Le Führer est mort

Extrait de « Zugzwang : L’Allemagne échec et mat » — August Clauswitz — Autoédition.

« Der Führer ist tot. »

La question se posera toujours de savoir à quel point l’assassinat d’Hitler a changé le cours de la guerre en Europe. Aujourd’hui encore, l’histoire reste marquée par le régime nazi. Un régime qui ne sera resté pourtant que onze ans au pouvoir.

Et pourtant ce régime a été balayé en 24 heures. Le principal problème pour l’opération Walkyrie était les SS, mais ils étaient au moins aussi loyaux à leur pays qu’au parti nazi. Ainsi, alors que la plupart des casernes SS étaient cernées par la Wehrmacht, il n’y eut presque aucun incident violent. Lorsqu’on expliqua aux soldats SS que le Führer avait été tué par un complot fomenté par Himmler, Goebbels et Goering, beaucoup furent secoués, mais tous étaient déterminés à se battre pour leur pays. Ainsi, la très grande majorité des unités SS furent placées sous l’autorité de la Wehrmacht sans aucun problème majeur. Quelques échauffourées éclateront tout de même du 20 au 22 juillet, principalement dans Berlin et ses environs. Et Karl Goerdeler fut même blessé dans un attentat commis par des nazis le 2 août.

Le 21 juillet à 8 heures du matin, les Allemands apprirent la nouvelle à la radio via un message diffusé en boucle : « Le Führer, Adolf Hitler, est mort. Une bombe a explosé dans QG de Rastenburg. Adolf Hitler, ainsi que toutes les personnes présentes ont été tués. Cet acte a été perpétré par les leaders du parti nazi. Ne paniquez pas. La situation est maintenant sous contrôle du gouvernement provisoire du Général Beck. »

Le Foreign Office à Londres reçut presque immédiatement la nouvelle et Anthony Eden se précipita pour annoncer la nouvelle à Churchill. À Washington, Roosevelt fut rapidement informé par Cordell Hull. Churchill comme Roosevelt étaient sceptiques et réclamaient des preuves. Le message radio diffusé n’était pas suffisant.

La preuve arriva le 22 juillet lorsque le Général Beck s’adressa, en tant que « Président du Gouvernement provisoire de la République allemande » au peuple allemand à la radio. Beck indiqua que la plupart des membres du parti nazi impliqué dans la mort d’Hitler avaient été arrêtés. Goebbels s’était donné la mort, Goering avait été arrêté et placé en isolement, mais Himmler, Ribbentrop et Eichmann étaient encore dans la nature. Ribbentrop se rendra de son plein gré le 24 juillet, Himmler sera arrêté le 2 août alors qu’il était littéralement caché sous son lit dans un hôtel miteux de la banlieue de Berlin, Eichmann est arrêté dans les Alpes autrichiennes peu après.

Après ce message, il devint évident pour les alliés qu’Hitler était vraiment mort. Pour Churchill, cela ne changea pas grand-chose, le 23 juillet il déclara que le gouvernement Beck serait traité comme le gouvernement précédent et que seule une reddition sans condition serait acceptable. Roosevelt fut un peu plus prudent et demanda à Cordell Hull de « tâter le terrain »[1] discrètement pour savoir s’il y avait « une chance de discuter avec de gens raisonnables ». Staline pour sa part était du même avis que Churchill d’autant plus que son pays avait payé le plus lourd tribut face à l’agression allemande. Le peuple soviétique avait besoin d’une revanche, voire d’une vengeance. De plus, Staline se sentait lésé par la tournure qu’avait pris la guerre en Asie. Ce conflit s’était terminé sans que l’URSS puisse y prendre part. Or l’URSS espérait récupérer la Mandchourie et la Corée. Il ne comptait pas être privé d’une revanche et de gain territoriaux en Europe, il voulait Berlin.

Des funérailles en grande pompe, pourtant le mystère demeure.

Soucieux de préserver leur image de sauveurs, les conjurés du 20 juillet organisèrent des funérailles nationales pour l’homme qu’ils avaient tué. Le gouvernement Beck jugea vraisemblablement qu’enterrer Hitler à Berlin serait « encombrant ». Ils songèrent alors à l’enterrer dans son village natal près de Salzbourg en Autriche, mais il était de notoriété publique — puisqu’il l’avait écrit dans Mein Kampf — qu’il se sentait allemand et non autrichien. Surtout, Munich était « sa ville de cœur ». Le 27 juillet 1944, la procession funéraire traversa Berlin, encadré par la Wehrmacht avant de rejoindre l’aérodrome de Postdam. De là, le cercueil fut transporté par avion jusqu’à Munich. Un nouveau cortège funéraire — toujours encadré par la Wehrmacht — accompagna la dépouille du Führer jusqu’à un mausolée qui fut dressé en un temps record. Selon les estimations, 2 à 5 millions d’Allemands furent présents sur le parcours des deux cortèges funéraires.

Le cercueil d’Hitler porté par des soldats à la sortie de l’aérodrome de Munich avant d’être chargé sur un attelage.


Pourtant, encore aujourd’hui, le mystère demeure concernant la dépouille d’Hitler. Tout d’abord, personne n’a jamais été en mesure de dire si oui ou non, il restait assez d’éléments de la dépouille pour en disposer dans le cercueil. Ensuite, alors que les troupes alliées s’apprêtaient à entrer dans Munich, le cercueil fut brûlé sur un bûcher par un groupe d’inconnu. Des commandos soviétiques du SMERCH[2] furent parachutés sur la ville en pleine nuit afin de s’emparer de la dépouille de l’ennemi juré de Staline. Ce sont ces commandos qui vont découvrir le bûcher.

Photographie prise par les SMERSH.


Les restes furent emportés à Moscou. On en apprend l’existence qu’après la dissolution de l’URSS. Le 26 avril 2000, la partie supérieure du crâne attribué au dictateur devient l’une des curiosités de l’exposition organisée par le Service fédéral des archives russes, marquant le cinquante-cinquième anniversaire de la fin de la guerre. Mais, en 2009, à la demande de la chaîne de télévision History qui réalisait un documentaire intitulé Hitler’s Escape, traitant de l’hypothèse de la fuite du dictateur, l’Américain Nick Bellantoni découvre que le crâne que l’on attribuait à Hitler était en réalité celui d’une jeune femme. Des tests ADN réalisés aux États-Unis sur les échantillons ramenés par l’archéologue confirment ses dires. Ce coup de théâtre relance les théories affirmant qu’Hitler a pu survivre à l’attentat et la chute du Reich. L’historien Antony Beevor regrette ces polémiques, qu’il juge sensationnalistes, rappelant que la dentition, avec son bridge caractéristique, a été formellement reconnue en juin 1945 par Käthe Heusermann, assistante du dentiste d’Hitler, et son technicien Fritz Echtmann ainsi que par les archives du cabinet. Le journaliste britannique Gerrard Williams rappelle qu’il n’existe à ce jour aucune expertise médico-légale, publique et non soviétique attestant qu’il s’agit bien des restes d’Hitler.

Enfin, il y a les rumeurs et les théories du complot, toutes aussi invraisemblables les unes que les autres :

  • Hitler aurait survécu et fuit en Amérique du Sud.
  • L’attentat du 20 juillet serait en fait une opération soviétique pour enlever Hitler, les conjurés n’auraient fait qu’exploiter et maquiller la situation.

La théorie de la fuite d’Hitler est la plus alimentée et de nouvelles « preuves » sont révélées régulièrement. Le seul élément probant sur le sujet est la disparition inexpliquée de la compagne d’Hitler, Eva Braun. Cette dernière n’a jamais été revue depuis le 20 juillet 1944. Elle s’est littéralement volatilisée sans laisser la moindre trace.


[1] « Test the water » en anglais.

[2] SMERSH, qui signifie « Mort aux espions ! », était le nom utilisé pour désigner les départements de contre-espionnage de l’armée soviétique durant la Seconde Guerre mondiale. Cette organisation était chargée d’éliminer les traîtres, déserteurs, espions et éléments criminels de l’Armée rouge. L’organisation fut chargée de retrouver Hitler mort ou vif à la fin de la guerre, puis fut dissoute en 1946.

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