Extraits de « Un océan de feu : La guerre du pacifique 1941-1944 » — Joe Chevalier — BBG Publishing.
La bataille des îles Mariannes — Opération Forager pour les Américains et Ketsugō pour le Japon — est la dernière bataille de la Guerre du Pacifique et est considérée comme la plus grande bataille aéronavale de l’histoire.
Du 3 au 5 janvier 1944, les actions se sont déroulés à Palau, au-dessus de l’Abysse Challenger, la fosse des Mariannes et dans le ciel des Mariannes.
La bataille s’est déroulée en parallèle du coup d’État qui a renversé Hideki Tōjō au Japon et qui a permis de trouver une issue politique au conflit.
Plan et forces américaines :
Après que le Président Roosevelt ait donné son accord et que les îles Marshall ont été conquises, les « Seabees[1] » ont travaillé dur pendant des semaines pour établir des bases dans le pacifique central. Pendant ce temps, l’US Navy s’est efforcée de réunir la plus grande flotte possible. La force engagée par l’US Navy consiste en deux flottes au rôle bien distinct :
- La 3ème Flotte de l’Amiral Halsey doit trouver, engager et détruire la flotte et l’aviation japonaise.
- La 7ème Flotte de l’Amiral Kinkaid doit envahir Saipan.
Dès que Saipan sera conquise, elle servira de point d’appui et des renforts seront envoyés pour conquérir le reste des Mariannes. La conquête de ces îles doit permettre de placer le Japon à portée des bombardiers B-29 au printemps. Pendant que le Japon sera sous les bombes et MacArthur pourra se lancer dans la libération des Philippines.
Dans son Graybook, l’Amiral Chester Nimtize pose des mots sur on inquiétude à l’égard de la bataille à venir : « Même si nous n’avons pas d’autre choix que l’attaque, je reste inquiet. Les Japonais ont abandonné les îles les plus éloignées et ont raccourci leurs lignes de ravitaillement. Depuis la raclée de Midway, ils n’ont encaissé quasiment aucune perte. Au contraire, nous avons perdu plus de navires qu’eux. Ils ne sont pas à bout de force, ils se préparent juste à un nouvel affrontement. »
Ordre de bataille américain
La 3ème Flotte (commandée par l’Amiral Halsey depuis le cuirassé New Jersey)
Task Force 38, Force de porte-avions rapide (commandée par le Vice-Amiral Marc Mitscher depuis le porte-avions Lexington) :
Task Group 38.1 (commandée par le Vice-Amiral John McCain): Porte-avions Enterprise (40 F6F Hellcat, 34 SB2 Helldiver, 19 TBM Avenger) et Yorktown (51 F6F Hellcat, 25 SB2 Helldiver, 20 TBM Avenger). Porte-avions légers Monterey (26 F6F Hellcat, 9 TBM Avenger) et Langley (25 F6F Hellcat, 9 TBM Avenger).
- 11ème Division de croiseurs (commandée par le Contre-Amiral Lloyd Wiltse) : Croiseurs Wichita, Boston, Chester, Chicago, Pensacola et Salt Lake City. Croiseur léger Biloxi.
- 1er Écran : 46ème Escadron de Destroyers (Destroyers Izard, Charrette, Conner, Bell et Burns), 100ème Escadron de Destroyers (Destroyers Cogswell, Caperton, Ingersoll et Knapp), 92ème Division de Destroyers (Destroyers Boyd et Cowell), 12ème Escadron de Destroyers (Destroyers McCalla, Grayson et Woodworth) et 4ème Escadron de Destroyers (Destroyers Dunlap, Fanning, Case, Cummings, Cassin et Downs).
Task Force 38.2 (commandée par le Contre-Amiral Gerald Bogan): Porte-avions Bunker Hill (57 F6F Hellcat, 24 SB2 Helldiver, 19 TBM Avenger) et Intrepid (44 F6F Hellcat, 28 SB2 Helldiver, 18 TBM Avenger). Porte-avions légers Cowpens (26 F6F Hellcat, 9 TBM Avenger) et Independence (29 F6F Hellcat, 8 TBM Avenger).
- 7ème Division de cuirassés (commandée par le Contre-Amiral Oscar Badger) : Cuirassés Iowa et New Jersey. Croiseurs antiaériens San Diego et Oakland.
- 2ème Écran : 52ème Escadron de Destroyers (Destroyers Miller, The Sullivans, Stephen Potter et Tingey), 104ème Division de Destroyers (Destroyers Hickox, Hunt et Lewis Hancock), 50ème Escadron de Destroyers (Destroyers Colahan et Uhlman), 106ème Division de Destroyers (Destroyers Twining et Yarnall), 6ème Escadron de Destroyers (Destroyers Gridley, Helm et McCall).
Task Force 38.3 (commandée par le Contre-Amiral Frederick Sherman): Porte-avions Essex (51 F6F Hellcat, 25 SB2 Helldiver, 20 TBM Avenger) et Lexington (41 F6F Hellcat, 30 SB2 Helldiver, 18 TBM Avenger). Porte-avions légers Princeton (25 F6F Hellcat, 9 TBM Avenger) et Belleau Wood (25 F6F Hellcat, 9 TBM Avenger).
- 8ème Division de cuirassés (commandée par le Vice-Amiral Willis Lee) : Cuirassés Washington et Massachusetts.
- 9ème Division de cuirassés (commandée par le Contre-Amiral Edward Hanson) : Cuirassés South Dakota et Alabama.
- 13ème Division de Croiseurs (commandée par le Contre-Amiral Laurance DuBose) : Croiseur New Orleans. Croiseurs légers Santa Fe, Mobile et Birmingham. Croiseur antiaérien Reno.
- 3ème écran : 50ème Escadron de Destroyers (Destroyers Clarence K. Bronson, Cotten, Dortch et Healy), 55ème Escadron de Destroyers (Destroyers Porterfield et Callaghan, Cassin Young), 110ème Division de Destroyers (Destroyers Laws, Longshaw et Morrison), 12ème Division de Destroyers (Destroyers Mugford, Patterson).
Groupe logistique de la 3ème Flotte :
- Porte-avions d’escorte Altamaha (16 FM 2 Wildcat, 12 TBM Avenger), Barnes (16 FM 2 Wildcat, 12 TBM Avenger), Sitkoh Bay (16 FM 2 Wildcat, 12 TBM Avenger), Nassau (16 FM 2 Wildcat, 12 TBM Avenger) et Kwajalein (16 FM 2 Wildcat, 12 TBM Avenger).
- Écran : 102ème Division de Destroyers (Destroyers Aylwin, Capps, Dale et David W. Taylor), 1er Escadron de Destroyers (Destroyers Dewey, Dyson, Farragut et Hailey), 51ème Escadron de Destroyers (Destroyers Hobby, Hull, Monaghan, Thatcher et Welles) et Destroyers d’escorte (Acree, Bangust, Elden, Levy, McConnell, Mitchell, O’Neill, Osterhaus, Parksn Rall, Reynolds, Weaver et Waterman).
- Pétroliers : Cache, Caliente, Chakaskia, Cimarron, Escambia, Guadalupe, Kankakee, Kaskaskia, Kennebago, Lackwanna, Millicoma, Tappahannock, Neches, Neosho, Pactuxent, Pecos, Platte, Sabine, Saugatuck et Monongahela.
- Transports de munitions : Sangay, Mauna Loa, Australian Victory, Shasta et Lassen.
Task Force 17 (commandée par le Vice-Amiral Charles Lockwood): Sous-marins Tang, Snook, Haddock, Halibut, Tuna, Sawfish, Drum, Blackfish, Seadragon, Silversides, Salmon et Trigger.
7ème Flotte (commandée par le Vice-Amiral Thomas Kinkaid depuis le croiseur léger Nashville)
Task Force 77 (commandée par le Vice-Amiral Thomas Kinkaid): Croiseur léger Nashville, destroyers Ammen, Mullany, Abner Read et Bush.
- Task Force 71: Sous-marins Darter, Dace, Angler, Bluegill et Raton.
- Groupe de porte-avions d’escorte : Porte-avions d’escorte Sangamon (22 F6F Hellcat, 9 TBM Avenger), Santee (22 FM Wildcat, 9 TBM Avenger), Natoma Bay (16 FM 2 Wildcat, 12 TBM Avenger), Manila Bay (16 FM 2 Wildcat, 12 TBM Avenger), St. Lo (17 FM 2 Wildcat, 12 TBM Avenger), White Plains (16 FM 2 Wildcat, 12 TBM Avenger), Kalinin Bay (16 FM 2 Wildcat, 12 TBM Avenger), Kitkun Bay (14 FM 2 Wildcat, 12 TBM Avenger) et Gambier Bay (18 FM 2 Wildcat, 12 TBM Avenger).
- Écran : Destroyers McCord, Trathen, Hazelwood, Haggard, Franks, Hailey, Hoel, Heerman et Johnston. Escorteur Coolbaugh.
- Task Force 78, transportant le 1er Corps amphibie : Transports (Du Page, Fuller, Elmore, Wayne, Aquarius, Guston Hall, Fayette, Ormsby, Leedstown, Titania, Hercules, Epping Forest, Carter Hall, Harris, Leonard Wood, Pierce, La Salle et Electra). Escorté par les destroyers Fletcher, La Valette, Jenkins, Anderson, John Rodger, Murray, Harrison, McKee et divers auxiliaires.
- 1er Corps amphibie renforcé (commandée par le Lieutenant-Général Alexander Vandergrift) : 1ère Division de Marine, 3ème Division de Marine et 37ème Division d’infanterie.
- Groupe d’appui (commandé par le Contre-Amiral Jesse Oldendorf depuis le Louisville) : Cuirassés Mississippi, Maryland, Tennessee, California et Pennsylvania. Croiseurs Louisville, Portland et Minneapolis. Croiseurs légers Honolulu, Denver et Columbia. 56ème Escadron de Destroyers (Destroyer Newcomb) et 112ème Division de Destroyers (Destroyers Albert W. Grant, Halford, Claxton, Welles).
- Groupe de ravitaillement de la 7ème Flotte : Pétroliers Saranac, Ashtabula, Salamonie, Suamico, Schuykill et Tallulah. Transports de munitions Mazama, Durham Victory, Iran Victory, Bluefield Victory et Canada Victory. Escorteurs Whitehurst et Witter.
Plan et forces japonais :
La bataille des Mariannes s’inscrit dans un plan plus large pour la faction des « pacifistes » japonais. Le but de cette faction — après avoir réduit le périmètre à défendre — est d’infliger le plus de pertes possible à l’US Navy tout en renversant avec l’appui de l’Empereur le gouvernement Tōjō afin de pouvoir négocier une paix acceptable avec les Américains et bâtir un nouveau Japon.
La Marine Impériale Japonaise n’a plus été impliquée dans une opération majeure depuis le 2ème raid de l’océan indien. Ce temps a été mis à profit pour améliorer la défense antiaérienne des navires et l’entraînement des pilotes.
L’île de Saipan est devenue une véritable forteresse après un an de travaux. Des hangars géants et des pistes ont été aménagés à même la roche pour suppléer les aérodromes d’Aslito et Panader. Des fortifications et des galeries parcourent les falaises et les montagnes près des zones probables de débarquement.

La ville de Garapan a été évacuée depuis des semaines et est devenue une ville-garnison. Les 72 000 hommes de l’Armée et de la Marine sont commandés depuis la forteresse du mont Tapochao par Tadamichi Kuribayashi, Kane Yoshihara et Chuichui Nagumo.

Ordre de bataille japonais
La Flotte combinée est commandée par l’Amiral Yamamoto à partir du croiseur léger Ōyodo.
1ère Force mobile (commandée par le Vice-Amiral Jisaburo Ozawa) :
- 1ère Force de porte-avions : Porte-avions Shokaku (18 A6M5 Reisen, 20 D3A Kanbaku, 23 B6N Tenzan), Zuikaku (18 A6M5 Reisen, 20 D3A Kanbaku, 23 B6N Tenzan), Jun’yō (16 A6M3 Reisen, 18 D3A Kanbaku, 18 B5N Kankō) et Hiyō (27 A6M5 Reisen, 6 B6N Tenzan, 18 D4Y Suisei). Cuirassés Nagato et Mutsu. Croiseur Mogami.
- 5ème Division de Croiseurs (commandée par le Contre-Amiral Shintaro Hashimoto) : Croiseurs Myoko et Haguro.
- 10ème Escadre de destroyers (commandée par le Contre-Amiral Susumu Kimura) : Croiseur léger Yahagi, 10ème Division de destroyers (Destroyers Asagumo, Urakaze, Isokaze et Tanikaze), 61ème Division de destroyers (Destroyers Hatsuzuke, Wakatsuki, Akizuki, Shimotsuki et Minazuki).
- 31ème Escadre d’escorte (commandée par le Contre-Amiral Heitaro Edo) : Porte-avions d’escorte Taiyō (16 A6M3 Reisen, 6 D3A Kanbaku, 5 B5N Kankō), Un’yō (16 A6M3 Reisen, 6 D3A Kanbaku, 5 B5N Kankō) et Chūyō (16 A6M3 Reisen, 6 D3A Kanbaku, 5 B5N Kankō). Croiseurs légers Ōyodo, Isuzu et Tama. 43ème Division de Destroyers (Destroyers d’escorte Maki, Kiri, Kuwa et Sugi).
2ème Force mobile (commandée par le Vice-Amiral Takeo Kurita) :
- 2ème Force de porte-avions (commandée par le Vice-Amiral Kakuji Kakuta) : Porte-avions légers Zuihō (18 A6M3 Reisen, 6 B5N Kankō) et Ryūhō (15 A6M3 Reisen, 8 D3A Kanbaku, 8 B5N Kankō). Croiseurs Atago, Takao, Maya et Chokai.
- 4ème Division de destroyers (Destroyers Michishio, Nowaki et Yamagumo) et 27ème Divisions de destroyers (Destroyers Shigure, Samidare, Shiratsuyu, Hayashimo, Hamakaze, Akishimo et Harusame).
Force d’hydravions (commandée par le Contre-amiral Takaji Joshima) :
Porte-hydravions Chitose (12 F1M), Chiyōda[2] (12 F1M), Nisshin (25 F1M), Akitsushima (1 H8K) et Chihaya[3] (1 H8K). Destroyers Akizuki, Asagumo, Natsugumo, Yamagumo, Murakumo.
Force à laquelle il faut ajouter plus de 80 hydravions — essentiellement des F1M lançables depuis les cuirassés et croiseurs.
1er Force d’attaque (commandée par le Vice-Amiral Matome Ugaki) :
Cuirassées Yamato, Kongo et Fusō. Cuirassé antiaérien Hyūga. Croiseurs Kumano, Chikuma, Aoba et Abukuma. Croiseur léger Noshiro.
2ème Force d’attaque (commandée par le Vice-Amiral Yoshio Suzuki) : Cuirassées Musashi, Yamashiro et Haruna. Cuirassé antiaérien Ise. Croiseurs Suzuya, Tone, Nachi et Ashigara. Croiseur léger Kinu.
3ème Force d’attaque (commandée par le Contre-Amiral Raizo Tanaka) : Croiseur-torpilleur Kitakami, Destroyer Shimakaze, 4ème Division de destroyers (Destroyers Michishio, Asagumo, Yamagumo et Shigure), 7ème Division de destroyers (Destroyers Akebono et Ushio), 18ème Division de destroyers (Destroyers Kasumi et Shiranuhi), 21ème Division de Destroyers (Destroyers Wakabe, Hatsushimo et Hatsuharu), 31ème Division de destroyers (Destroyers Kishinami, Okinami, Naganami et Asashimo), 32ème Division de destroyers (Destroyers Hamanami et Fujinami), 42ème Division de Destroyers (Destroyers Fuyuzuki et Suzutsuki).
Groupes de ravitaillements :
- 1er groupe de ravitaillement (Pétroliers Hayasui, Nichiei Maru, Kokuyo Maru et Seiyo Maru) escorté par les destroyers Hibiki, Hatsushimo, Yūnagi et Tsuga.
- 2ème groupe de ravitaillement : Pétroliers Genyo Maru et Azusa Maru escorté par les destroyers Yukikaze et Uzuki.
- 3ème groupe de ravitaillement : Pétroliers Jinei Maru et Takane Maru escorté par le destroyer Akikaze et les escorteurs CD-22, 29, 31, 33, 43 et 132.
Force de sous-marins (commandée par le Vice-Amiral Takeo Takagi) : I-5, I-10, I-26, I-36, I-37, I-38, I-41, I-44, I-45, I-47, I-53, I-54, I-56, I-68, I-184, I-185, Ro-36, Ro-41, Ro-42, Ro-43, Ro-44, Ro-46, Ro-47, Ro-68, Ro-104, Ro-105, Ro-106, Ro-108, Ro-109, Ro-112, Ro-113, Ro-114, Ro-115, Ro-116 et Ro-117.
Force d’attaque spéciale basée au sol (commandée l’Amiral Chuichui Nagumo) :
- Basés à Saipan : 488 A6M3, 324 G4M Hamaki (Groupe aérien spécial Hazumi commandé par le capitaine Minoru Genda) de Skip-bombing, 108 G4M Hamaki, 108 J2M3/4, 108 D4Y Suisei.
- Basés à Tinian : 216 A6M3 Reisen.
Garnison de Saipan (commandée par le Général Kane Yoshihara) :
- 6ème Division d’infanterie, 20ème Division d’infanterie, 41ème Division d’infanterie, 51ème Division d’infanterie, 109ème Division d’infanterie. Soit plus 6000 hommes et 30 chars.
- 1ère SNLF (900 hommes), 81ème Force de garde (600 hommes), Saipan Naval Guard Force (8000 hommes), 11ème et 13ème Unités de Construction (2600 hommes), 38ème Brigade indépendante d’infanterie.
Si Kane Yoshihara commande le distipsitif global, dans la pratique les troupes de l’armée sont sous les ordres du Lieutenant-Général Tadamichi Kuribayashi et celle de la marine sous le commandement de l’Amiral Chuichui Nagumo.
Déroulement de la bataille :
1 et 2 janvier, prémices sous-marines
Le 1er janvier à 5 h 45 du matin, les sous-marins japonais I-26 et I-45 voient la flotte américaine en mouvement à 500 kilomètres de Kwajalein. Les deux sous-marins se positionnent près de la surface et transmettent l’information au QG de la Flotte de Combinée. L’émission est immédiatement repérée par les Américains qui lancent des recherches pour retrouver les deux sous-marins. Ces derniers ont replongé et guettent une opportunité pour attaquer la flotte ennemie. À 6 h 36, l’I-45 tire à longue distance une gerbe de six torpilles et est repéré et est attaqué par un PBY Catalina. L’appareil largue deux bombes qui explosent à proximité du sous-marin japonais le contraignant à faire surface. Immédiatement, les Japonais tentent de mettre leur canon en batterie, mais sont pris pour cible par les navires de surface. Sous un feu nourri, l’I-45 explose et se brise en deux, ne laissant aucun survivant. L’I-26 quant à lui se fait discret et surprend la flotte américaine avec une gerbe de six torpilles. L’USS Biloxi est pulvérisé par 4 torpilles, une 5ème torpille détruit le pétrolier Sabine.
L’I-26 n’échappe pas aux patrouilles agressives des Catalina et finit par être coulé aux alentours de 13 heures. Immédiatement après avoir reçu le message de l’I-26 et de l’I-45, la Flotte combinée se met en action. Les Forces d’Attaque lèvent l’ancre, rapidement suivie par les porte-avions des 1ère et 2ème Forces mobiles.
Dans la nuit du 1er au 2 janvier, les sous-marins américains USS Darter et USS Dace naviguent en direction de Palau. À 0 h 16, le Darter détecte la formation japonaise en mouvement au large de Yap[4], les deux sous-marins s’éloignent pour envoyer leur rapport par radio. Les opérateurs radio du Yamato captent la transmission et informent l’Amiral Yamamoto à bord du Ōyodo « Amiral, nous avons intercepté le message envoyé par l’ennemi. Nous nous empressons de le décoder au plus vite », l’intéressé répond « Ce ne sera pas nécessaire, maintenant les Américains savent où nous sommes. »
Le Darter et le Dace naviguent à pleine vitesse en surface le reste de la nuit pour pouvoir attaquer la flotte japonaise au lever du soleil. Au large d’Ulithi[5] 5 h 25, le Darter tire six torpilles et quatre d’entre elles frappent le croiseur Atago. Dix minutes plus tard, deux autres torpilles frappent la Takao après que le Darter en ait tiré six. À 5 h 56, quatre torpilles du Dace frôlent le croiseur Maya. L’Atago coule rapidement, le Takao retourne à Palau sans escorte.
À 6 h 30, six B-24 partis de Kwajalein survolent Saipan. Les Japonais se font discrets afin de ne pas dévoiler leurs forces. Les hangars souterrains échappent au regard des Américains ainsi qu’une bonne partie des fortifications.
4 janvier, 1er combat au large des Mariannes
La flotte japonaise se trouve à 340 km au sud-ouest de Guam et la flotte américaine est à moins de 450 km de Saipan.
À 5 h 50, une patrouille japonaise de 50 Reisen décolle de Guam. L’un d’entre eux trouve la flotte américaine et attaque. Il est abattu par l’écran de destroyer sans avoir transmis la position de la flotte américaine. Alertés, les Américains font décoller 25 Hellcat de l’USS Belleau Wood. Les deux patrouilles finissent par se trouver et 35 avions japonais sont abattus contre 11 Américains.
À 6 h, 300 appareils américains décollent pour attaquer Saipan. Les Américains sont alors surpris par le nombre d’appareils japonais défendant l’île et par la densité des tirs antiaériens. Sur les 300 appareils américains, 75 sont abattus, mais les Japonais ont perdu 113 chasseurs.
À 8 h 30, le Dace transmet la nouvelle position de la flotte japonaise. Les deux flottes ne sont séparées que de 700 km. Halsey ordonne la préparation d’une deuxième vague d’attaque à destination de la flotte japonaise. Mitscher lui suggère d’attendre, car la première vague est sur le chemin du retour. Halsey lui répond que s’il faut attendre que tous les avions de la première vague soient revenus, la deuxième vague devra attendre au moins deux heures avant de décoller. Alors que la nouvelle vague commence à décoller, les premiers appareils de la vague précédente arrivent et reçoivent l’ordre d’attendre en vol, ceux qui sont à court de carburant sont contraints de se poser sur l’eau. Au final la première vague totalise 40 % de perte à cause de cette erreur d’appréciation d’Halsey.
Aux alentours de 11 h, les appareils américains sont à 25 km de la Flotte combinée. Immédiatement, les Japonais font décoller des chasseurs supplémentaires, leur but est de détruire le maximum d’appareils ennemis tout en préservant au maximum ses forces. Les pilotes américains attaquent dos au soleil ce qui va gêner les artilleurs japonais. Immédiatement, ils attaquent les plus gros navires : les porte-avions et les cuirassés. Dix helldiver plongent sur le Musashi, neuf sont abattus et le survivant ne parvient pas à larguer sa bombe, surpris par la densité du feu antiaérien, car les Japonais se sont inspirés de la défense en cercle utilisé par les Américains. De plus, les navires japonais utilisent des obus antiaériens dont la fumée est colorée, permettant ainsi aux artilleurs de distinguer leurs tirs de ceux des navires voisins. Trois torpilleurs Avenger attaquent le Yamato, deux sont abattus et le troisième parvient à placer une torpille qui touche le Yamato à bâbord sans dommage notable.
À 11 h 25, alors que la bataille fait rage au-dessus de la Flotte combinée, un hydravion H8K basé à Saipan repère la 3ème Flotte et parvient à transmettre sa position avant d’être abattu. Conformément au plan établi par l’Amiral Yamamoto, une vague d’attaque massive décolle de la dizaine de pistes de Saipan et de Tinian. Pendant ce temps, Halsey ordonne à ces porte-avions de faire décoller tous leurs appareils pour attaquer la flotte japonaise. Mitsher lui suggère d’opter pour une position plus défensive, mais Halsey est catégorique « Nous n’aurons peut-être pas une deuxième occasion comme celle-là. » De fait, seuls les appareils des porte-avions légers et porte-avions d’escorte seront en mesure de défendre la flotte.
À 12 h 32, 324 appareils (des G4M, D4Y et J2M) partis de Saipan et plus de 200 A6M3 de Tinian attaquent la 3ème Flotte. Les G4M sont tous équipés de torpilles et se lancent dans une attaque en tenaille. L’un des J2M surprend les artilleurs de l’USS Enterprise et parvient au prix d’un piqué vertigineux à larguer une bombe en plein milieu du pont du porte-avions. La bombe traverse le pont en coupant la queue d’un avion qui s’apprêtait à décoller puis explose. L’équipage parvient à maîtriser l’incendie rapidement, mais l’Enterprise ne peut plus opérer ou recevoir d’avions. Les mécaniciens pensent pouvoir rendre le pont partiellement utilisable d’ici au lendemain matin. À 12 h 45, le croiseur antiaérien San Juan est la cible d’une attaque coordonnée de six G4M et six D4Y. Les torpilleurs larguent leurs six torpilles sous un feu nourri, quatre appareils sont abattus juste avant que deux torpilles touchent le croiseur à bâbord. Les explosions provoquent d’importantes voies d’eau et un gros incendie, mais l’équipage n’a pas le temps de réagir. Les D4Y attaquent en piqué et font mouche, trois bombes pulvérisent une tourelle de 95 mm, une autre détruit une paire de Bofors. Deux bombardiers redressent trop tard et s’écrasent sur le San Juan, un sur la passerelle et l’autre sur le pont. Alors que l’incendie devient incontrôlable, l’évacuation commence à 12 h 56. À 13 h 2, le feu gagne les stocks de munitions et déclenche plusieurs explosions secondaires suivies d’une énorme explosion qui brise le navire en deux. Peu avant, les aviateurs japonais attaquent le porte-avions léger USS Belleau Wood, le confondant probablement avec un porte-avions de ligne. Il est rapidement noyé sous les bombes des D4Y et J2M, trois bombes traversent le centre du pont d’envol et déclenche un incendie et des explosions secondaires qui ravagent le navire. Quatre near-miss encadrent le navire : un à l’avant, deux sur tribord et un à bâbord-arrière. Le Belleau Wood stoppe, dérive et est en proie aux flammes lorsque la torpille d’un G4M explose sur bâbord-centre et éventre littéralement le porte-avions. Ce dernier est évacué en urgence alors qu’il s’enfonce lentement dans l’eau avant de disparaître définitivement à 13 h 28.
À 14 h 23, l’attaque se termine. La plupart des appareils japonais n’ont pas réussi à passer l’écran formé par les Hellcat et les destroyers. Du coté japonais 142 chasseurs, 59 D4Y et 34 G4M ont été abattus ou sont trop endommagés pour rentrer. Les Américains ont perdu 88 chasseurs, le croiseur Salt Lake City et 9 destroyers (Knapp, Conner, McCalla, Twining, Tingey, Dortch, Morrisson, Hickox et Gridley). Pour la première fois, les Américains font face à des attaques kamikazes en grand nombre. En effet, malgré les ordres de Yamamoto qui n’aime pas voir les pilotes de l’aéronavale sacrifier leur vie et leur talent en vain, de nombreux pilotes dont l’avion a été endommagé ont précipité leurs appareils sur les navires américains.
À 14 h 20, la troisième vague américaine attaque la Flotte combinée. Un avion américain en perdition s’écrase sur le pont du Yamato et tue trois marins sans faire de dégâts critiques. Six Avenger mènent une attaque en tenaille contre le Shokaku, toucher par trois torpilles ce dernier est ravagé par des incendies incontrôlables qui finissent par atteindre les stocks de munitions. Jisaburo Ozawa ordonne l’évacuation des avions qui étaient déjà sur le pont d’envol du Shokaku. Toutefois, il est probable que cette action ait gêné le travail des équipes anti-incendie. Ozawa transfère son pavillon sur le Zuikaku. À 15 h 8, une bombe du stock du Shokaku explose mettant le feu aux vapeurs d’essence et stocks de carburant, une immense explosion se propage sur toute la longueur du porte-avions qui coule rapidement. Les navires de la 10ème Escadre de destroyers ne repêchent que 570 survivants. À 14 h 24, le cuirassé antiaérien Hyūga est la cible des Helldiver américains qui veulent se débarrasser de ce navire dont les batteries antiaériennes sont gênantes. En trois minutes, le cuirassé est frappé par dix bombes qui ravagent la passerelle, le puits aux chaînes et la plupart des pièces antiaériennes de la proue. Le navire ralenti à cinq nœuds et plusieurs stocks de munitions explosent. À 14 h 46, l’Hyūga est achevé par trois torpilles larguées par des Avenger qui le touchent à bâbord. Les voies d’eau sont trop importantes et le navire est évacué.

À 15 h 15, les assaillants se replient non sans pertes : 24 Avenger, 17 Helldiver et 17 Hellcat sont perdus. Pour les Japonais, en plus du Shokaku et du Hyūga, l’escorteur Sugi et les destroyers Urakaze, Shiratsuyu et Harusame sont détruits. Le Contre-Amiral Susumu Kimura est tué dans la destruction du croiseur léger Yahagi. 67 A6M Reisen se sont sacrifiés pour défendre la flotte.
À 16 h 15, les avions de Flotte combinée commencent à décoller pour mener un raid avant la nuit. Les pilotes ont pour consigne de regagner Saipan s’il fait trop sombre pour revenir sur les porte-avions. Les pilotes se regroupent avant de se mettre en route, le raid totalise 262 appareils : des A6M5 Reisen, des D3Y Kanbaku, des D4Y Suisei et des B6N Tenzan. À 16 h 22, Mistcher ordonne le lancement d’une dernière attaque malgré le risque de voir les appareils revenir une fois la nuit tombée puisque le soleil se couche aux alentours de 17 heures. Le raid est constitué de 199 avions des deux premières vagues d’attaques de la journée. Halsey décrira l’acharnement des deux flottes durant cette journée comme « un combat de boxe ou les deux combattants souhaitent gagner par K.O dès le premier round ».
Alors que la météo se gâte — avec notamment de nombreux nuages —, les deux raids aériens ne se croisent pas ou tout du moins ne se voient pas. Les avions américains — gêner par les nuages et la pluie — localisent la flotte japonaise à 18 h 7 après deux heures de recherches. Ozawa et Kurita parviennent à faire décoller 53 avions pour défendre la flotte, elle-même éparpillée ce qui va réduire l’efficacité de l’attaque américaine. Rapidement, le pétrolier Hayasui est touché par trois bombes et explose, le destroyer Tsuga reçoit deux bombes et une torpille ; les deux navires sombrent sans survivant. Le porte-avions Ryūhō est endommagé par quatre near-miss, alors qu’il réduit sa vitesse à cause des dégâts une cinquième bombe traverse l’extrémité arrière du pont d’envol et termine sa course dans l’eau sans exploser. Le Jun’yō est attaqué à son tour, une bombe le touche à hauteur de l’ascenseur arrière, ce dernier est détruit ainsi que cinq avions qui étaient sur ou sous le pont d’envol. L’incendie qui s’en suit est rapidement maîtrisé et, bien que ses capacités opérationnelles soient réduites, le porte-avions n’est pas mis hors de combat. Le cuirassé Haruna est touché par deux bombes qui détruisent sa tourelle arrière. Vu la faible couverture aérienne de la flotte japonaise, le tableau de chasse du raid américain est assez maigre et 18 avions ont été détruits. Ce résultat est dû au fait que la plupart des Avenger étaient équipés de bombes et non de torpilles.
Pendant ce temps, les appareils japonais ont beaucoup moins de mal à trouver la flotte américaine, car la météo de cette zone est un peu plus clémente. À 17 h 31, les Japonais passent à l’attaque. Encore une fois, la défense américaine fait des ravages, mais les japonais usent de la même technique depuis le début de la journée : slalomer au ras de l’eau entre les navires ennemis pour provoquer des tirs amis. Par hasard ou par miracle, les aviateurs japonais parviennent à mettre les quatre tourelles de 360 mm de l’USS Pennsylvania hors service. Une fois les incendies maîtrisés, le cuirassé est cantonné à la défense antiaérienne. À 17 h 47, le porte-avions léger USS Cowpens est touché par deux bombes qui ravagent le pont d’envol et allume un large incendie qui en fait une cible parfaite. Quatre minutes plus tard, un Reisen endommagé pique droit sur le navire et s’encastre dans le pont déjà endommagé. Le carburant et la vapeur d’essence s’enflamment de plus belle. À 17 h 59, le navire est évacué et explose à 18 h 17 emportant un tiers de l’équipage. Les Japonais quittent la zone avec 27 appareils en moins et un maigre tableau de chasse, aucune des torpilles larguées par les B6N Tenzan n’a trouvé sa cible. Côté américain, les tirs amis induits par la tactique des pilotes japonaisont fait 18 morts et 89 blessés depuis le début de la journée. Les artilleurs américains n’avaient que deux possibilités : arrêter de tirer ou risquer de blesser des camarades.

Yamamoto reçoit les premiers rapports sur les résultats de la dernière attaque. Il fait transmettre un message au Quartier Général de la Marine à l’attention de l’Amiral Osami Nagano : « Tout se passe comme prévu. Vous pouvez procéder ». Ce message est le déclencheur du « coup d’État de la Marine ».
Alors que la 3ème Flotte se regroupe avec son échelon de ravitaillement et la flotte d’invasion, les avions américains tentent de regagner leurs porte-avions dans le noir. Certains ont déjà dû amerrir à cause des dégâts et du manque de carburant. Aux alentours de 20 h, les premiers appareils trouvent la flotte grâce aux destroyers qui allument leurs projecteurs. Mistcher ordonne alors à tous les porte-avions d’allumer leurs projecteurs[6] et de nombreuses fusées éclairantes sont tirées pour aider les avions à retrouver leur chemin, l’opération va s’étaler jusqu’aux environs de 22 h. Malgré cela, 48 avions supplémentaires sont perdus, la plupart ont choisi d’amerrir et d’autres ont raté leur appontage. De plus, les appontages se font au hasard et les groupes aériens vont devoir être réorganisés le lendemain matin avant d’être opérationnels ce qui va coûter un temps précieux à la 3ème Flotte.
Halsey et Mitscher ne le savent pas encore, mais toutes ces lumières ont permis à des hydravions H8K partis de Saipan de localiser l’ensemble de la flotte américaine. Les Japonais se préparent à combattre de nuit.
De leur côté, les pilotes japonais ont choisi la sécurité et regagnent Saipan ou une piste est éclairée grâce à des feux dans des bidons, des fusées éclairantes et même de simples torches enflammées en bord de piste. Malgré cela, deux avions sont détruits à l’atterrissage et onze autres endommagés. Les avions regagneront leurs porte-avions respectifs après leur premier raid du lendemain.
Nuit du 4 au 5 janvier, batailles nocturnes
Aux alentours de 22 heures, les premiers hydravions japonais découvrent la position de la flotte américaine suite à l’illumination des porte-avions. Ils ont eu la chance de repérer la flotte de loin et restent hors de portée des Américains. En plus de leur mission de reconnaissance, les H8K vont devoir illuminer les cibles pour un raid nocturne et aussi perturber les radars américains grâce à des « Paillettes ».
Sur les aérodromes de Saipan, 324 G4M2 se tiennent prêts à décoller lorsque la flotte américaine est localisée. Ils font partie du groupe aérien Hazumi, encadré, entraîné et commandé par Minoru Genda. À 22 h 30, les appareils décollent, pour une attaque de skip-bombing, mais trois d’entre eux devront faire demi-tour sur problème moteur. Pendant ce temps trois forces d’attaque japonaises se rapprochent des 3ème et 7ème Flottes américaines.
À 23 h, les 3ème et 7ème Flottes américaines sont regroupées. La 3ème Flotte commence ses opérations de ravitaillement lorsqu’à 23 h 52 le raid parti de Saipan est détecté. Trois minutes plus tard, les hydravions japonais commencent à larguer des paillettes, perturbant les radars américains et installant le doute dans les esprits. Alors que les Américains se mettent en position défensive, les H8K commencent à larguer des bouées lumineuses derrière la flotte américaine pour que les silhouettes des navires se distinguent sur l’horizon puis des fusées éclairantes vertes et rouges illuminent le ciel.
Les 321 G4M se divisent en deux groupes pour une attaque en tenaille et descendent au ras des vagues. À minuit, l’attaque débute alors que les obus américains commencent à traverser le ciel. C’est alors que Mistcher et Halsey comprennent que ce n’est pas une attaque à la torpille qui se déroule sous leurs yeux, mais un skip-bombing. Les avions japonais pénètrent au cœur de la formation américaine — provoquant de nouveaux tirs amis — et larguent leurs bombes à moins de 25 mètres des vagues. Certains appareils larguent quatre bombes de 250 kg, d’autres ne larguent qu’une bombe de 800 kg. L’attaque est plutôt bien exécutée même si certains appareils s’écrasent contre des navires ou heurtent un ailier en redressant. Le pétrolier Canada Victory et le porte-avions Bunker Hill — qui se trouvait côte à côte à cause des opérations de ravitaillement — sont touchés respectivement par deux et cinq bombes. Gravement endommagé, le porte-avions est victime de l’explosion du pétrolier. Ce dernier disparaît sans survivant alors que l’évacuation du Bunker Hill commence. Les porte-avions d’escorte Kitkun Bay et Gambier Bay sont endommagés par deux bombes chacun, les bombes ayant ricoché trop haut les dégâts ne sont pas critique. La coque du croiseur léger Birmingham est traversée par une bombe de 800 kg dont l’explosion endommage les machines, le navire réduit sa vitesse à 12 nœuds. L’USS Enterprise voit ses travaux de réparation perturbés par une bombe de 250 kg qui endommage la coque, mais le travail reprend rapidement. Le plus lourd tribut est payé par les destroyers. L’USS Albert W. Grant est sévèrement endommagé par des tirs amis (principalement tirés par les cuirassés du groupe d’appui auquel il appartient) et compte de nombreux morts et blessés. Les destroyers Hoel, Johnston, Hazelwood et Abner Read ne survivent pas à ce raid. Le Bunker Hill coule à 1 h 13 du matin.

Le raid éclair des japonais ne dure que 17 minutes, mais les fragiles G4M très inflammables payent un lourd tribut avec 78 pertes sur 321 appareils sans compter les nombreux avions endommagés.
Halsey, Mistcher et Kinkaid décident d’unir les forces des 3ème et 7ème Flottes pour « s’occuper de l’aviation japonaise » dès le lendemain. Alors que les navires reprennent leur formation, une nouvelle menace est détectée : des navires japonais sont à moins de 100 km.
Les porte-hydravions du Contre-Amiral Joshima lancent alors leurs appareils en plusieurs vagues successives, 48 F1M et 2 H8K prennent les airs. Leur mission est de larguer des paillettes pour perturber les radars américains lors de l’approche de la flotte de surface japonaise. Les croiseurs et cuirassés de la flotte de surface vont eux aussi lancer leurs hydravions. De leur côté, Halsey, Mistcher et Kinkaid passent leurs ordres pour envoyer une flotte à la rencontre des Japonais pendant que le reste des navires s’éloigne à l’est.
À 1 h 30, les Américains lancent une nouvelle Task Force : la 38.4 commandée par le Vice-Amiral Willis Lee. La force se compose de la 11ème Division de croiseurs (Croiseur Wichita, Boston, Chester, Chicago et Pensacola), la 7ème Division de cuirassés (Cuirassés Iowa et New Jersey. Croiseurs antiaériens San Diego et Oakland), la 8ème Division de cuirassés (Cuirassés Washington et Massachusetts), la 9ème Division de cuirassés (Cuirassés South Dakota et Alabama), le groupe d’appui de la force d’invasion (Cuirassés Mississippi, Maryland, Tennessee, California. Croiseurs Louisville, Portland, Minneapolis. Croiseurs légers Honolulu, Denver et Columbia. Les destroyers Newcomb, Halford, Claxton, Welles, Porter, Grayson, Woodworth, Ammen, Mullany et Bush). Ainsi, les Américains s’apprêtent à recevoir la force d’assaut japonaise.
À 1 h 45, les flottes ne sont plus qu’à 60 km l’une de l’autre lorsque les hydravions japonais entrent en action et commencent à larguer leurs paillettes avec un vent favorable. Les Japonais ne savent pas qu’ils sont déjà détectés et pensent pouvoir masquer leur approche et perturber l’ennemi. Par contre, la chance est de leur côté, car lorsque les flottes ne seront plus qu’à une quarantaine de kilomètres les Américains pourront utiliser la conduite de tir radar de leurs cuirassés. Or les paillettes vont clairement perturber les systèmes américains. Cinq minutes plus tard, les premiers navires de la Task Force 38.4 apparaissent sur les radars japonais.
Ugaki modifie son plan initial, les croiseurs et cuirassés forment deux colonnes menées par les Yamato et Musashi pendant que les torpilleurs de la 3ème Force d’attaque sont eux aussi en colonne sur les flancs. Lorsque le combat entre les cuirassés et croiseurs commencera, les destroyers accélèreront pour mener une attaque à la torpille en tenaille. Dès que les navires américains auront été détruits, Ugaki lancera sa flotte contre les porte-avions américains et la force d’invasion. Pour la première fois, des super-cuirassés de type Yamato et Iowa vont s’affronter.
À 2 h, les Américains tirent leurs premiers obus malgré les perturbations radar qui affectent leurs systèmes de conduite de tir. Ugaki attend son heure, à cette distance les tirs de ses cuirassés seraient trop imprécis, il faut subir et attendre de n’être plus qu’à 25 km. Un tir chanceux coupe une élingue sur le pont du Yamato, le câble claque en emportant la vie de deux marins. Le tir américain, bien qu’imprécis, voit quelques obus chanceux faire des ravages. L’Ashigara est mis hors de combat par deux obus et est évacué. Le croiseur Kumano à la passerelle pulvérisée et le gouvernail endommagé, en flamme il se replie escorté par le cuirassé antiaérien Ise. Enfin, le destroyer Shiranuhi explose et se brise en deux ne laissant aucun survivant.
À 2 h 5, Ugaki déclenche son attaque : les deux colonnes de torpilleurs accélèrent sur les flancs, les cuirassés et croiseurs forment une ligne de front et commence à faire tonner leurs canons. Malheureusement, le vent est trop favorable aux paillettes qui ne sont pas encore toutes retombées et gêne les radars expérimentaux de conduite de tir « Type 23 » du Yamato et du Musashi. Les deux flottes sont sur un pied d’égalité. Deux minutes plus tard, les canons des deux flottes font feu de tout bois et les premières torpilles japonaises sont à l’eau.
Le destroyer Shimakaze slalome entre les tirs américains et met 15 torpilles à l’eau dans plusieurs directions. Le croiseur-torpilleur Kitakami lâche 20 torpilles. Au total, la 3ème Force commandée par Reizo Tanaka tirera plus d’une centaine de torpilles en direction de la flotte américaine. Consigne a été donner de les lancer à intervalles irréguliers et dans des directions divergentes pour les rendre difficiles à esquiver. Ainsi, même si les vigies américaines détectent en partie des lancements, ils auront le plus grand mal à voir les torpilles et à prévoir leurs trajectoires. Le Vice-Amiral Lee ordonne aux navires de doubler leur espacement et de virer à 90° pour que tous les canons soient en position de tirer.
À 2 h 10, un premier navire américain est perdu. C’est le croiseur USS Chester, décapité par des obus provenant d’un des cuirassés de la classe Yamato, il s’immobilise avant d’être achevé par deux torpilles. C’est ensuite le croiseur Louisville qui perd sa tourelle n° 2 et sa passerelle. La formation américaine commence à perdre de sa cohésion et le destroyer USS Porter gravement endommagé qui navigue comme un bateau fantôme (il a perdu sa passerelle, ses cheminées et ses principaux canons) coupe la trajectoire de l’USS Iowa. Le petit destroyer n’est pas de taille et l’impact le coupe en deux alors que l’Iowa ne semble même pas avoir été ralenti par le choc. Malgré les ordres de Lee, le croiseur Minneapolis rompt la formation, mal lui en prend puisqu’il se retrouve sur la trajectoire croisée de trois torpilles japonaises qui font mouche. Le navire gîte rapidement et l’évacuation débute à 2 h 19. Les artilleurs japonais saisissent l’occasion et le prennent pour cible. Les obus ravagent le navire en cours d’évacuation ainsi que les chaloupes qui sont à l’eau. Six minutes après le début de l’évacuation, le Minneapolis se brise en deux, plus de 400 marins périssent.

Les tirs américains redoublent d’intensité et les destroyers Akebono et Hamanami sont détruits. L’une des tourelles secondaires du Yamato est mise hors service. Pendant ce temps, les torpilles « longues lances » japonaises continuent de faire des ravages : un impact de torpille déclenche un incendie à bord de l’USS Honolulu et un stock de munitions explose, l’USS New Jersey est touché par deux torpilles, mais ne rompt pas le combat, car les dégâts sont légers. L’USS Honolulu fait demi-tour plutôt que de risquer la destruction.
À 2 h 30, les deux flottes ne sont séparées que de 12 km lorsque le Vice-Amiral Ugaki tente un pari fou. Il ordonne au Yamato (à bord duquel il se trouve) ainsi qu’au Musashi, Kongo et Haruna de mener une charge au cœur de la flotte ennemie. Le Vice-Amiral Lee ne se démonte pas : l’Iowa, le New Jersey, le South Dakota et l’Alabama font face. Le duel entre les deux groupes commence à 2 h 37, ce choc des titans sera pourtant de courte durée. Après sept minutes de combat, la passerelle du Yamato est détruite, la tourelle n° 1 du Musashi est hors service et l’Haruna est endommagé par neuf impacts. La tourelle n° 2 de l’Iowa a explosé sans avoir été touché et l’explosion a gravement blessé Lee qui commandait depuis la passerelle, le South Dakota est touché quatre fois et l’Alabama deux fois. Lors de l’attaque, le destroyer USS Bush à la dérive a été heurté et brisé en deux par le Yamato.

Ugaki comprend qu’il ne passera pas et vire de bord pour se regrouper avec sa flotte. Bien que la passerelle du Yamato ait été gravement endommagée, Ugaki n’est pas blessé, car il commandait depuis la salle des cartes. Lee quant à lui se trouvait sur la passerelle, inconscient il est emmené à l’infirmerie et perdra un œil. Le Contre-Amiral Jesse Oldendorf prend le commandement et ordonne le repli.
À 3 h 15, les deux flottes sont suffisamment éloignées et les tirs cessent peu à peu. L’affrontement a été à l’image de la journée : un vrai massacre. Les Américains ont perdu deux croiseurs (Minneapolis et Chester) et quatre destroyers (Porter, Grayson, Callaghan et Bush), six navires sont gravement endommagés ou hors de combat (Iowa, Wichita, Mississippi, Washington, Louisville et Denver) et sept navires ont reçu des dégâts significatifs (Chicago, San Diego, Oakland, Massachusetts, Maryland, Tennessee, Portland, Honolulu et Columbia).
Du côté japonais, seuls un croiseur (Ashigara) et six destroyers ont été coulés (Shiranuhi, Akebono, Hamanami, Asashimo, Kasumi et Hatushimo), les Kongo et Haruna sont gravement endommagés, le Kumano hors de combat, la plupart des cuirassés et croiseur restant on subit des dégâts légers.
Pendant ce temps, deux autres batailles ont été livrées, car les sous-marins des deux camps sont passés à l’attaque. À 2 h 45, les sous-marins américains USS Darter et USS Dace attaquent les navires les plus vulnérables de la flotte japonaise : les porte-hydravions qui sont à l’arrêt pour récupérer les appareils lancés plus tôt et les pétroliers plus lents. Les Japonais ne voient rien venir et ne comprennent qu’ils sont attaqués que lorsque Genyo Maru est détruit par deux torpilles du Darter. Les escorteurs et destroyers tentent alors de localiser l’assaillant, mais le Seiyo Maru est victime d’une torpille du Dace. À 2 h 52, le Darter est localisé et subit un grenadage imprécis qui l’endommage, pendant ce temps deux de ses torpilles frappent le porte-hydravion Nisshin qui explose et ne laisse que onze survivants. Le Darter quitte la zone des combats. Le Dace profite de la confusion pour tirer des torpilles supplémentaires, mais les Japonais esquivent. Trois minutes plus tard, le Dace à un angle de tir parfait sur le Zuikaku et tire une torpille. Le Destroyer Hamakaze se sacrifie pour protéger le porte-avions en se plaçant sur la trajectoire. Les dommages sont trop sévères et le destroyer est évacué avant d’être sabordé. Le Dace plonge alors à sa profondeur maximale et parvient à quitter la zone des combats. Les dégâts sur le Darter étant trop grave il sera évacué et sabordé dans la journée du 5 janvier.
Les sous-marins japonais tentent aussi leur chance, l’I-47 et l’I-54 attaquent la flotte américaine à plusieurs reprises entre 2 h 30 et 4 h du matin. Ils ne parviennent pas à passer l’écran de destroyers et finissent par succomber au grenadage intensif. Aucun navire américain n’est détruit dans cette tentative.
USS Iowa, la malédiction de la tourelle n° 2 |
Une enquête révèle rapidement que l’explosion de la tourelle n° 2 est due à une surcharge de poudre à canon et non à un impact d’obus. Cette explosion met la tourelle hors service et tue 75 marins. Le 19 avril 1989 près de Porto Rico, la tourelle n° 2 est à nouveau victime d’une explosion et 47 marins sont tués. La première enquête conclut que l’explosion a été déclenchée délibérément. Des rumeurs et témoignages disent qu’elle a été déclenchée par Clayton Hartwing (mort dans l’explosion) suicidaire après la fin de sa prétendue relation homosexuelle avec un autre marin, Kendall Truitt. Toutefois, dans son rapport la Navy conclut qu’il n’y a aucune preuve de l’homosexualité d’Hartwing, mais qu’il était bel et bien suicidaire et avait causé l’explosion à l’aide d’un détonateur électronique ou chimique. Les conclusions de l’US Navy sont fortement critiquées par les familles de victimes et le Congrès. Les laboratoires Sandia sont associés à une nouvelle enquête. En 1991, le rapport final d’enquête de Sandia conclut que l’explosion a très probablement été causée par une surcharge accidentelle de sacs de poudre dans la culasse du canon. L’US Navy n’est cependant pas d’accord avec les conclusions de Sandia et conclut que les causes de l’explosion sont « indéterminées ». |
5 janvier, les derniers combats
La Flotte Combinée navigue au Sud-ouest pour passer entre Rota et Guam. Yamamoto s’attend à un raid massif des Américains, ainsi il ordonne aux appareils restant des porte-avions et ceux basés à Guam de couvrir la flotte. Pendant ce temps, les appareils basés à Saipan et les appareils des porte-avions qui se sont réfugiés là-bas vont chercher et attaquer la flotte américaine.
Dès 4 h 30, les hydravions japonais décollent pour chercher la flotte ennemie. À partir de 5 h 30, une première vague se tient prête à décoller, elle est constituée des appareils qui n’ont pu regagner leur porte-avions le soir précédent.
À partir de 6 h, les porte-avions américains font décoller leurs avions en vue d’une attaque sur Saipan. Les nombreux chasseurs des porte-avions légers et porte-avions d’escortes vont assurer la couverture de la flotte. Trois formations d’une trentaine d’appareils se lancent dans la recherche offensive de la flotte japonaise. Les pilotes ont pour ordre de trouver la flotte, transmettre sa position et attaquer les navires.
À 7 h 25, un hydravion japonais repère la flotte américaine. Il parvient à transmettre la position, mais finit par être abattu par les F6F américains. 219 appareils japonais décollent, ils attendent d’être regroupés avant de se diriger vers la flotte américaine. Le raid se met en route aux alentours de 8 h 5.
À 7 h 45, Saipan est sous les bombes. Les appareils américains très occupés par les défenseurs ne peuvent pas attaquer la force de raid japonaise qui vient de décoller. Ils signalent à leur flotte qu’un raid est en route. Cet évènement leur permet de localiser des pistes d’envol qui étaient passées inaperçues. Pendant une heure, près de 500 avions vont se déchaîner contre la forteresse de Saipan qui est défendu par environ 300 chasseurs. À la fin du raid, les pistes d’Aslito et Panader et les petites installations portuaires de Garapan sont fortement endommagées ; l’hydrobase et six hydravions ont été détruits. Les positions antiaériennes autour de ces lieux ont été pour la plupart détruites ou endommagées. En revanche, les positions plus fortifiées — comme la forteresse du mont Tapochao — sont quasiment intactes. Dans les airs, les Américains ont encore l’avantage, ils n’ont perdu que 37 appareils contre 99 pour les Japonais.
Entre-temps, une patrouille américaine trouve le cuirassé antiaérien Ise qui escorte le croiseur Kumano endommagé la nuit précédente. Les navires naviguent à 10 nœuds et sont des proies faciles. À 8 h 10, trente appareils passent à l’attaque (16 Wildcats équipés de bombes, 8 Helldiver et 6 Avenger équipés de torpilles), le Kumano déjà endommagé est le premier touché et reçoit quatre bombes. Le croiseur s’immobilise et l’Ise commence à décrire des cercles autour pour tenter de le protéger. Les Américains pensent que le Kumano est en train de couler et se lancent donc à l’attaque de l’Ise. Les premiers à faire mouche sont les Hellcat et Helldiver qui touche le cuirassé avec six bombes et trois near-miss. À 8 h 31, quatre torpilles larguées par des Avenger font mouche et l’Ise prend rapidement du gîte sur bâbord tout en s’enfonçant dans l’océan. Les pilotes américains s’éloignent avec un seul appareil perdu et transmettent le message suivant « un cuirassé et un croiseur localisés et coulés ». Pourtant, l’équipage du Kumano parvient à maîtriser les incendies et stopper les voies d’eau. Le navire est très bas sur l’eau et ne peut donner que 5 nœuds. Il quitte la zone après avoir repêché les survivants de l’Ise.
À 9 h 10, la première vague d’attaque japonaise se rue sur les navires américains, mais ces derniers sont défendus par plus 300 chasseurs. Les Japonais se font tailler en pièce, mais à nouveau ils slaloment entre les navires américains et provoquent des tirs amis. Malgré la puissance écrasante de la défense américaine, plusieurs appareils parviennent à attaquer les navires. À 9 h 17, le porte-avions d’escorte St. Lo est touché par deux bombes larguées par des D4Y dont l’un s’écrase sur le pont du navire. L’une des bombes traverse le pont et explose dans le hangar alors que des avions sont en train d’y être ravitaillés et armés. Un incendie se propage et à 9 h 21 le porte-avions est achevé par six explosions secondaires. Le St. Lo coule à 9 h 51 emportant 131 vies.
À 9 h 17, trois bombardiers en piqué se jettent sur l’USS Princeton. Deux bombes touchent le pont d’envol. La première traverse les deux premiers ponts avant d’exploser, la deuxième bombe explose sous le pont d’envol. Le troisième bombardier rate sa cible de peu, mais la bombe explose sous le gouvernail du porte-avions qui ne peut plus manœuvrer. Illuminé par les flammes et les explosions secondaires, le porte-avions devient la cible de trois B6N Tenzan qui mettent leurs torpilles à l’eau. Deux touchent la cible et la troisième la rate de peu, mais l’un des bombardiers est endommagé par un tir antiaérien et s’encastre dans l’îlot du porte-avions. Le Princeton est évacué en urgence alors que la soute de carburant s’enflamme, malheureusement les évènements s’enchainent trop vite et la soute à munitions explose à 9 h 36 pulvérisant le navire. Les aviateurs japonais se replient à 9 h 57 pour regagner les porte-avions. Sur les 219 appareils partis le matin, seulement 70 ont survécu au raid.
Entre temps, deux groupes de trente appareils américains ont trouvé la flotte japonaise et attaque à 9 h 12 après avoir transmis la position de l’ennemi. Une centaine d’appareils japonais défendent la flotte et une centaine d’autres arrive depuis Guam, mais les chasseurs américains sont supérieurs à leurs adversaires. Ils ouvrent la route aux Helldiver et Avenger qui se lancent dans une attaque qui devra être courte et intense du fait de l’infériorité numérique. Le porte-hydravions Akitsushima est touché par une torpille sur chaque flanc, le navire se brise immédiatement en deux et commence à couler, il ne lui faudra que douze minutes pour disparaître. Le raid se termine rapidement à 9 h 25, le croiseur léger Tama a été détruit par une torpille et deux bombes, la dernière victime est le destroyer Tanikaze qui a reçu six bombes. Les pertes américaines sont incroyablement faibles avec seulement trois avions détruits et six endommagés.
À 10 h 31, un D3A — probablement égaré — surgit des nuages et plonge sur l’USS Franklin. Il largue trois bombes alors que les navires surpris ne répliquent pas immédiatement. Deux bombes frappent en plein milieu du pont d’envol du porte-avions. La première traverse jusqu’au hangar ou son explosion détruit des avions et déclenche un incendie. La deuxième bombe traverse trois ponts et détruit le Centre d’Information et de Combat ainsi que le contrôle radar. Au moment de l’impact, une trentaine d’avions était présente sur le pont d’envol et une vingtaine d’autres étaient dans le hangar pour être approvisionné en carburant et munitions. L’incendie fait rapidement exploser le carburant des avions, puis leurs munitions. L’explosion des vapeurs d’essence détruit le premier pont. C’est ensuite les avions sur le pont d’envol qui s’enflamment et explosent. Le Franklin prend 15° de gîte et s’enfonce dans l’eau. Les communications sont détruites, les flammes enveloppent littéralement le porte-avions. De nombreux hommes sont tués, brûlés ou blessés ; pourtant beaucoup d’officiers et de marins restent à bord pour sauver le navire. Plus de 800 membres de l’équipage du Franklin perdent la vie. Le croiseur léger Santa Fe et plusieurs destroyers se portent au secours des blessés. Deux porte-avions d’escortes sont attachés à la protection de l’opération de sauvetage du Franklin.
Alors que les combats se déroulent, l’Amiral Yamamoto reçoit enfin des nouvelles des évènements à Tōkyō. Le message est parcellaire « Nouveau gouvernement civil en place – Annonce de l’Empereur à venir – Ambassades des pays neutres informées – Communication avec les Américains souhaitable ». Lorsque les assaillants américains s’éloignent, Yamamoto fait transmettre le message au reste des forces de l’opération Ketsugō. Il demande aux forces d’attaques de faire demi-tour et à tous les chasseurs de décoller pour défendre les bases et les navires japonais. Le message est transmis en clair pour que les Américains puissent le capter facilement.
Un message est alors enregistré en japonais et anglais par un officier radio du Ōyodo. Du côté américain, un raid aérien qui venait d’être détecté fait demi-tour, c’est l’incompréhension.
À partir de 10 h 45, le message préenregistré est diffusé en clair sur toutes les fréquences « Message de l’Amiral Isoroku Yamamoto à l’attention de la flotte américaine : Nous cessons le combat. Le gouvernement militaire à Tōkyō a été renversé. Un nouveau gouvernement civil a transmis une demande de pourparlers de paix via les ambassades des pays neutres. Notre aviation va se contenter de défendre nos positions en attendant une réponse de votre gouvernement. Nous cessons nos attaques jusqu’à nouvel ordre et vous invitons à en faire autant ». Halsey n’en croit pas ses oreilles et transmet une copie du message à Pearl Harbor pour l’Amiral Nimitz. Les chasseurs américains restent eux aussi en position défensive, mais Halsey ne répond pas au message de Yamamoto.
À 12 h, Halsey reçoit une réponse de Nimitz « Information confirmée par les affaires étrangères. Stand-by, stand-by ». Ce n’est qu’à 16 h que Halsey reçoit l’ordre d’accorder un cessez-le-feu de 24 heures aux Japonais. Il transmet le message suivant « Message de l’Amiral William Halsey à l’attention de l’Amiral Yamamoto : le gouvernement américain vous accorde un cessez-le-feu de 24 heures ».
Les deux amiraux ne le savent pas encore, mais la Guerre du Pacifique est terminée.
Bilan et conséquences :
Le bilan de cette bataille est très lourd du fait de l’acharnement de Yamamoto et Halsey. Les deux forces se sont rendues coup pour coup pendant deux jours.
Les Japonais ont perdu 29 navires et au moins 1684 avions. Les Américains ont perdu 31 navires et 614 appareils. Dans les deux camps de nombreux navires sont endommagés ou hors de combat.
Le bilan humain de cette seule bataille est quasiment équivalent à celui des batailles de Pearl Harbor et Midway combinés. Les Américains comptent 1413 morts et 2533 blessés parmi leurs marins et leurs pilotes. Du côté japonais, 2753 morts et 1847 blessés sont à déplorer. Les pertes sont essentiellement à compter dans les rangs de la Marine puisque seuls 73 personnels de l’Armée ont été tués dans les assauts américains contre Saipan. Dans les deux camps, le nombre de morts inclus aussi les disparus dont a jamais repêcher ou retrouver les dépouilles.
Le 21 janvier, une trêve d’une semaine est signée à Saipan, Halsey représente les États-Unis et Yamamoto le Japon. On assistera à plusieurs scènes qui étaient encore impensables quelques jours plus tôt. Yamamoto autorise les Américains à installer leurs blessés à Guam alors que les deux flottes mouillent une partie de leurs navires ensemble au large de Saipan.

Après avoir visité les fortifications de Saipan, Halsey déclarera « Il aurait fallu bombarder ce rocher pendant 100 ans pour en venir à bout ».
Dans la culture populaire :
Le choc des titans : Série nippo-américaine de 4 épisodes d’une heure retraçant l’ensemble de la bataille. La série est produite par Steven Spielberg, Tom Hanks et la NHK.
Nimitz, retour vers l’enfer : Film américain de science-fiction réalisé par Don Taylor, sorti en 1980. Le roman homonyme de Martin Caidin, paru en 1980, est une novélisation du scénario du film, lui-même inspiré du roman Les Guerriers de l’apocalypse (Sengoku jieitai) de Kōsei Saitō (1979). En 1980 au cours d’une mission de routine dans le Pacifique, le porte-avions nucléaire USS Nimitz est pris dans une tempête électromagnétique. Peu après, le bâtiment capte sur la radio des émissions datant de 1944 et se retrouve en pleine Bataille des Mariannes.
L’explosion du Mutsu, première coopération nippo-américaine |
Le 8 janvier 1944, alors qu’il mouille au large de Saipan le cuirassé japonais Mutsu est victime d’une terrible explosion dans la soute à munitions n° 3. Les raisons de l’explosion n’ont jamais été éclaircies. L’explosion est si puissante, qu’elle déchire la poupe du navire à partir de la tourelle n° 3 provoquant une énorme voie d’eau dans la salle des chaudières et la salle des machines. Les 76 mètres de la section avant gîtent rapidement sur bâbord et coule presque instantanément tuant environs 800 marins et officiers. La poupe se retourne et flotte encore une douzaine d’heures avant de sombrer. Les navires américains et japonais à proximité se portent immédiatement au secours des marins et repêchent 530 survivants. Les Japonais furent impressionnés et touchés par l’aide des Américains alors qu’ils étaient encore en guerre trois jours auparavant. |
[1] Unité du génie de l’US Navy. Leur surnom étant la prononciation à l’américaine des initiales de ces bataillons, CB pour Construction Battalions.
[2] OTL le Chitose et le Chiyoda sont utilisés comme porte-avions d’entraînement et comme transports d’avions.
[3] OTL le Chihaya (jumeau du Akitsushima) n’a jamais été terminé.
[4] Yap est une île de Micronésie passée sous mandat japonais à la fin de la Première Guerre mondiale.
[5] Ulithi est un atoll de Micronésie faisant partie de l’archipel des Carolines tout comme Yap.
[6] L’ordre « Turn on the lights » est resté célèbre depuis.
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