Extrait de « Les armes secrètes du Japon durant la Guerre du pacifique. »
Les paillettes (Chaff en anglais) sont des contre-mesures larguées dans le ciel par des avions pour brouiller les radars adverses. Elles peuvent se présenter sous la forme d’aiguilles, de bandelettes ou de rubans. Retombant dans le vent sous forme de nuages, les paillettes envoient de multiples échos radar, elles se déplacent avec le vent et se dispersent avant de retomber.
Ce type de contremesure est apparu au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le concept a été développé indépendamment par le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis. Début 1942, le projet « Window » des Britanniques utilise des bandelettes d’aluminium de 27 cm sur 2 cm pour perturber les radars allemands. Dans le même temps, les Allemands développent et testent le projet « Düppel[1] », mais il ne sera pas utilisé en opération. Pas plus que le projet américain inspiré par les développements de leur allié britannique.
Lorsque les paillettes sont illuminées par le faisceau d’un radar, elles fonctionnent comme des antennes dipôles et réfléchissent une partie de l’énergie rayonnée pour autant que leur longueur corresponde à la longueur d’onde du radar, c’est-à-dire en fait un multiple de la demi-longueur d’onde. Le récepteur du radar reçoit alors un écho erroné.
Les Britanniques utilisent les « Window » dès 1942 lors des « thousand-bomber raids[2] » sur l’Allemagne. Les paillettes britanniques sont constituées de papier noir doublé d’une feuille d’aluminium, exactement 27 cm × 2 cm. Les résultats ont été spectaculaires. Les projecteurs guidés par radar errent sans but dans le ciel, les canons antiaériens tirent au hasard ou ne tirent pas du tout et les chasseurs de nuit, dont les écrans radars sont submergés de faux échos, ne parviennent pas à trouver les bombardiers. Pendant plus d’une semaine, les attaques alliées ont dévasté une vaste zone de Hambourg, entraînant la mort de plus de 40 000 civils, avec la perte de seulement 12 des 791 bombardiers durant le premier des trois raids.
Début 1942, les échanges technologiques avec l’Allemagne ont conduit la Marine japonaise à développer et tester ses propres paillettes sous le nom « Giman-shi ». Toutefois, les Japonais avaient déjà commencé à travailler sur une contre-mesure similaire, le capitaine de corvette Sudo Hajime a inventé une version japonaise appelée « Giman-shi », ou « papier trompeur ». Les informations transmises par les Allemands permirent au japonais d’améliorer leur « Giman-shi ». Stockées dans des cylindres de 2Kg se trouvent 200 bandelettes d’aluminium mesurant 30 cm de long sur 8,4 cm de large. Le Japon manquant d’aluminium, les « Giman-shi » ne sont utilisés qu’à deux reprises durant la Guerre du pacifique. La première, à des fins de tests en conditions réelles durant la campagne des Salomon en 1943. La seconde, lors de la dernière bataille de la guerre, dans les îles Mariannes. Les stocks japonais étaient tellement limités et en demande qu’il a fallu 6 mois de préparation à la Marine japonaise pour réunir un stock de paillettes suffisant pour la bataille des Mariannes.
De nos jours, les paillettes font partie de l’équipement standard de contre-mesures (avec les leurres thermiques et infrarouges) de tous les avions militaires et même de certains navires de guerre. On emploie aujourd’hui des fibres synthétiques recouvertes d’un film métallique appliqué en phase vapeur ou des fibres de carbone conductrices. Les radars modernes ne sont cependant plus aussi faciles à brouiller que ceux utilisés durant la Seconde Guerre mondiale.

[1] Du nom du quartier de Berlin-Düppel où elles furent utilisées pour la première fois lors d’une attaque aérienne.
[2] L’expression a été utilisée pour décrire trois raids de bombardement nocturnes de la Royal Air Force contre des villes allemandes au cours de l’été 1942 pendant la Seconde Guerre mondiale.
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