Opération AL, l’évacuation des îles Aléoutiennes

Extraits de « Un océan de feu : La guerre du pacifique 1941-1944 » — Joe Chevalier — BBG Publishing.

L’opération AL est le retrait des forces japonaises des îles Aléoutiennes lors de la Seconde Guerre mondiale. L’opération commandée par Isoroku Yamamoto et Boshiro Hosogaya s’est déroulée du 14 au 15 octobre 1942 et fut un succès.

Décision de retrait, l’évacuation des îles Aléoutiennes

Suite à l’échec de Midway, les îles Aléoutiennes ont perdu toute utilité stratégique pour l’Empire du Japon. L’Amiral Yamamoto et Kameto Kuroshima prépare un plan d’évacuation qui est validé par l’Empereur Shōwa en personne.

Kameto Kuroshima
Extraits Wikipédia
Kameto Kuroshima (né en le 10 octobre 1893 Hiroshima et décédé 17 janvier 1965 est un contre-amiral et stratège navale de la Flotte combinée de la Marine impériale japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale.
C’est en janvier 1941 qu’il rejoint le personnel de planification de l’Amiral Osiroky Yamamoto. Il travaille aux côtés de Minoru Genda et Takijiro Onishi dans le développement du plan pour attaquer Pearl Harbor.
Kuroshima fut l’émissaire de confiance pour convaincre le chef des opérations de l’état-major de la Marine Sadatoshi Tomioka et obtenir l’approbation du plan. Kuroshima était très apprécié par Yamamoto pour être un officier excentrique qui osait contredire ses propositions, proposant des idées non conventionnelles et des solutions atypiques à des problèmes de stratégie navale.
En 1942, il fut l’un des planificateurs de l’attaque de Midway. En 1943, il est l’homme de confiance et le principal planificateur des opérations de la marine impériale japonaise. Il organise aussi bien les opérations d’évacuation que les opérations offensives souhaitées l’amiral Yamamoto. Il est l’un des principaux artisans de l’ombre des succès japonais durant la guerre du pacifique. C’est aussi lui qui propose l’utilisation de la technique de skip bombing (bombardement par ricochet) utilisé par les Japonais durant la bataille des îles des Mariannes.
Après la guerre, il est nommé Amiral et devient chef des opérations de l’état-major de la Marine impérial. Il occupe le poste jusqu’en 1956. En parallèle, il commence à enseigne Académie navale impériale du Japon, activité qu’il poursuit jusqu’en 1958.
Il intègre ensuite la réserve militaire et décède 17 janvier 1965 à l’âge de 72 ans. Il était surnommé « Gandhi ».

Plan et forces engagées par les Japonais

Yamamoto et Hosogaya prévoient d’approcher les îles à la tombée de la nuit pour quitter la zone avant le lever du soleil pour éviter que la flotte ne soit attaquée par l’aviation américaine basée à Dutch Harbor.

Attu étant la plus éloignée des côtes américaines, mais aussi celle où le plus de troupes japonaises sont stationnées. Il est décidé d’y envoyer une partie de la 5ème Flotte : les croiseurs auxiliaires (CX) Akagi Maru, Asaka Maru, Awata Maru serviront de transporteurs sous la couverture des croiseurs légers Tama et Kiso.

Kiska est plus proche de Dutch Harbor est donc plus susceptible d’être attaquée par les Américains. Ainsi Yamamoto décide d’y déployer des moyens plus importants : les porte-avions Hōshō et Zuihō de la 3ème Division avec leur escorte, les destroyers Yukaze et Minekaze. La 3ème Division de porte-avions commandée par le Vice-Amiral Torao Kuwabara reçoit le renfort de la 1ère Division de cuirassés de Yamamoto composé des jumeaux Yamato et Musashi. Les troupes à évacuer étant moins nombreuses, un seul transport est nécessaire. C’est le Heian Maru qui est désigné.

Yamamoto qui supervise l’opération restera en retrait de Kiska à bord du Nagato avec les porte-avions Hōshō et Zuihō. Les porte-avions sont là pour assurer une éventuelle couverture aérienne au lever du jour, ils devront aussi récupérer les deux hydravions stationnés à Kiska. Torao Kuwabara commandera l’évacuation depuis le Yamato. Le Yamato et leMusashi navigueront au nord de l’île pendant que le Yukaze et le Minekaze entreront dans la baie de Kiska avec le Heian Maru. Les navires navigueront le plus près possible de l’île pour que le relief ait une chance de les masquer des éventuels radars américains.

La surprise américaine

Les Américains ignorent que les Japonais lancent une opération d’évacuation et lancent quant à eux une opération d’invasion d’Attu (Opération LANDCRAB) afin d’isoler Kiska. L’opération qui était initialement prévue pour le printemps 1943 a été avancée de plusieurs mois, car dans le pacifique sud la conquête de Guadalcanal avance plus vite que prévu. L’opération de bombardement des deux îles ainsi que les missions de reconnaissance montrent que les troupes japonaises n’ont pas de gros moyens à opposer aux Américains. L’US Navy utilisera donc un nombre réduit de navires, mais malgré tout plus nombreux que les Japonais. La flotte américaine sera soutenue par l’aviation basée à Dutch Harbor dès le lever du soleil.

Le dispositif américain est commandé par l’Amiral Thomas Kinkaid à la tête des Task Forces 16 et 51.

Task Force 16.7 commandée par le Contre-Amiral Giffen :

  • Les croiseurs lourds Wichita, San Francisco et Louisville
  • Les Destroyers Balch, Hughes, Mustin et Morris

Task Force 16.6 commandée par l’Amiral Kinkaid :

  • Les croiseurs légers Raleigh, Detroit et Richmond
  • Les Destroyers Bancroft, Caldwell, Coghlan, Frazier et Gansvoort

Task Force 51 commandée par le Contre-Amiral Rockwell chargé de l’assaut à proprement parler :

  • Les cuirassés Nevada, Pennsylvania et Idaho
  • Le porte-avions d’escorte Nassau
  • Les destroyers Dewey, Dale, Monaghan, Aylwin, Sicard et Pruitt
  • Les dragueurs de mines Perry, Elliot, Chandler et Long
  • Les transports Harris, Zeilin, Heywood, J.Franklin Bell, Kane et Perida

La force de débarquement de la 7ème Division d’infanterie commandée par le Major-Général Brown :

  • 17ème Régiment
  • 1 bataillon du 32ème Régiment
  • Le 78ème Régiment d’Artillerie côtière
  • Un bataillon du 50ème Régiment du Génie
  • La 1ère Section de Renseignement d’Alaska (Castner’s Cutthroats)

Task Group 16.1 (Groupe aérien basé à terre), commandé le Brigadier général William Butler :

  • 30 bombardiers B-25 Mitchel
  • 24 B-24 Liberator
  • 50 chasseurs p-38 Lighting et 50 chasseurs P-40 Warhawk

La Task Force 16.7 naviguera en direction d’Attu en passant au nord de Kiska, suivit à distance par la Task Force 51. La Task Force 16.6 fera un grand crochet au sud de Kiska avant de remonter vers Attu.

Début de l’opération AL

La force japonaise qui s’est regroupée au large des îles Kouriles fait route vers le Nord. La 5ème Flotte quitte la formation principale le 14 octobre en fin d’après-midi pour rejoindre Attu. L’évacuation des troupes d’Attu commence en premier, elle sera forcément plus longue, car les troupes sont bien plus nombreuses. Le plan prévoit que les deux évacuations se terminent à peu près en même temps. La 5ème flotte devra alors naviguer au Sud pour attendre les forces d’évacuation de Kiska. La force d’évacuation de Kiska fait voler des appareils de reconnaissances jusqu’au coucher du soleil, mais ils ne repèrent rien.

À 21 h, un bref message radio est envoyé à la garnison de Kiska « Yomotsu Hirasaka Nobore » (grimpez les pentes de l’Enfer), c’est le code signifiant aux troupes de Kiska de se regrouper à Kiska Harbor pour évacuation. À 22 h 48, les porte-avions Hōshō et Zuihō et le cuirassé Nagato se placent en attente à environs 100 kilomètres au sud-ouest de Kiska. Kuwabara ordonne aux Yukaze, Minekaze et Heian Maru de passer au sud de Kiska, il prévoit d’entrer dans la baie en passant entre Kiska et Little Kiska. Le Yamato et le Musashi contourneront l’île par le Nord en longeant la côte. L’opération et la manœuvre s’annoncent plus risquées que prévu, car une épaisse brume se lève.

À 23 h 56, la brume et l’obscurité réduisent la vision à 1600 mètres, les radars japonais ne détectent aucune présence ennemie, seulement des parasites. Toutefois, Kuwabara ne fait que peu confiance aux radars japonais qu’il sait peu fiables et moins performants que les radars américains. Dans le même temps, la Task Force 16.6 de Kinkaid navigue en direction des cuirassés japonais, mais ne les détecte pas non plus. Les radars américains n’affichent que des parasites.

À 1 h 12, les navires d’évacuations sont en position dans la baie de Kiska. À ce moment, ni Kinkaid ni Kuwabara ne se rendent compte que leurs formations sont sur le point d’entrer en contact. La visibilité tombe à moins de 900 mètres et les radars des deux camps ne fonctionnent toujours pas.

Vers 1 h 48, les deux cuirassés japonais sont sur le point d’entrer au sein de la formation de Kinkaid. Les vigies japonaises, plus aguerries à ce genre de navigation, se rendent compte les premières de ce qui se passe. Kuwabara ordonne aux navires de stopper les machines et de se laisser porter par leur élan tout en ordonnant aux artilleurs de se tenir prêts à faire feu. La Task Force 16.6 ne capte pas les signaux lumineux japonais.

À 1 h 53, une vigie de l’USS Raleigh aperçoit furtivement une silhouette dans la brume et les ténèbres. Le commandant du navire ordonne de se tenir prêt à faire feu. Trois minutes plus tard, la vigie aperçoit à nouveau une silhouette, mais finalement aucun tir n’est ordonné par peur de toucher un navire allié. Le commandant du Raleigh ordonne d’informer par signaux lumineux les autres navires de la présence éventuelle d’un navire ennemi dans la formation. Kinkaid est inquiet et la tension est palpable au sein de la formation américaine. Les Japonais ont partiellement aperçu les signaux et se préparent à faire feu, ils savent qu’il s’agit de navires ennemis.

À 2 h 1, le Musashi fait feu. Trois obus de 460mm  touchent le Raleigh, qui réplique, mais rate le japonais de peu. Kinkaid ordonne de tirer à vue. Les cuirassés japonais ont relancé les machines, alors que la formation américaine commence à perdre toute cohésion. Les destroyers Bancroft, Caldwell, Coghlan, Frazier et Gansvoort s’éparpillent vers le nord-ouest avec le Yamato entre eux les croiseurs légers. Le Musashi est au milieu des croiseurs américains.

À 2 h 5, le Yamato tire en direction des destroyers américains alors qu’il vient de passer dans leurs dos. La passerelle du Gansvoort est pulvérisée par plusieurs obus des batteries principales du cuirassé japonais. Une deuxième salve détruit la cheminée du Bancroft. Au même moment, le Musashi croise l’USS Richmond et fait feu « à bout portant » endommageant les passerelles, le mat et plusieurs tourelles du Richmond. A si courte distance, les opus antiblindage des cuirassés travese parfois les navires américains sans détonner. L’USS Detroit réplique immédiatement, mais dans la précipitation et sans prendre en compte que le japonais navigue en sens inverse de la formation. Ses tirs sont dispersés et une partie d’entre eux touchent le Richmond, aggravant les dégâts. À bord de ce dernier, le commandant ordonne de cesser le feu, mais le message n’est pas reçu, car les communications sont endommagées et le chaos règne.

À 2 h 11, le Detroit poursuit le Musashi cap Sud-est. L’américain fait feu, mais perd le japonais dans la brume. À 2 h 17, Kinkaid ordonne aux navires de rompre le combat et de faire route au Nord-est. À 2 h 28, le Yamato qui a fait demi-tour aperçoit le Richmond en flamme qui navigue à 8 nœuds loin derrière le reste de la Task Force américaine. Kuwabara décide de l’achever au risque d’être repéré. À 2 h 30, un déluge d’obus balaye le croiseur américain. Alors que le Yamato s’éloigne au Sud-est, le Raleigh fait demi-tour pour porter assistance au Richmond. Ce dernier gîte rapidement et est en proie aux flammes, l’évacuation générale est ordonnée. Le Raleigh, ayant rapidement contrôlé ses propres dommages et débuts d’incendie, envoie des chaloupes pour aider à l’évacuation. L’USS Richmond sombre à 3 h 26.

Évacuation japonaise et réaction américaine

L’évacuation japonaise d’Attu se passe sans incident. À Kiska, les Yamato et Musashi rejoignent les navires d’évacuation. Ces derniers quittent la baie peu après 5 heures du matin. Les deux hydravions de Kiska Harbor sont détruits sur place, car leur embarquement a trop tardé. La flotte japonaise regagne le Japon sans autres incidents.

Photographie japonaise témoignant de visibilité exécrable durant l’Opération AL.

Kinkaid pense que les Japonais ont procédé au renforcement et au ravitaillement de leurs troupes. Les Task Forces 16.6 et 51 se regroupent, la Task Force 16.7 ne répond pas. Il transmet un ordre à la composante aérienne de la Task Force 16 de décoller et attaquer à l’aube. Le Task Group 16.1 du Brigadier général William Butler se prépare donc à décoller dès que possible.

[…]

Reconquête américaine

La flotte de Kinkaid se regroupe au lever du soleil et reprend sa route vers Attu. L’aviation de Butler bombarde les deux îles. Assez rapidement, les avions de reconnaissance chargés d’évaluer les dégâts signalent que la DCA japonaise ne réplique pas.

Après une matinée de bombardements aériens et navals des Task Forces 16 et 51, les troupes d’invasions sont débarquées et ne rencontrent aucune résistance. C’est la fin de la campagne des Aléoutiennes.

Résultat de l’opération AL

L’Opération est un succès total pour les Japonais. Ils ont ainsi pu évacuer la totalité des 2900 hommes des îles qui n’avaient plus aucune importance stratégique. Aucun navire japonais n’a été perdu, seul le Musashi a subi des dégâts légers suite à la réplique du Raleigh.

Les Américains reconquièrent les Aléoutiennes facilement, mais ont perdu le croiseur léger USS Richmond. L’USS Raleigh, les destroyers Gansvoort et Bancroft ont subi de gros dégâts.

Kinkaid a vécu cet incident comme une humiliation tant la flotte qu’il commandait est devenue incontrôlable. C’est sûrement l’une des raisons qui le pousseront à vouloir passer à l’offensive pendant l’année 1943, il souhaitait ainsi laver l’affront fait par les Japonais.

Explication concernant les problèmes de radar et de radio

Après la guerre, les comptes-rendus des deux camps prouveront que ces problèmes affectaient aussi bien les Japonais que les Américains. Le problème était trop étendu pour être causé par le relief de Kiska. L’hypothèse avancée est qu’il s’agit de phénomènes électromagnétiques probablement causés par l’activité solaire (tâches ou éruptions).

2 commentaires sur “Opération AL, l’évacuation des îles Aléoutiennes

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