Extraits du site panzerpedia.com.
Si la Seconde Guerre mondiale est un conflit qu’on associe avant tout au carnage, c’est aussi un conflit qui, par une nécessité mortifère, a permis de nombreux progrès technologiques. Si on pense de prime abord aux radars, aux fusées, aux avions à réaction ou à l’arme nucléaire il ne faut pas oublier un progrès moins connu du public qui s’avère tout aussi important : la technologie infrarouge. Si l’URSS et les USA ont étudié cette technologie, seule l’Allemagne l’a déployé au combat.
Les dispositifs infrarouges de Wehrmacht
Suite au Traité de Versailles et la réduction drastiques de ses effectifs, la Reichsweer s’active à forger une armée d’excellence, surentrainée, capable de combattre dans n’importe quelles conditions, y compris la nuit. Ainsi, dès les années 1930, des firmes allemandes planchent sur des systèmes de vision devant permettre le combat nocturne. Le premier système est le « Braunsche Röhre » d’AEG[1] en 1934. L’appareil permet de convertir la lueur infrarouge en lueur visible par l’homme. Cela se passe à la même époque que l’arrivée d’Heinz Guderian au Commandement des troupes blindées[2]. S’appuyant sur quinze ans d’expérience au contact des troupes motorisées, Guderian met l’accent sur la nécessité de pouvoir livrer des combats nocturnes pour livrer un « Blitzkrieg » ininterrompu.
À partir de 1936, l’invention d’AEG ayant suscité quelques intérêts dans la Wehrmacht, l’office de l’Armement de la Heer[3], entame une collaboration avec l’entreprise pour développer un système devant permettre de conduire, observer et acquérir des cibles en combat nocturne.
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Le système consiste en un projecteur, l’Infrarot-Scheinwerfer, émettant un faisceau infrarouge et un convertisseur d’image, le Bildwandler ou Biwa. Ce tandem sera celui utilisé par tous les systèmes de la Heer. Le projecteur est muni d’un filtre émettant une lumière infrarouge, il est relié au Biwa qui transforme la lueur infrarouge en lumière visible. L’infrarouge, invisible à l’œil nu est réfléchi par la cible, le tube cathodique « Braunsche Röhre » du Biwa convertit l’image. Le Biwa est alimenté par un transformateur haute-tension HS 5F fournissant 17 000 volts et permettant d’alimenter plusieurs Biwa en même temps. La taille et la capacité de l’Infrarot-Scheinwerfer et du Biwa dépendent alors des besoins opérationnels.
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Il faut toutefois attendre 1942, pour que le système soit suffisant compact et performant. Le Zielgerät ZG 1221 est alors monté sur un canon antichar 7,5 cm Pak 40 et permet de toucher une cible dans le noir complet à 400 mètres. Quelques mois plus tard, le ZG 1221 est expérimenté sur le chasseur de chars Marder II qui utilise, lui aussi, le canon Pak 40. Le pilote du blindé est équipé d’un Fahrgerât 1253 FG lui permettant de conduire dans le noir. Le FG 1253 offre une portée de 400 mètres, son projecteur de 20 cm est monté sur le garde-boue. Les essais sont concluants et à la mi-1943, le FG 1253 reçoit un projecteur de 30 cm en lieu et place du 20 cm. À partir de 1944, un nombre indéterminé de canons 7,5 cm Pak 40 se retrouve équipé de ZG 1221 lui aussi couplé au projecteur de 30 cm.
Cela tombe bien pour les Allemands puisque les Alliés ont acquis la supériorité aérienne, contraignant les Panzers à favoriser les déplacements nocturnes. Heinz Guderian conseil, dès février 1943, de livrer, autant que faire se peut, des combats nocturnes pour ne pas avoir à subir le harcèlement de l’aviation ennemie. À partir de mai 1943, 33 % des exercices d’entrainement et 25 % des munitions d’entrainement sont utilisés pour se préparer au combat nocturne. Guderian préconise que les systèmes de visions nocturnes soient adaptés aux chars Panther.
Les Nachtkampfpanther[4]
Les équipements de vision nocturne coutant particulièrement cher, il est prévu dans équiper uniquement le chef de char[5]. Le cahier des charges contient trois points importants : le dispositif doit permettre d’acquérir des cibles, permettre au chef de char de voir à 360° depuis son tourelleau, permettre au chef de char des donnez des instructions au pilote de l’engin. Les recherches aboutissent en 1944 à la mise au point d’un système associant un Biwa FG 1250 combiné à un projecteur de 20 cm. Le système est baptisé « Sperber » (épervier en français) et cette première version reçoit la désignation « Lösung A » (Solution A). Construit par les sociétés ZEG et Leitz, le système est, comme prévu, monté sur le tourelleau du chef de char en lieu et place du support de mitrailleuse antiaérienne MG-34. Soudé sur l’arceau intérieur, le dispositif pivote à 360°, mais doit être démonté, car l’urgence de la situation sur le front fait que l’intégration reste sommaire. Ainsi, en journée, le « Sperber » est stocké dans l’habitacle du char aux dépens d’un râtelier vertical contenant trois obus.
En opération, le chef de char utilise le « Sperber » pour guider le pilote, qui dans le meilleur des cas, a une visibilité d’environ 100 mètres. Afin d’éviter les problèmes d’appréciation des distances, le grossissement de lunette FG 1250 est limité à x1.2, mais ce type de manœuvre nécessite un entrainement rigoureux.
Au combat, tandis que le Nachtkampfpanther avance, le chef de char scrute le terrain à la recherche d’une cible. Une fois cette dernière repérée, le chef de char transmet les instructions au tireur[6] via l’intercom, ou des petites des tapes sur l’épaule. Le tireur est ainsi informé de la direction à pointer, car la lunette FG 1250 est fixée sur une tablette qui point précisément dans la même direction du canon. Le chef de char évalue alors la distance de la cible et transmet les hausses en site et en azimut. Le tireur ne voit donc pas la cible sur laquelle il tire. Ce qu’il fait avec des obus spéciaux réduisant la lueur des départs de coups.
Malgré tout, le système « Sperber » des Nachtkampfpanther à ses faiblesses. Son Infrarot-Scheinwerfer de 20 cm offre une vision qui porte seulement à 400 mètres, il faut ainsi que l’obscurité soit totale ou presque, enfin, la météo doit être claire. Pluie et brouillard rendent le système inutile. Enfin, l’appareil est très fragile, en particulier le tube cathodique du Biwa.
Malgré tout, les évaluations du système sont lancées à la fin de l’année 1943 à l’école due au Commandement des troupes blindées[7] près d’Hanovre. Le système est adopté au mois d’août, et le 7 du mois le constructeur du char reçoit l’ordre de monter le FG 1250 « Sperber » sur les Panther ausf. G. Dans cette commande, 50 engins sont équipés en septembre, 70 en octobre, 80 en novembre et 100 en décembre. Au mois d’octobre, une commande supplémentaire est passée pour équiper les 120 premiers Panzers V ausf. F sortant d’usine. À partir de janvier 1945, tous les Panther ausf. G et ausf. F sortant d’usine sont censés être équipé du « Sperber ».

Enfin, comme nous le verrons plus loin, les Nachtkampfpanther seront accompagnés au combat par d’autres véhicules équipés de « Sperber ».
Le Panzer V ausf. F
Dès 1943, les Allemands cherchent à concevoir une nouvelle tourelle pour le Panzerkampfwagen V Panther. La tourelle conçue par Rheinmetall dont le Panther était équipé était considérée comme une conception inefficace présentant divers défauts. Un département de l’office de l’Armement de la Heer chargé de concevoir et de tester les véhicules blindés pensait vraisemblablement que Rheinmetall pouvait se racheter en dessinant une nouvelle tourelle. Il est exigé qu’elle ait une surface frontale visible plus petite, l’élimination ou la réduction du « piège à balles[8] » du mantelet de la tourelle Panther originale, l’augmentation de la protection du blindage et le montage interne d’un télémètre stéréoscopique, tout en ne pesant pas plus que la tourelle Panther originale.
L’office de l’Armement n’est pas satisfait de la nouvelle conception de Rheinmetall pour des raisons dont on a perdu la trace, et confie, au printemps 1944, la responsabilité à Daimler-Benz de concevoir une nouvelle tourelle. L’office de l’Armement transmet une nouvelle série d’exigences, dont la plupart sont les mêmes que celles de l’original. Les exceptions étant le remplacement de la MG34 coaxial par la MG42, la réduction des coûts de production, la capacité à être rapidement converti en version char de commandement du Panther et la capacité à utiliser un équipement de vision nocturne infrarouge. La conception de Daimler-Benz pesait 100 kg de moins que la tourelle Panther originale (soit 7565 kg) et réduisait la surface du blindage frontal sans affecter l’espace interne de l’équipage. Elle aurait également théoriquement permis de réduire le temps de production d’environ 30 à 40 %.
En août 1944, après le changement de gouvernement, pour économiser du temps sur les modifications de chaine de montage, le Commandement des troupes blindées revint en arrière sur les modifications de la tourelle, revenant à peu de chose près au design de celle du Panther ausf. G à l’exception du mantelet conçu pour réduire les ricochets et du déplacement de certaines trappes sur l’arrière de la tourelle, moins exposé en situation de combat. Si le remplacement de la MG-34 coaxiale par la MG-42 et la capacité à utiliser un équipement de vision nocturne infrarouge est maintenu, un nouveau canon principal doit être utilisé et le télémètre stéréoscopique E.M.1.32 m, en cours de développement, est abandonné. Le nouveau canon à concevoir, de préférence sur la base d’un modèle existant, devait permettre d’engager des cibles ennemies d’encore plus loin avec encore plus de précision.
C’est ainsi que le canon 7,5 cm Kw.K. L/100, plus long que le 7,5 cm Kw.K. 42 L/70 et sans frein de bouche, vois le jour. Il offre une meilleure précision, une portée plus longue et une bien meilleure pénétration. Le L/100 permet de tirer jusqu’à 8 coups par minute, de toucher une cible à 2,2 km en tir direct et 10,8 km en tir indirect.
Comme pour Panther ausf. G, l’incorporation d’un stockage pour l’emport du « Sperber » réduit la dotation d’obus qui passe de 79 à 76 ; un cache-flamme est monté sur les pots d’échappement. Dans le but d’augmenter la survivabilité de l’engin, des pots lance-fumigènes sont montés de série, à raison de trois sur chaque côté de la tourelle. Enfin, pour augmenter la mobilité de l’engin, la motorisation est assurée par un Maybach HL 230 TRM P30 développant 600 chevaux qui permet au Panther ausf. F d’atteindre 46 km/h en condition optimale. Un réservoir de 700 litres de carburant lui donne une autonomie de 200 km sur route et de 100 km tout-terrain. Pour la communication le « Panther II » reçoit des radios Fug 8 et Fug 5 avec antenne de 2 mètres, mais les versions de commandement sont équipées de Fug 12 avec antenne de 8 mètres.
Cette nouvelle version à l’avantage théorique de pouvoir être mise en production très rapidement sans avoir à modifier lourdement la chaine de montage des tourelles et en apportant des modifications mineures à celle de la caisse. Si la tourelle de Daimlez Benz augmentait grandement la survivabilité, la version MAN compte sur une mobilité accrue, la capacité à engager des cibles à plus longue distance et combattre de nuit. En effet, le Panther ausf. F est prévu pour deux emplois principaux, le combat à longue distance de jour face à des chars plus nombreux, mais en engagé de plus loin, ou l’accompagnement des Panther ausf. G au combat nocturne au sein d’un Nachtkampfgruupe.
Si le Panther ausf. F est en tout point supérieur à l’ausf. G il a néanmoins une faiblesse qui se révélera plus vite que prévu : l’usure de son canon. Plus long, sans frein de bouche, il permet, comme prévu, de tirer plus loin et plus précisément. Toutefois l’intensité des combats pour la sauvegarde l’Allemagne fait que la cadence de tir à soutenir est bien plus élevée que prévu et provoque une usure prématurée du tube. Ainsi, certains chars se retrouvent hors de combat après plusieurs semaines de campagne faute de canon de remplacement disponible. Cela est en partie dû aux bombardements alliés qui maltraitent la logistique et détruisent les usines allemandes. De plus, une seule ligne de production, tant pour les canons que les tourelles et les caisses est modifiée pour produire l’ausf. F.

Le « Panther II » ne sera jamais endivisionné, car produit en trop peu d’exemplaires. Seuls 272 chars sur les 1200 commandés sortiront d’usine.
À la fin de la guerre, le Japon parviendra notamment à se procurer un exemplaire de l’ausf. F par des moyens restés inconnus. Le char servira de base au premier char « moyen » japonais d’après-guerres, le Type 46 Hyō.
Le Sd.Kfz. 251/20 Ausf.D « Uhu »
La portée efficace des « Sperber » montés sur le Panther étant limitée à 400 mètres, le projet « Uhu » (Hibou en français) est mis sur les rails en 1944. Il s’agit de Sd.Kfz. 251/20 Ausf.D Infrarotschenwerfer « Uhu » dont le rôle est de servir de projecteur infrarouge à longue portée au service des Panzers. Dès février 1944, six transports de troupes de Sd.Kfz. 251 sont modifiés, puis 20 autre en avril et mai. Les engins reçoivent un projecteur infrarouge de 20 cm couplés à la lunette FG 1252 pour le conducteur, une mitrailleuse et MG-42 et des pistolets-mitrailleurs MP-40 pour l’équipage et surtout un projecteur infrarouge de 60 cm. Ce dernier n’est rien de moins que celui qui est utilisé par les projecteurs de défense antiaérienne, il est couplé à un Beobachtungs Gerät BG 1251, un télémètre à coïncidence ayant un grossissement x10. Le système « Uhu » permet de voir dans le noir à une distance de 1500 mètres et est fixé au plancher du compartiment de combat, dont il dépasse largement vu ses dimensions. Heureusement, il peut être rabattu et bâché.

Comme les Nachtkampfpanther ausf. G et F, le « Uhu » est équipé de radios Fug 8 et Fug 5 lui permettant de communiquer aux chars les positions des cibles qu’il détecte avant eux puisque l’écart de portée entre le « Nachtkampfpanther » et le « Uhu » est tout de même de 900 mètres en faveur du dernier. Le « Uhu » guide alors, par radio, les Panther en direction de l’ennemi qu’ils engageront quand ils seront à portée de leurs propres viseurs infrarouges.
En août 1944, 600 exemplaires Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » sont commandés. La firme Wumag est alors supposée en livrer 35 par mois à partir d’octobre.
Le Sd.Kfz. 251/1 Ausf.D « Falke »
En plus d’éclairer la voie pour les chars, il faut aussi les accompagner au combat, rôle dévolu aux Panzergrenadiers. Ces derniers doivent, bien évidemment, être transportés aux contacts, et ce en pleine nuit. Le moyen le plus évident est d’équiper leurs transports de troupes de Sd.Kfz. 251 de FG 1252 pour le conducteur, mais il faut aussi couvrir leur débarquement et réembarquement ainsi que leur action au contact. Pour se faire une autre « variante nocturne » du Sd.Kfz. 251. Il s’agit du Sd.Kfz. 251/1 Ausf.D « Falke » (faucon en français), logiquement doté d’un FG 1252 pour le conducteur qui peut, théoriquement, rouler à 50 km/h transporte six Panzergrenadiers qui, en certaines occasions, sont eux-mêmes équipés pour le combat nocturne. L’appui-feu du « Falke » est assuré par une mitrailleuse MG-42 couplée à second 1252 FG, mais cette installation se fait au détriment du bouclier protégeant le tireur.

Les « Vampir » de la Heer
Comme expliqué plus haut, les Sd.Kfz. 251/1 Ausf.D « Falke » devait permettre le transport au contact et de nuit des Panzergrenadiers. Dans certains cas, ces derniers étaient équipés eux aussi pour le combat nocturne. L’équipement individuel était constitué d’un Sturmgewehr StG-44, les premiers fusils d’assaut, couplé au système de vision infrarouge « Vampir ». Ce dernier se compose d’une lunette de visée Biwa ZG 1229 couplée à un projecteur infrarouge de 10 cm. Le système est monté sur un rail soudé par point sur le côté droit du boitier de culasse du StG-44. À cela s’ajoutent les batteries de 30 volts, assurant une autonomie de 3 à 5 heures et transportées dans le paquetage dorsal du Landser au détriment du reste de son équipement. L’ensemble pèse 13,5 kg, dont 5,22 kg pour le StG-44, 2,25 kg pour le ZG 1229 « Vampir » et 6,03 kg pour les batteries. Un Panzergrenadier « Vampir » est ainsi capable de voir et engager une cible dans l’obscurité totale à une centaine de mètres.

Si le ZG 1229 « Vampir » est une addition bienvenue pour la composition des Nachtkampfgruupe, elle n’arrive que dans les tout derniers mois de la guerre à raison d’un total, bien maigre, de 310 exemplaires.
Composition et tactique du Nachtkampfgruupe
La composition théorique d’un Nachtkampfgruupe est la suivante :
- 2 Panzers V Nachtkampfpanther ausf. G ou F assurent la couverture à distance du groupe de combat
- 4 Panzer V Nachtkampfpanther ausf. G montent au contact de forces ennemies.
- 4 Sd.Kfz. 251/1 Ausf.D « Falke » assurent le transport et la couverture des Panzergrenadiers
- 4 Gruppe de 6 Panzergrenadiers transportés par les « Falke »
- 1 Sd.Kfz. 251/20 Ausf.D « Uhu » guidant les unités au contact
Les Nachtkampfgruupe ne se déplacent qu’entre le crépuscule et l’aube pour se cacher de l’aviation ennemie. La journée est mise à profit pour se camoufler, se reposer, se restaurer et assurer la maintenance du matériel.
Le Nachtkampfgruupe se met en route vers l’objectif au crépuscule et ne gagne sa position de combat qu’une fois que l’obscurité est « totale ». La paire de Nachtkampfpanther de couverture gagnent une position, si possible surélevée et camouflée, d’où ils assurent la couverture du reste Nachtkampfgruupe. Le 251/20 Ausf.D « Uhu », avec sa vision à 1500 mètres assurent la coordination du mouvement du Nachtkampfgruupe vers la cible. Le « Uhu » arrête alors sa progression à environ 1000 à 1200 mètres de la cible. Les 4 Nachtkampfpanther et les 4 « Falke » poursuivent leur progression jusqu’à entrer dans la « zone létale » des 400 mètres et se préparent à l’engagement. Les Panzergrenadiers débarquent pour assurer la couverture des Nachtkampfpanther ou partir l’assaut. Les Falke engagent les véhicules légers et l’infanterie ennemie pendant que les Nachtkampfpanther engagent les chars et les cibles retranchées.
Une fois que la zone d’engagement est illuminés par les explosions et incendies provoqués par les combats, les équipements « Sperber » deviennent inutiles, et les Nachtkampfpanther de couverture fournissent alors un appui à longue distance.
Si l’assaut du Nachtkampfgruupe ne permet de prendre les positions ennemies, il entame alors une retraite ordonnée avec l’aide des Nachtkampfpanther de couverture. Des unités au contact tirent plusieurs fusées éclairantes pour que les Nachtkampfpanther de couverture continuent de distinguer leurs cibles dans le lointain. Une fois dégagées, les Panzergrenadiers rembarquent dans les Falke qui se retirent avec les Nachtkampfpanther d’assaut puis le « Uhu ». Le Nachtkampfgruupe cesse le tir dès que possible pour se laisser à nouveau engloutir par l’obscurité et rompre le combat.
Si l’assaut du Nachtkampfgruupe permet de prendre les positions ennemies, il occupe la zone le temps que des unités « diurnes » arrivent pour prendre le relais avant l’aube puis se retire.
Les missions principalement assignées aux Nachtkampfgruupe sont l’assaut nocturne contre les villages aux mains de l’ennemi et l’attaque sur les colonnes de véhicules ennemis.
Les Nachtkampfgruupe au combat
Le nombre d’unités allemandes ayant incorporé des Nachtkampfgruupe est difficile à estimer avec précision. L’historien le mieux documenté sur le sujet semble être le bulgare Kamen Nevenkin[9]. Les premiers Nachtkampfgruupe sont déployés durant l’hiver 1944-1945, mais un nombre inconnu de « Sperber » est monté sur d’autres chars au sein d’autres unités moins spécialisées que les Nachtkampfgruupe. Certaines sources estiment que 800 à 1000 « Sperber » ont été déployé au combat par la Heer à partir de décembre 1944. S’il est évident que toutes les formations blindées ne pourront pas constituer des Nachtkampfgruupe, leur formation se poursuit inlassablement à Fallingbostel alors que d’autres unités sont simplement formées, au grès de circonstance, à l’utilisation du « Sperber » avant de repartir au front.
Le 26 juin 1944, l’OKH annonce que la 130. Panzer-Lehr Division sera la première Division à recevoir des « Sperber » et à incorporer des Nachtkampfgruupe. À ce moment-là, la Panzer-Lehr combat durement en Normandie alors que ces bataillons blindés sont en court de constitution en Allemagne. Les premiers éléments de la division reçoivent des « Sperber » fin juillet et commence à s’entrainer avec en septembre et octobre 1944. À partir de décembre les deux bataillons blindés commencent à constituer leurs premiers Nachtkampfgruupe alors que le reste de la division évacue la France après de lourdes pertes. Les premiers éléments blindés de la Panzer-Lehr à remonter en ligne sont deux régiments blindés qui partent pour les Pays-Bas ou le « Sperber » voit ses premiers combats nocturnes.
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Les tankistes de la Panzer Division Clausewitz sont les derniers formés, durant le mois de mars 1944. En plus de la constitution d’un Nachtkampfpanther, la Clausewitz équipe aussi un nombre indéterminé de Jagdpanther.
Selon certaines sources la 6. Panzer Division reçoit 32 Nachtkampfpanther et constitue cinq à six Nachtkampfgruupe entre le 11 novembre et le 2 décembre 1944. La division part pour la Hongrie deux jours plus tard. Certains vétérans allemands prétendent que des « Sperber » ont utilisé durant la bataille des Ardennes.
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Front de l’ouest :
- La 130. Panzer-Lehr Division a aligné jusqu’à neuf Nachtkampfgruupe durant la retraite des Pays-Bas et la campagne de la Rhur.
- La Panzer Division Clausewitz a aligné au moins un Nachtkampfgruupe en mars 1945.
- La Deutschland Grenadier Brigade[10] a aligné deux Nachtkampfgruupe après l’opération Wacht am Rhein afin d’aller combattre en Pologne.
Front de l’est :
- La 3. Panzer Division et la 6. Panzer Division auraient aligné jusqu’à six Nachtkampfgruupe chacune durant la campagne de Hongrie, notamment durant l’opération Wacht am Donau visant à la reconquête de Budapest.
- La 24. Panzer Division a aligné deux Nachtkampfgruupe durant ces opérations en Hongrie en Slovaquie.
- La Panzer Division Müncheberg assemblée près de Berlin en vue du Siège de Frankfort et du franchissement de l’Oder par l’Armée rouge comptait deux Nachtkampfgruupe.
- Le Kampfgruppe Ritter, assemblé près de Berlin en vue du Siège de Frankfort et du franchissement de l’Oder par l’Armée rouge comptait deux Nachtkampfgruupe lui valant le surnom de « Nachtkampfgruupe Ritter ».
- La Panzer Division Wiking[11] a aligné au moins un Nachtkampfgruupe en 1945 face à l’offensive Vistule-Oder.
- 19. Panzer-Division reçoit le renfort d’un Nachtkampfgruupe durant le Siège de Breslau.
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C’est sur le front de l’est, lors de l’opération Wacht am Donau, que les Nachtkampfgruupe connaissant leurs premiers engagements à combat durant l’opération visant à lever le siège de Budapest. Les Nachtkampfpanther de la 3. Panzer Division, par leur opération de harcèlement nocturne contre les unités soviétique, permettent aux unités « de jour » de percer temporairement l’encerclement le 18 janvier 1945. Dans les semaines qui suivent, c’est lors de la contre-offensive du lac Balaton que les Nachtkampfgruupe de la 3. Panzer Division et de la 6. Panzer Division s’illustrent à plusieurs reprise et signe certain des plus beaux succès de l’opération Frühlingserwachen.
En Pologne, la bataille de Katowtize, en Silésie, voit l’engagement de ce qui est peut-être le seul Nachtkampfnashorn, qui n’est autre qu’un chasseur de char Nashorn du Panzerjäger Abteilung 88 équipé d’un « Sperber » avec projecteur de 30 cm.
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Dans la nuit du 14 au 15 avril 1945, l’éphémère Panzer Division Clausewitz, dont l’unique Nachtkampfgruupe vient de rejoindre le front, attaque le village de Stadensen occupé la 46 th Brigade de la 15 th « Scottish » Infantry Division de l’Armée britannique. Le Nachtkampfgruupe déroule son attaque comme à l’entrainement. L’engagement, appuié par des unités non spécialisées, mais en partie équipées de « Sperber », contraint les « Scottish » à se replier à l’aube après avoir perdu 22 des leurs 40 véhicules. Si les Allemands perdent 4 véhicules, le Nachtkampfgruupe ne perd aucun véhicule.
Dans les jours qui suivent, la Clausewitz mène des combats de retardement dans la région de Wolfburg et le 21 avril et lancent une attaque nocturne contre la 5th US Armored Division afin de reprendre le pont sur le canal Weser-Elbe. Si un obus de 76 mm des positions antichars américaines neutralise un Nachtkampfpanther d’entrée de jeu, les premiers obus éclairants révèlent le reste du dispositif allemand qui déclenche un tir nourri et contraint les GI’s à quitter leur position. Alors que l’obscurité retombe, une poussée du Nachtkampfgruupe permet de détruire plusieurs véhicules américains avant que les Allemands ne se retirent en détruisant le pont.
[…]
Sur le front de l’Oder, plusieurs unités de circonstance sont montées afin de se préparer à recevoir l’offensive soviétique. Certaines d’entre elles reçoivent des équipements de vision nocturne voir des Nachtkampfgruupe tout droit sorties de Fallingbostel. C’est ainsi que sont créés la Panzer Division Müncheberg et le Kampfgruppe Ritter. Ce dernier est une unité qui se résume à deux Nachtkampfgruupe (d’où le surnom « Nachtkampfgruupe Ritter ») et la Müncheberg compte un seul Nachtkampfgruupe. Mais la particularité de ces unités est qu’elles alignent le « Nachtkampfgruupe du manuel » incluant des « Vampir », les Panzergrenadiers équipés de StG-44 et de viseur infrarouge ZG 1229. Toutefois, ces unités fraichement constituées n’arrivent au front qu’à partir de 22 avril 1945 dans l’attente d’un franchissement de l’Oder par l’Armée rouge aux abords Frankfort. Un franchissement qui n’arrivera jamais, puisque les Soviétiques franchissent le fleuve plus au sud et finissent par faire leur jonction avec les Alliés à Dresde, Torgau et Postdam la veille de la capitulation allemande.

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Il semble en tout cas évident que des mesures drastiques sont entreprises pour éviter que des « Sperber » ne tombe intacte aux mains de l’ennemi. Si nombreux soient les équipements qui ne survivent pas à l’âpreté des combats, un mécanicien allemand a confirmé le sabotage systématique des « Sperber » en cas d’abandon de char : « Une grenade à manche était fixée sur le Sperber. Une ficelle reliait le cordon détonnant du manche dévissé des grenades. Lorsque le char était abandonné, le dernier homme à quitter l’engin tirait la ficelle ce qui dégoupillait la grenade qui explosait quelques instants après. » Cela ne va pas empêcher les vainqueurs occidentaux et soviétiques d’étudier minutieusement les véhicules allemands dotés de systèmes de vision nocturne.
[1] Allgemeine Elektrizitäts-Gesellschaft.
[2] Kommando der Panzertruppen.
[3] Heereswaffenamt.
[4] Panther de combat de nuit.
[5] Bordführer.
[6] Richtschütze.
[7] Panzertruppenschule.
[8] Un piège à balles, shot trap en anglais est un défaut de conception des véhicules blindés. Il s’agit d’un endroit où un obus qui a touché, mais n’a pas pénétré peut ricocher de manière à atteindre une autre zone du véhicule où il est plus susceptible de causer des dommages.
[9] Auteur de plus d’une dizaine d’ouvrages sur les chars de la Seconde Guerre mondiale dont « Fire Brigades » et « Take Budapest! » dans notre continuum.
[10] Ex Führer Grenadier Brigade.
[11] Ex 5. SS-Panzerdivision Wiking, intégrée à la Heer après le Coup du 20 juillet.
Les deux principales sources utilisées pour ce chapitre sont l’article « Nachtjäger » du n° 31 du magazine « Batailles et Blindés » et l’article « Panzerkampfwagen Panther Ausf. F (Sd.Kfz .171) » du site « tanks-encyclopedia.com »
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