Extrait de « Les Shoguns de l’Ombre : Kido et Yamamoto mettent fin à la guerre du Pacifique » — Shichiro Shoryu & Eugene Thornton — Édition Ackerman.
C’est dans le petit villge de Shōnai dans l’actuelle préfecture de Yamagata, le 16 août 1942 que Kanji Ishiwara vit débarqué le capitaine Shiro Osamu et l’Amiral Isoroku Yamamoto.
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Après une longue série d’échanges tout en méfiance et politesse, l’Amiral a exposé le plan de la Marine à Ishiwara qui fit remarquer que ni l’Armée ni Hideki Tōjō, alors Premier ministre et ministre de la Guerre, n’accepteraient un tel plan. Voici la réponse fournie par l’Amiral d’après ses mémoires : « Nous comptons discréditer Tōjō et à terme faire en sorte qu’il soit renversé. J’espère rencontrer Sa Majesté l’Empereur ou le Marquis Kido pour leur faire savoir que nous avons recommandé l’abandon des Salomon, mais que la Marine soutiendra malgré tout l’Armée. Ainsi, la faute de l’inévitable échec de Guadalcanal retombera sur Tōjō. Notre plan de réduction des fronts commencera peut-être à être écouté. »
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Après deux heures de discussions, Yamamoto voit « une flamme se rallumer dans les yeux de son interlocuteur ». Si l’amiral avait soigneusement choisi son interlocuteur, il admettra plus tard qu’il « ne savait pas à quel point la Mandchourie contait eux yeux du Kōrōsha[1] du Manchouko ». Les deux hommes tombent d’accord sur des ajustements concernant la réduction des fronts.
- Abandon de toute la région Papouasie–Nouvelle-Guinée.
- Retrait partiel des Indes Néerlandaises pour ne conserver que Sumatra et Bornéo. Le vide laissé sur le reste du territoire favorisera l’émergence d’indépendantistes. Un moyen de faire passer les Japonais pour des libérateurs.
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Ishiwara évoque aussi le problème de la Mandchourie et de la Corée : « Sur ces deux territoires, des nations souveraines avec qui commercer seront bien plus profitables au Japon que des territoires occupés, gourmands en ressources militaires. Un panasiatisme par la politique et le commerce plutôt que par les armes. Avec ses ressources naturelles, une Mandchourie libre sera un partenaire économique de premier ordre pour le Japon, les Occidentaux et les Soviétiques. »
Ce que l’amiral Yamamoto ne réalise pas alors, c’est qu’en sortant Kanji Ishiwara de sa retraite, il avait aussi réveillé le vieux rêve qui habitait le général. Un rêve, qui, comme son rêveur, avait changé, mais n’était pas tout à fait en accord avec le plan des conspirateurs. Pourtant, Yamamoto admit à ce sujet dans ses mémoires « quand nous avons réalisé ce qu’il avait déclenché en Mandchourie, nous étions surpris, choqués et même horrifiés. Pourtant, l’histoire ne mit que quelques mois à prouver qu’en nous « trahissant » il avait pris une décision bien avisée.
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Dans ses mémoires, Isoroku Yamamoto explique aussi qu’« une fois le repli effectué, il faudra trouver un moyen de forcer les Américains à venir frapper là où nous le souhaitons ». Ishiwara lui propose alors de combiner l’interruption de « la route Tchang Kaï-chek[2] » avec une stratégie du vide qui disloquera le Front-Uni chinois. « Si les communistes récupèrent des territoires occupés par le Japon, la menace d’une Chine communiste poussera sûrement les Américains à agir. Surtout si votre plan pour déstabiliser l’Inde fonctionne. Toutefois, je ne vois pas l’Armée accepter ce plan. »
Yamamoto lui répond : « Maintenant que vous êtes avec nous, il me faudra convaincre l’Empereur ou le Marquis Kido de vous placer à la tête des opérations en Mandchourie. J’ai aussi un service à vous demander. Le temps nous manque. Les contacts aussi. J’aimerais que vous rencontriez le Général Yamashita pour le convaincre de participer à notre plan, j’espère le voir à la tête des troupes en Birmanie si mon plan se déroule comme prévu. »
Le lendemain, Yamamoto et Ishiwara se rendent à Tōkyō pour rencontrer l’ancien Premier ministre Mitsumasa Yonai. Un homme apprécié aussi bien par la population, les politiciens et la famille impériale pour son éthique.
[1] Un kōrōsha est une personne qui a rendu de grands services.
[2] Route de ravitaillement des nationalistes chinois par l’Himalaya, généralement appelé Route de Birmanie.
Inauguration du fil de commentaire 😉
A supprimer après correction, deux gaffes ici :
Si l’amiral aviat soigneusement choisi son interloctueur,
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Bien vue et surtout bienvenue !
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