de déchargement de Guadalcanal sans informer le reste de la flotte alliée.
Alors que la force de Mikawa se rapproche de Guadalcanal, ce dernier lance trois hydravions pour une dernière reconnaissance du dispositif allié. À partir de 23 h 45, les hydravions japonais sont repérés ou entendus par plusieurs navires alliés, mais aucun ne perçoit la menace et aucun rapport ne sera fait à Crutchtley et Turner. La 8ème Flotte se rapproche en formant une colonne de 3 km menée par le Chokai suivie de l’Aoba, le Kako, le Kinugasa, le Furutaka, le Tenryu, le Yubari et le Yūnagi dans cet ordre.
Bataille de Savo Island, 9 août 1942
Extraits de « Un océan de feu : La guerre du pacifique 1941-1944 » — Joe Chevalier — BBG Publishing.
Entre 0 h 44 et 0 h 54, les vigies des navires de Mikawa signalent la présence de l’USS Blue à 9 km devant la colonne japonaise. Pour éviter l’USS Blue, Mikawa modifie le cap de sa flotte pour passer au nord de l’île de Savo, il fait réduire la vitesse pour réduire les sillages laissés par les navires et les rendre moins visibles.
À 1 h du matin, les vigies repèrent l’USS Ralph Talbot à environs à 16 km. Les navires japonais poursuivent leur route tout en pointant plus de 50 canons sur l’USS Blue, prêt à tirer si le navire américain les détecte. Lorsque l’USS Blue fait demi-tour, car il a atteint la fin de sa route de patrouille, il est en fait à moins de 2 km de la flotte de Mikawa et ne s’en rend même pas compte. La 8ème flotte accélère.
À 1 h 26, Mikawa relâche son commandement pour que ses navires agissent indépendamment de son navire amiral.
À 1 h 36, Mikawa ordonne l’attaque générale. Au même moment, le Yūnagi situé à la fin de la colonne japonaise fait demi-tour, car il a perdu de vue le reste de la colonne.
Peu après les Japonais repèrent l’USS Jarvis à bâbord, ce dernier a été endommagé par les attaques aériennes de la veille et sans radio quitte Guadalcanal pour être réparé en Australie. Le Furutaka lance plusieurs torpilles contre le destroyer américain, mais toutes passent à côté. Les navires japonais passent à 1 100 m du Jarvis sans que ce dernier se rende compte de quoi que ce soit. Deux minutes plus tard, les Japonais voient les destroyers et les croiseurs alliés du groupe Sud à environ 15 km, leurs silhouettes se détachent devant les lueurs du transport George F. Eliott en flamme.

À 1 h 38, les croiseurs japonais commencent à lancer leurs torpilles en direction du groupe Sud. Au même moment, les vigies du Chokai repèrent les navires du groupe Nord à environs 16 km. Imité par le reste de la colonne, le Chokai se positionne pour faire face à cette nouvelle menace tout en préparant un engagement au canon contre le groupe Sud. L’USS Patterson qui était en état d’alerte, car son commandant avait pris au sérieux le rapport reçu en fin de journée repère le Kinugasa à 5 km devant lui. Il envoie immédiatement un message d’alerte par radio et signaux lumineux « Alarme ! Alarme ! Navires inconnus entrant dans la zone ! » L’USS Patterson accélère à pleine vitesse et tire des obus éclairants en direction de la colonne japonaise. Le commandant ordonne de lancer des torpilles, mais son ordre est couvert par le bruit des canons de son propre navire. Au même moment, les hydravions japonais lancent des fusées éclairantes en direction du HMAS Canberra et l’USS Chicago. Le Capitaine Getting du HMAS Canberra ordonne d’accélérer à pleine vitesse pour se positionner entre les Japonais et les navires de transport tout en donnant l’ordre de faire feu sur toutes les cibles visibles. Moins d’une minute plus tard, le Canberra est touché par plusieurs obus du Chokai et du Furutaka auquel s’ajoutent aussi les tirs de l’Aoba et du Kako pendant les trois minutes suivantes. Le Canberra est touché à au moins vingt-quatre reprises par des obus de gros calibres, tuant l’officier d’artillerie, blessant mortellement Getting et détruisant les salles des machines privant ainsi le navire d’électricité avant même qu’il n’ait tiré un seul obus. Le croiseur est immobilisé, en feu et incapable de combattre l’incendie ou de pomper l’eau en dehors des compartiments inondés.

L’équipage de l’USS Chicago se met en alerte et le capitaine Bode est tiré de son profond sommeil, ce dernier ordonne de tirer des obus éclairants sur la colonne japonaise, mais les obus ne fonctionnent pas.
À 1 h 47, une torpille du Kako touche la proue de l’USS Chicago, l’onde de choc endommage les systèmes de contrôle de la batterie principale. Une seconde torpille heurte le Chicago sans exploser et un obus détruit le mat, tuant deux marins. L’USS Chicago va alors naviguer pendant quarante minutes vers l’ouest abandonnant les transports qu’il est censé protéger, tout en ouvrant le feu avec son artillerie secondaire sur les navires japonais, mais ne causant que de légers dégâts au Tenryu. Bode commet alors l’impardonnable : il n’assume pas son commandement et ne signale même pas à ses alliés qu’il quitte la zone des combats.
Pendant ce temps, l’USS Patterson s’engage dans un duel d’artillerie avec la flotte de Mikawa et reçoit un obus sur l’arrière tuant dix marins et causant des dégâts. Alors qu’il navigue le long de la côte orientale de Savo tout en tirant, le Patterson perd de vue la colonne japonaise. L’USS Bagley, qui a repéré la colonne japonaise peu après le Patterson et le Canberra, vire complètement de bord avant de tirer plusieurs torpilles sur les Japonais.
À 1 h 44, alors que les navires de Mikawa progressent vers la flotte alliée au Nord, le Tenryu et le Yubari se séparent de la colonne et mettent le cap plus à l’Ouest. Le Furutaka pour éviter une collision avec le HMAS Canberra décide de suivre le Yubari et le Tenryu. La flotte alliée au Nord-est alors sur le point d’être enveloppée et attaquée des deux côtés.
Même si les équipages des croiseurs alliés du groupe Nord dormaient au début de l’attaque japonaise, ils ont observé les explosions au sud de l’île de Savo et ont reçu le message de l’USS Patterson, mais il leur faut un certain temps pour se parer au combat. À 1 h 44 les premières salves de torpilles sont tirées par les navires japonais. À 1 h 50, les Japonais braquent de puissants projecteurs sur les croiseurs américains et ouvrent immédiatement le feu. L’USS Astoria repère les croiseurs japonais, son capitaine qui était en train de dormir ordonne un cessez-le-feu de peur de toucher des navires alliés, il ordonne de reprendre les tirs moins d’une minute plus tard. Le Chokai ajuste néanmoins ses tirs et l’Astoria est touché par plusieurs obus et prend feu. Entre 2 h et 2 h 15, l’Aoba, le Kinugasa et le Kako joignent leurs tirs à ceux du Chokai. La salle des machines de l’Astoria est touchée, le navire en flamme s’immobilise. La dernière des tourelles principales tente de détruire le projecteur du Kinugasa, mais le rate et touche par hasard la tourelle avant du Chokai qui est mise hors de combat.
Au même moment, le capitaine du croiseur USS Quincy ordonne le branle-bas de combat et ordonne d’ouvrir le feu, mais les artilleurs ne sont pas prêts. En quelques minutes le Quincy est pris sous les tirs croisés de l’Aoba, du Furutaka et du Tenryu et prend feu. Le capitaine de l’USS Quincy ordonne de charger en direction de la colonne japonaise, mais alors qu’il vire pour se mettre dans la bonne position le navire est touché par deux torpilles du Tenryu. Toute fois le Quincy parvient à lancer une torpille qui touche la salle des cartes du Chokai à moins de six mètres de l’Amiral Mikawa et tue 36 marins japonais. À 2 h 10, les obus japonais ont tué ou blessés presque tout l’équipage de la passerelle du Quincy, dont le capitaine. À 2 h 16, le croiseur est touché par une torpille de l’Aoba, les derniers canons du Quincy se taisent.
L’officier-artilleur en second du Quincy envoyé sur la passerelle pour demander des ordres raconte : « Lorsque je suis arrivé sur la passerelle, j’ai vu trois ou quatre personnes toujours debout au milieu d’un amoncellement de cadavres. Dans le poste de pilotage, la seule personne debout était l’aiguilleur à la barre qui tentait désespérément de maîtriser la gîte sur tribord pour la ramener à bâbord. Il me dit que le capitaine, qui à ce moment était allongé près de la barre, lui avait dit d’échouer le navire et qu’il tentait de se diriger en direction de l’île de Savo distante de 6 km sur bâbord. J’ai traversé le poste de pilotage pour regarder à bâbord et repérer où se trouvait l’île et j’ai remarqué que le navire gîtait rapidement sur tribord et qu’il commençait à couler par la proue. À cet instant, le capitaine se redressa et tomba en arrière, apparemment mort, sans avoir prononcé autre chose qu’un gémissement. » L’USS Quincy coulera à 2 h 38.
À 1 h 50, l’USS Vincennes hésite à tirer de peur de toucher des navires alliés. Il est immédiatement pris pour cibles par le Kako et réplique. Après que le Vincennes ait reçu plusieurs obus, le Capitaine Frederick L. Riefkhol ordonne d’accélérer, mais subit de lourds dégâts causés par deux torpilles du Chokai. Le Kinugasa se joint alors au Chokai et est touché par un tir du Vincennes qui lui cause de légers dégâts à la propulsion. En tout, le croiseur américain reçoit 74 obus et à 2 h 3 il est touché par une torpille du Yubari qui détruit ses chaudières. L’USS Vincennes s’immobilise, ravagé par les flammes et gîtant à bâbord. À 2 h 16, Riefkohl ordonne l’évacuation générale, le navire coule à 2 h 50.
À 2 h 16, la flotte de Mikawa cesse le feu et s’éloigne au nord de l’île de Savo en ayant subi de légers dommages. Le Furutaka, le Tenryu et le Yubari tombent nez à nez avec l’USS Ralph Talbot, ils ouvrent le feu et l’endommagent sérieusement, mais il parvient à s’échapper grâce à la pluie qui gêne la visibilité. L’attaque est terminée, les Américains assommés par les Japonais se reprennent. Toute fois ils ne sont pas au bout de leurs surprises.
À 3 h, l’Amiral Ugaki transmet les ordres à sa flotte : « À tous les navires, les destroyers Arashiro et Asachiro vont se positionner au Cap Espérance pour embarquer les hommes du capitaine Monzen. Tous les autres navires doivent continuer à pleine vitesse en direction de la zone de débarquement américaine près de la rivière Tenaru, le mauvais temps couvrira notre approche. Nous bombarderons alors la zone de débarquement et ses environs pour détruire le matériel déjà débarqué et éliminer le plus possible de soldats ennemis. Nous continuerons ensuite notre mouvement vers la flotte de débarquement pour détruire les navires de transport. Les transports doivent rester notre priorité. » Les Arashiro et Asachiro se positionnent en patrouille à proximité du Cap Espérance et préparent le rembarquement des soldats qui ne devraient plus tarder.
À 4 h, l’USS Patterson se place à hauteur du HMAS Canberra pour aider à lutter contre les incendies
À 4 h 30, masqué par une forte pluie, l’Amiral Matome Ugaki surgit à la tête de la 1ère Division de cuirassés (Yamato, Nagato, Mutsu) et de la 2ème Division de cuirassés (Ise, Hyuga, Fuso, Yamashiro) escortée par la 5ème Division de croiseurs (Hagumo, Myoko, Nachi) et la 2ème Escadre de destroyers (Croiseur léger Jintsu et les destroyers Arashiro, Asachiro, Oshio, Michishiro) et place ses navires en position de tir pour frapper la zone de débarquement américaine. L’ensemble de la flotte concentre ses tirs pendant 5 minutes sur la zone de débarquement, puis élargit la zone cible pour semer le chaos dans les rangs des soldats américains présent sur l’île. À 4 h 42, les navires japonais sont à portée de canons des navires de transport américains. Les navires font feu de tous leurs canons pendant 6 minutes. Plusieurs navires de transport explosent ou prennent feu masquant la visibilité des deux camps. Les navires américains endommagés dans l’affrontement précédent font des cibles parfaites pour les Japonais. Ainsi, l’USS Ralph Talbot déjà gravement endommagé reçoit quinze obus, il est secoué par une forte explosion et se brise en deux. Le HMAS Canberra en proie aux flammes est touché par trois torpilles dont une qui n’explose pas, le navire coulera à 5 h 6. La passerelle de l’USS Chicago est touchée par un obus qui tue le capitaine Bode.

À 4 h 50, les destroyers USS Bagley et Patterson se lancent à pleine vitesse vers la flotte ennemie et tire plusieurs torpilles en direction des navires japonais, l’une d’entre elles touchera le Yamato sans lui causer de gros dommages.
À 4 h 52 l’Amiral Ugaki ordonne aux navires de faire demi-tour pour regagner la zone du Cap Espérance tout en maintenant le feu sur la flotte américaine. Le Patterson et le Bagley ayant été touché à plusieurs reprises font demi-tour pour rejoindre le reste de la flotte. À 4 h 56, le Bagley est touché par cinq obus du Yamato, le navire stoppe et gîte rapidement. L’ordre d’abandonner le navire est immédiatement donné. Pendant ce temps, USS Chicago est touché par une torpille qui aggrave les dégâts subis.
À 5 h, l’USS Patterson se place à 100 mètres du Bagley et envoi des chaloupes secourir l’équipage du navire qui menace d’exploser. C’est ce qui se produit à 5 h 9, les flammes ont atteint les stocks de munitions et le Bagley est secoué par une série d’explosion suivie d’une explosion principale. De nombreux éclats blessent les marins à bord des chaloupes et causent quelques blessures et dommages à bord de l’USS Patterson.
À 5 h 16, USS Blue tombe nez à nez avec la flotte japonaise qui se trouve à moins de deux kilomètres. Les Américains n’ont pas le temps de réaliser ce qui se passe, qu’un déluge d’acier vient balayer le navire. Ce dernier se brise en deux et coule à 5 h 18 ne laissant derrière lui que onze survivants qui seront recueillis par l’USS Jarvis. Sur les 23 navires de transport, seuls 5 sont encore intacts et 2 sévèrement endommagés vont s’échouer sur la plage ou leur cargaison pourra être débarquée tant bien que mal. Les 15 autres transports ont été coulés corps et bien. La 1ère Division de Marines a été saignée à blanc par les tirs de canons des navires japonais et dénombre 968 morts ou mourants et plus de 2 300 blessés.
Extrait de « Helmet for My Pillow » du Marine 1ère Classe Bob Leckie
« Nous étions sur une crête à plusieurs kilomètres à l’intérieur des terres, avec une vue parfaite sur la zone de mouillage de la flotte. Nous étions dans nos trous face à cette foutue jungle, nous avions perdu un homme quelques minutes plus tôt, un idiot qui revenait de pisser et qui n’a pas donné le mot de passe. Il a pris au moins quatre balles dans la poitrine et deux dans la tête. Lorsque la bataille navale a commencé, nous avons tous été réveillés, on se serait cru un 4 juillet. Les éclats de canons et les obus éclairants illuminaient la nuit, mais nous ne distinguions pas les navires les uns des autres. Parker était persuadé que la Navy collait une raclée aux Japs, je lui ai dit qu’il était peut-être trop optimiste… j’aurais aimé avoir tort. Les combats ont cessé, mais deux heures plus tard l’enfer c’est abattu sur les plages en contre-bas, une flotte au Nord-ouest déversait un déluge d’acier sur la zone, quelques obus ne sont pas passés loin de nous non plus. Plus tard, quelques échanges de tirs ont encore eu lieu avec notre flotte puis plus rien. Au lever du soleil, nous avons atteint la plage, les seuls navires encore présents étaient des épaves, la plage avait été labourée. Quasiment tout notre ravitaillement avait été détruit, le reste au fond de l’eau ou reparti avec Turner qui nous a abandonnés ici. Les défenseurs de la plage étaient soit morts, soit salement secoués. Ce spectacle était terrifiant, nous avons survécu à un enfer… un enfer qui n’est que le premier. »
Évacuation au Cap Espérance, 10 août 1942.
Extraits de « Un océan de feu : La guerre du pacifique 1941-1944 » — Joe Chevalier — BBG Publishing. À 5 h 30 au Cap Espérance, seulement 158 soldats japonais ont rejoint la position d’évacuation. Le capitaine de corvette Shiro Osamu envoyé par l’Amiral Yamamoto remet personnellement l’ordre écrit d’évacuation au capitaine Monzen pour que ce dernier accepte d’embarquer. Le capitaine Okamura informe Monzen et Osamu qu’il va retourner dans la jungle à la recherche du reste des 2 600 soldats des 11ème et 13ème bataillons de construction, de la 81ème unité navale de La Garde ainsi que les derniers hommes du détachement de la 3ème Force spéciale de débarquement. Il dit à Osamu « La plupart de nos hommes ne sont pas au courant de l’ordre d’évacuation. Revenez avec des navires de transport dans une semaine. Là, j’accepterais d’évacuer en compagnie des hommes que j’aurais retrouvés ». Les forces japonaises à Tulagi sont considérées comme ayant été anéanties.

Pendant ce temps au Quartier Général de l’Armée impériale japonaise, l’État-major note les mouvements suspects de la marine qui n’a pas pris la peine de les prévenir de son opération d’évacuation. Toutefois, les excellents résultats des frappes de la marine sont salués.
Extrait de « Les Shoguns de l’Ombre : Kido et Yamamoto mettent fin à la guerre du Pacifique » — Shichiro Shoryu & Eugene Thornton — Édition Ackerman.
Après le succès rencontré lors de la bataille de Savo Island, l’Armée Impériale Japonaise (IJA) est gonflée à bloc et le Quartier Général Impérial donne ordre à la Marine Impérial Japonaise (IJN) d’assurer le soutien aux opérations. C’est alors que l’Amiral Yamamoto tente pour la première fois de contacter le Gardien des sceaux privés du Japon, Kōichi Kido. Il s’adresse à lui en ces termes « Le temps presse. Pour éviter au Japon une guerre d’usure qui lui sera fatale, une réduction des fronts en Chine et dans le Pacifique est urgente. Il apparaît clairement que ni le Quartier Général Impérial ni l’Armée ne sont prêts à ouvrir les yeux sur ces faits. »
C’est aussi à cette période que le Colonel Masanobu Tsuji se rend à Truk pour s’assurer que l’IJN débarquerait les troupes du 28ème régiment d’infanterie dans les plus brefs délais. Tsuji souhaite lui-même débarquer au plus vite à la tête de son détachement de 917 hommes. À Truk, le 14 août 1942, Yamamoto invita Tsuji à diner pour le convaincre d’attendre afin de débarquer l’ensemble des troupes et du matériel en une seule fois. Dans ses mémoires, Yamamoto parle de Tsuji en terme peu élogieux. Il le juge « incompétent, agressif, fanatique, irrespectueux et insubordonné ». Il faut savoir que le Colonel Masanobu Tsuji, par son insubordination et ses crimes passés, a causé la disgrâce des généraux Yamashita et Homma. Leur discussion ce soir-là en est une preuve supplémentaire, comme le relate cette discussion reconstituée d’après les mémoires de Yamamoto.
Alors que Tsuji refuse catégoriquement d’attendre le reste des troupes, l’amiral lui demande « Comment pensez-vous que cette guerre va se terminer ? Quel avenir imaginez-vous pour notre Empire ? » Tsuji lui répond « C’est très clair. Nous allons écraser les Américains et les Anglais. Et nous nous partagerons le monde avec nos alliés allemands » répondit Tsuji sûr de lui. » L’Amiral lui demande alors sur quoi reposent ses certitudes. Le colonel lui répond « Une seule chose, qui est présente en chacun des membres de l’Armée : La Foi inébranlable en la victoire. » Une réponse qui reprend la propagande d’une Armée impériale qui s’enivre elle-même de ses mensonges. Yamamoto tente alors sèchement de mettre Tsuji face à la réalité « Laissez-moi vous enseigner quelque petite vérité que votre vénéré Hideki Tōjō ne vous a pas avoué. Sachez que la défaite à Midway a été bien plus sévère que ne laisse entendre le Quartier Général Impérial et la presse. Nous avons perdu 4 porte-avions et près de 250 avions avec leurs pilotes. Des pertes que nos capacités industrielles mettront énormément de temps à remplacer. Sachez que la capacité industrielle américaine était déjà bien supérieure à la nôtre en temps de paix et qu’elle va encore s’accroître. Cela va leur permettre de remplacer leur perte matérielle bien plus rapidement que nous. Quant à nos alliés allemands, je vous demande une chose : avez-vous lu Mein Kampf ? Tusji lui répond que le la plupart des membres de l’état-major, il a lu l’ouvrage d’Hitler, mais Yamamoto le coup rapidement “Je vous parle de la version originale, en allemand. Car encore une fois Tōjō vous a caché quelque chose. La version japonaise du livre d’Hitler a été expurgée des passages parlant des Asiatiques, japonais compris, comme d’une race inférieure. Hitler n’est pas notre ami.” Argument insuffisant face à Tsuji qui s’emporte “Cela ne change rien en ce qui concerne notre guerre. Le nombre d’hommes et la quantité de matériel ont peut-être leurs limites, mais la force mentale de nos troupes, elle, est sans limites. La Foi en l’Empereur et en la victoire est la plus puissante des armes.” Yamamoto le reprend calmement “Est-ce que votre force mentale et votre foi inébranlable vous permettraient d’arrêter une balle ou la lame de ce sabre ? Car dans ce cas-là je serais prêt à croire à vos rêves de victoire. Réfléchissez à cela lorsque vous serez à Guadalcanal. Si vous en revenez vivant, peut-être changerez-vous d’avis.”
Le lendemain, le 15 août l’Amiral Yamamoto confiait temporairement les planifications du renforcement de Guadalcanal à l’Amiral Ugaki. Pour, d’après ses mémoires, “rencontrer celui qui a déclenché cette guerre”. Il s’envolait alors en compagnie de Shiro Osamu qui devait l’aider à entrer discrètement en contact avec Kanji Ishiwara.
[1] Iwo Jima.
[2] Bob Leckie a vraiment écrit un livre « Helmet for My Pillow », il s’agit donc ici d’une version alternative et fictive.
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