Götterdämmerung

Extraits de « Le Crépuscule des Dieux, Tome II : Le front de l’Est » — Krzysiek Świętomierz — Éditions Cletis.

Il est admis dans la culture populaire que l’Opération Bagration et les suivantes furent de véritables rouleaux compresseurs qui écrasèrent les troupes allemandes durant plusieurs mois. Pourtant lorsque l’on s’attarde un peu sur les détails on remarque quelques succès — plus ou moins importants — des troupes allemandes face aux troupes soviétiques.

Je commencerais par survoler ces opérations avant de les traiter plus en détail dans des chapitres dédiés. En lecture complémentaire je vous conseille les livres de Rupert Sigmund Eckbert de la série « Ostfront » aux Éditions Cletis qui retracent ces combats quasiment heure par heure.

[…]

Contre-attaque de Radzymin-Wołomin

La bataille de Radzymin-Wołomin est l’un des derniers combats entre le 1er Front biélorusse et le 39ème Panzerkorps durant l’offensive soviétique Lublin-Brest. Les combats se sont déroulés du 1er au 10 août 1944 à l’est de Varsovie entre Radzymin et Wołomin.

Après être entré en Pologne, le 1er Front biélorusse de Konstantin Rokossovsky a continué d’avancer en direction de la capitale polonaise. Les 12 divisions de la 65ème Armée et le 1er Corps de Blindé de La Garde devaient prendre Serock puis prendre le flanc nord de Varsovie. La 28ème Armée (comptant 9 divisions), le 1er Corps mécanisé et le 9ème Corps blindé avançaient directement sur Varsovie depuis l’est. Ils étaient coupés de la 47ème Armée par la ligne Siedlce-Mińsk Mazowiecki et de la 65ème Armée par la ligne Sokołów Podlaski-Węgrów-Radzymin. Ces deux armées étaient soutenues par le 2ème et le 4ème Corps de cavalerie de La Garde. Pendant ce temps, les 10 divisons de la 47ème Armée devaient prendre Praga qui verrouillait l’approche Sud de Varsovie et le pont sur la Vistule à Góra Kalwaria. La 70ème Armée (4 divisions) suivait la 47ème Armée et servait de réserve tactique.

Dans le même temps, la 8ème Armée de La Garde (9 divisions), la 1ère Armée polonaise (3 divisions) et la 69ème Armée (9 divisions et le 11ème Corps blindé) devaient traverser la Vistule à Magnuszew au sud de Varsovie.

Après que des unités de reconnaissance soviétique aient atteint les abords de Varsovie, le soulèvement des Polonais commence. Dans le même temps, le 3ème Corps blindé du Général Vedeneev atteint Okuniew, Wołomin et Radzymin à seulement 5 kilomètres d’un pont d’importance stratégique sur la rivière Narew à Zegrze.

En réponse aux mouvements du 3ème Corps blindé, les Allemands lancent une contre-attaque près de Radzymin le 31 juillet. La contre-attaque est préparée par trois Panzerdivisions. Il s’agit des 19ème, 4ème Panzerdivisions et de la Panzerdivision Wiking[1]. Leurs effectifs ont été complétés avec les débris de la Fallschirm-Panzerdivision Hermann Göring dissoute[2]. La 4ème Panzerdivision se lance sur Wołomin dans la nuit du 31 juillet au 1er août. Le 3ème Corps blindé du Général Vedeneev parvient à contenir l’assaut initial, mais la 4ème Panzerdivision est rejointe par la 19ème Panzerdivision et Panzerdivision Wiking.

L’encerclement des Soviétiques commence dès le 1er août quand les avant-gardes de la 19ème Panzerdivision et de la Panzerdivision Wiking arrivent respectivement par l’est et l’ouest. Les panzers font leur jonction à Okuniew et coupent le Général Vedeneev des autres unités de la 2ème Armée blindée.

Dès le 2 août 1944, les Soviétiques tentent de secourir leurs camarades en envoyant le 8ème Corps blindé de La Garde et le 16ème Corps blindé.

Char Tigre en mouvement entre Radzymin et Wołomin.

Le 3ème Corps blindé est détruit le 3 août 1944 entre Radzymin et Wołomin. La tentative de sauvetage des Soviétiques échoue et le 8ème Corps blindé de La Garde subit de lourdes pertes. Walter Model (qui commandait encore ce front avant de céder la place à Erich Von Mainstein) espérait achever le 8ème Corps blindé, mais il est contraint d’envoyer la 19ème Panzerdivision défendre Magnuszew face à la 1ère Armée polonaise et la 69ème Armée soviétique. La 4ème Panzerdivision et la Panzerdivision Wiking prennent alors des positions défensives reliant Zegrze, Radzymin, Wołomin et Okuniew à l’est de la Vistule et au nord-est de Varsovie. Ils préparent aussi des défenses sur le canal reliant la rivière Narew et la Vistule constituant une quasi-ligne droite entre Zegrze et Varsovie.

Pour des raisons inconnues, le 2 août 1944 les armées soviétiques qui étaient aux portes de Varsovie reçurent de nouveaux ordres. Les 28ème, 47ème et 65ème Armées reçurent l’ordre de capturer Wyszków et Liwiec pourtant laissées sans défense par les Allemands. Les unités de la 2ème Armée blindée soviétiques furent laissées seules et sans soutien d’infanterie face aux Panzerdivisions. La 69ème Armée reçut l’ordre de rester sur ses positions et le 8ème Corps blindé de La Garde fut alors envoyé défendre Garwolin contre une possible attaque allemande.

En 10 jours, la 2ème Armée blindée a eu 409 morts, 1 271 blessés et 589 disparus. 397 de ses 679 divers blindés sont détruits. Après la guerre, la propagande communiste utilisa la bataille de Radzymin-Wołomin pour justifier la non-intervention pour aider les insurgés de Varsovie. La raison du changement des ordres soviétiques du 2 août reste encore inconnue, car cette partie des archives soviétiques est toujours fermée aux historiens. Les historiens polonais et occidentaux pensent que les ordres venaient directement de Staline pour permettre aux Allemands d’affaiblir la résistance polonaise non communiste et faciliter la mise en place d’un gouvernement prosoviétique après la guerre.

Le Géneral Vedeneev conserva son commandement et ne fut pas blâmé pour l’encerclement et la destruction de son unité. Le 3ème Corps blindé fut même honoré et désigné comme 9ème Corps blindé de La Garde au mois de novembre 1944.

La bataille de Radzymin-Wołomin permit aux Allemands d’établir des positions entre Zegrze et Varsovie et fut surtout un révélateur de l’état des forces soviétiques en cette fin d’Opération Bagration. Ces dernières étaient à bout de souffle et leurs réserves de carburant et munitions presque épuisées.

Cette constatation motiva Erich Von Mainstein à préparer et lancer l’opération Herbststurm le plus tôt possible.

[…]

Bataille de la passe de Dukla

La bataille de la passe de Dukla s’est déroulée du 8 septembre au 25 novembre 1944 dans les Carpates à la frontière entre la Pologne et la Slovaquie aux abords de Svidník. Les Soviétiques étaient alors en pleine offensive stratégique à travers la région des Carpates et espéraient atteindre la Slovaquie pour porter assistance à la rébellion débutée au mois d’août 1944. Dans le même temps, les Allemands avaient fortifié les défenses de la Karpatenfestung[3].

Les Allemands alignaient la 1ère Panzerarmee (3 corps d’armée, 3 divisions d’infanterie et 4 divisions blindées) de Gotthard Heinrici et des éléments de la 1ère Armée hongroise de Dezső László.

Du côté soviétique, il fallait compter avec la 38ème Armée (Kirill Moskalenko), le 1er Corps d’Armée tchécoslovaque (Ludvik Svoboda) et la 1ère Armée de La Garde (Andrei Grechko).

Les Soviétiques souhaitaient traverser la passe et capturer la ville Prešov en cinq jours. L’offensive commence le 8 septembre 1944, mais il faut attendre le 11 septembre pour que les Soviétiques parviennent à capturer Krosno. Les combats les plus importants ont eu lieu sur et autour de la Colline 534 au nord-ouest de Dukla. Les Allemands et Hongrois parviennent à tenir la colline du 10 au 30 septembre, le contrôle de la colline passant d’un camp à l’autre au moins 24 fois. La ville de Dukla tombe en mains soviétiques le 1er octobre. Il faut attendre le 15 octobre pour que les Soviétiques viennent à bout des fortifications allemandes sur la frontière.

Les combats de la passe Dukla ne s’arrêtent pas là. Les Soviétiques entrent alors en Slovaquie orientale et tentent de prendre le flanc des forces de l’Axe, encore nombreuses et disposant de positions fortifiées. Au Sud de la passe, à l’ouest du village de Dobroslava se trouve une vallée dans laquelle s’est déroulée une bataille blindée que les deux camps qualifieront plus tard de « Koursk miniature », la vallée gagna le surnom de « Vallée de la Mort ». Il s’agissait du dernier obstacle majeur avant Svidnik à environ 10 km au sud, que les Soviétiques atteignent le 18 novembre. La ville tombe sans combat, mais les fortifications allemandes de la colline 532 tiennent encore jusqu’au 25 novembre 1944.

Les chars allemands en route pour la Vallée de la Mort.

Alors que les Allemands et Hongrois opposaient une résistance inattendue aux Soviétiques, le Soulèvement national slovaque est écrasé. Une autre raison était que les résistants slovaques devaient sécuriser le sud de la passe au début de l’offensive et n’y sont pas parvenus.

Certaines personnes accusent les Soviétiques d’avoir volontairement échoué à prendre la passe rapidement, pour les mêmes raisons qu’à Varsovie : affaiblir la résistance pour pouvoir plus facilement installer un gouvernement prosoviétique en Tchécoslovaquie.

[…]

Opération Herbststurm, contre-attaque sur la Vistule

L’offensive soviétique d’Iaşi–Chişinău en Roumanie a causé le basculement des Roumains dans le camp soviétique. Les Allemands ont alors hâté leur retrait en achevant de détruire les installations pétrolifères de Ploesti déjà largement endommagées par les bombardements alliés.

Le 5 septembre 1944, les Soviétiques déclarent la guerre à la Bulgarie. Le lendemain, une insurrection menée par la coalition du Front de La Patrie (communistes bulgares et Zveno[4]) renverse le gouvernement et instaure un régime favorable à l’URSS. La guerre entre la Bulgarie et l’URSS n’aura duré qu’une journée.

Ainsi au lancement de l’Opération Herbststurm (Tempête d’Automne), les troupes soviétiques sont aux portes de la Yougoslavie et de la Hongrie et disposent de quelques têtes de pont sur la Vistule.

Début août, face à l’offensive soviétique « Bagration », les Allemands en déroute finissent par remettre un peu d’ordre dans leur débâcle. Ainsi les derniers jours de la retraite vers la Vistule se passent relativement bien face à une offensive soviétique en bout de course. Le Maréchal Erich Von Manstein parvient à contenir la pression soviétique sur la Vistule et peut reconstituer une réserve mobile grâce aux premières aux troupes évacuées de la Baltique.

Grâce à la bataille de Radzymin-Wołomin, les Allemands comprennent alors que l’offensive contre leur Groupe d’Armées Centre est au bout de son effort, probablement à court de ravitaillement, alors que les efforts soviétiques se portent maintenant vers la Baltique et la Roumanie. Les réserves de carburant étant précaires, Von Manstein et Von Kleist sont obligés de retarder leur offensive d’un mois. Le problème n’est pas la production de carburant, mais son acheminement. Dans le but d’économiser ce carburant, il est transporté par des citernes hippotractées ou par train quand l’état des voies ferrées le permet.

Von Manstein espère pouvoir repousser les Soviétiques de plus de 200 kilomètres, mais pour cela il faut capturer des dépôts de carburants.

Le 1er octobre 1944, l’opération débute, Von Manstein lance une contre-offensive sur un front tourné vers le Nord. Le plan est risqué, d’autant que les troupes allemandes sont démoralisées après les souffrances endurées face à Bagration. Le but est de réduire la tête de pont de Magnuszew (au sud de Varsovie) avant d’encercler et détruire le fer de lance de l’offensive soviétique puis de les repousser aussi loin que possible. L’offensive du Groupe d’armées Centre sera appuyée par le Groupe d’Armées Nord de Von Kleist qui doit former le mouvement Nord de la manœuvre d’encerclement et le Groupe d’armées Polen de Lindemann qui devra réduire la poche ainsi formée. Dans le même temps, des unités du Groupe d’armées Centre doivent réduire une tête de pont sur la Vistule au-delà de Sandomierz et Mielec, au nord-est de Cracovie.

Les unités allemandes sont nombreuses, mais la plupart sont en sous-effectifs. Le Groupe d’armées Centre par exemple ne dispose que de la moitié de ses effectifs malgré les efforts pour combler les pertes.

Groupe d’armées Polen[5] (Général Georg Lindemann) :

  • 43ème Armeekorps (11ème, 58ème et 122ème Divisions d’infanterie).
  • 25ème Armeekorps (170ème, 225ème et 227ème Divisions d’infanterie).

 Groupe d’armées Centre (Maréchal Erich Von Manstein) :

  • 3ème Panzerarmee.
    • 40ème Panzerkorps (551ème Division de Grenadier, 7ème Panzerdivision, 20ème Panzerdivision)
    • 9ème Armeekorps (252ème, 56ème, 69ème et 95ème Divisions d’Infanterie, 548ème Division de Grenadier).
    • 6ème Armeekorps (197ème, 256ème et 299ème Divisions d’Infanterie).
    • 53ème Armeekorps (206ème, 246ème et 707ème Divisions d’Infanterie).
  • 2ème Armée.
    • 8ème Armeekorps (5ème Jäger Division, 221ème, 251ème et 7ème Divisions d’Infanterie).
    • Les 20ème et 23ème Armeekorps sont dissous pour combler les pertes du 8ème Armeekorps.
  • 4ème Armée.
    • 12ème Armeekorps (57ème et 267ème Divisions d’infanterie, 18ème Panzergrenadier Division).
    • 39ème Panzerkorps (12ème, 31ème, 110ème et 337ème Divisions d’Infanterie, 4ème Panzerdivision, 5ème Panzerdivision Wiking et 19ème Panzerdivision).
    • 27ème Korps (78ème Division d’assaut, 260ème Division d’Infanterie, 25ème et 60ème Panzergrenadier Division).
  • 9ème Armée.
    • 55ème Armeekorps (102ème, 292ème et 14ème Divisions d’Infanterie).
    • 31ème Armeekorps (35ème, 36ème et 129 Divisions d’Infanterie).
    • 35ème Armeekorps (6ème, 45ème, 134ème, 296ème et 383ème Divisions d’Infanterie).

Les trois armées sont renforcées avec les débris des anciennes divisions SS Totenkopf et Fallschirm-Panzerdivision Hermann Göring.

Groupe d’armées Nord (Maréchal Von Kleist) :

  • 18ème Armée.
    • 38ème Armeekorps (32ème et 121ème Divisions d’infanterie).
    • 28ème Armeekorps (21ème, 30ème, 126ème, 212ème et 215ème Divisions d’infanterie).
  • 16ème Armée.
    • La 16ème Armée assure la défense de la Prusse dans le cas d’une éventuelle offensive soviétique en direction de Königsberg.
  • 1er Armeekorps (87ème et 205ème Divisions d’Infanterie).
  • 10ème Armeekorps (263ème, 389ème et 290ème Divisions d’infanterie).
  • 2ème Armeekorps (23ème, 81ème et 329ème Divisions d’infanterie).
  • 50ème Armeekorps (38ème, 132ème et 218ème Divisions d’infanterie).
  • Réserve (24ème Division d’infanterie).
  • 12ème Panzerdivision.
  • 61ème Division d’infanterie.

Face aux Allemands se trouvent le 1er Front ukrainien du Maréchal Ivan Koniev (3ème Armée de la Garde, 60ème Armée, 38ème Armée et 4ème Armée blindée) et 2ème Front biélorusse du Général Konstantin Rokossovsky (3ème Armée, 8ème Armée de La Garde, 28ème Armée, 65ème Armée, 16ème Armée aérienne, Groupe de Cavalerie mécanisée).

Manstein lance sa contre-offensive le 1er octobre avec 530 chars. Dans un mouvement coordonné, la 3ème Panzerarmee et la 9ème Armée, soutenues par une couverture aérienne massive, chargent respectivement contre la 8ème Armée de La Garde (Lieutenant-Général Vassili Tchouïkov) et la 1ère Armée polonaise près de Magnuszew et la 2ème Armée blindée de La Garde (Général Alexei Radzievsky) près de Radom. Les généraux soviétiques, jusqu’alors en pleine euphorie, sont totalement déconcertés et commencent à reculer dans la nuit du 2 au 3 octobre 1944. Les formations soviétiques réussissent à s’échapper, mais avec de lourdes pertes parmi lesquelles les blindés payent un lourd tribut.

Le 3 octobre 1944, l’offensive allemande atteint Garwolin. Les pertes soviétiques s’élèvent à 2 300 morts et blessés auxquels il faut ajouter 900 prisonniers, 156 chars détruits et plus de 100 canons de toutes sortes sont pris par les Allemands ainsi que quelques dépôts de munitions et carburants. L’attaque de Von Manstein — à la jonction du 1er Front biélorusse et du 1er Front ukrainien — touche le point faible du dispositif soviétique, car les deux fronts ne sont pas coordonnés et comme souvent, les généraux soviétiques sont en compétition.

Le reste du Groupe d’Armées Centre se joint à l’offensive. Dans la soirée du 5 octobre 1944, les Allemands prennent Mińsk Mazowiecki et Kałuszyn. De son côté, la 18ème Armée du Groupe Nord entre en action et espère prendre Wyszków, les Soviétiques reculent.

Les chars allemands affrontent les blindés russes autour de Wyszków.

Le Groupe d’armées Centre et la 18ème Armée font leur jonction le 8 octobre 1944 à 5 km à l’est de Tłuszcz. Les réserves de carburant allemandes sont basses. Peu de carburant a été capturé, Von Manstein préfère jouer la prudence et ne pas pousser son offensive trop loin. Dans le même temps, le Groupe d’armées Polen est sorti de la banlieue de Varsovie pour attaquer la 70ème Armée soviétique encerclée. Cette dernière est faite réduite au 72ème Corps de Fusilier. Les combats durent jusqu’au 10 octobre 1944 quand les dernières poches de résistance se rendent.

Les Soviétiques dont les troupes et réserves étaient encore loin d’être reconstituées n’ont rien tenté pour secourir le 72ème Corps de Fusilier[6]. Les Allemands commencent à se retirer le 12 octobre 1944 pour s’abriter derrière la Vistule. Après Bagration, la manœuvre de Manstein pour stabiliser le front est un succès comparable à celui obtenu lors de la 3ème Bataille de Kharkov en 1942. Ces deux plans du Maréchal Von Manstein sont d’ailleurs très similaires et démontrent que le Maréchal est encore capable de retours offensifs brusques.

Les Allemands mettent 7 divisions soviétiques hors de combats dont 3 définitivement détruites et 5 autres ont subi de lourdes pertes. L’Armée rouge compte entre 12 000 et 17 000 morts et près de 11 000 blessés selon les sources, ainsi que 333 chars détruits. Les pertes allemandes sont très inférieures avec 4 500 morts et 7 000 blessés. La Wehrmacht gagne ainsi du temps pour préparer des défenses sur la Vistule et reconstituer ses forces durant l’hiver. Toutefois, l’espoir allemand de repousser l’ennemi sur 200 kilomètres est déçu, car les Soviétiques ont reculé de moins de 50 kilomètres.

[…]

Opération Wacht am Donau, l’offensive de Budapest

L’Opération Wacht am Donau (Veille sur le Danube) est une contre-offensive allemande en Hongrie qui a permis de briser l’encerclement de Budapest pour dégager les troupes allemandes qui y étaient encerclées. Ces combats marquent la quatrième phase de la Bataille de Budapest. Le contexte politique est assez particulier, car les alliés de l’Allemagne ne sont devenus que des moyens de retarder les Soviétiques pour le Gouvernement provisoire allemand. Le ministre allemand des Affaires étrangères Ulrich von Hassell fait savoir au gouvernement de l’Amiral Miklós Horthy que les Allemands vont tenter de briser l’encerclement pour dégager leurs forces, mais qu’en suite la Hongrie sera seule. Le plan pour la Hongrie est simple : une fois les Allemands ressortis de Budapest, l’Amiral Horthy annoncera la capitulation de son pays. Les Allemands s’établiront sur le lac Balaton pour protéger l’une de leur dernière source de pétrole. Libre aux Hongrois de déclarer la guerre aux Allemands.

Le 26 décembre 1944, profitant de la couverture nuageuse et de la météo exécrable, les Allemands lancent une contre-offensive depuis l’ouest (6ème PanzerArmee de Sepp Dietrich) et le nord-ouest de Budapest (4ème PanzerKorps).

Les principales unités engagées par la 6ème PanzerArmee sont le 1er PanzerKorps (1ère et 12ème Panzerdivisions, 3ème Division de Parachutistes, 277ème Division d’infanterie), le 2ème PanzerKorps (2ème et 9ème Panzerdivisions) et le 67ème Corps (272ème et 326ème Divisions d’infanterie) soit plus 60 000 hommes et 600 chars.

Le 4ème PanzerKorps (commandé par Fritz-Hubert Gräser) est principalement constitué de la PanzerDivision Wiking (venu de Pologne) et des 1ère et 3ème Panzerdivisions ainsi que les chars Tigres du 509ème Bataillon de chars lourds. Cette force rassemble plus de 300 chars et au moins 33 000 hommes.

Alors que la 6ème PanzerArmee mène une contre-offensive sur un large front pour occuper et détruire le plus d’unités soviétiques possible, le 4ème PanzerKorps est chargé de percer l’encerclement soviétique.

Un Tigre allemand fait mouvement en préparation de l’offensive.

Parti de Tata le 26 décembre 1944, le 4ème Panzerkorps atteint Biscke à moins de 20 kilomètres de Budapest le 1er janvier. Les Allemands sont ralentis par une forte opposition soviétique puisque 4 divisions de l’Armée rouge sont venues en renfort. Toutefois, grâce à la pression exercée par la 6ème PanzerArmee, le 4ème PanzerKorps reprend son avancée le 6 janvier 1945 et prend Esztergom le 8 pour avancer en direction de l’aéroport de Budapest.

Les combats s’enlisent alors dans la banlieue de la capitale hongroise, mais le 4ème PanzerKorps parvient à percer l’encerclement le 18 janvier 1945. C’est alors une course contre la montre qui commence pour les Allemands qui tentent de sortir le maximum de troupes de la ville pendant que les Hongrois tiennent seuls avec l’appui de l’artillerie allemande depuis la colline de Buda.

Le 23 janvier 1945, les Soviétiques parviennent à refermer la poche de Budapest et les Allemands sont contraints de reculer. Le 25, le fasciste Ferenc Szálasi et les miliciens du Parti des Croix fléchées apprennent le plan de reddition de la Hongrie. Ils tentent alors de renverser Miklós Horthy et parviennent à capturer son fils.

Logo du Parti des Croix fléchées—Mouvement hungariste.

Le 26 janvier 1945, malgré les menaces qui pèsent sur son fils, Miklós Horthy annonce la reddition de la Hongrie à l’Union soviétique. Les Croix fléchées sont alors attaquées par l’Armée hongroise et l’Armée rouge ; Ferenc Szálasi est rapidement arrêté.

Les Allemands sont parvenus à faire sortir 18 000 hommes encerclés dans Budapest, mais comptent 11 000 morts et blessés ainsi que 162 chars détruits. Les divisions de cavalerie Florian Geyer[7] et Maria Theresa[8] sont détruites.

Les troupes allemandes reculent en bon ordre jusqu’au lac Balaton alors que la Hongrie est occupée par les troupes soviétiques et roumaines. Le 4ème PanzerKorps est intégré à la 6ème Armée.

Ferenc Szálasi quant à lui sera jugé et exécuté pour crimes de guerre en 1946.

[…]

Opération Frühlingserwachen, l’offensive du lac Balaton

L’Opération Frühlingserwachen (Spring Awakening ou Réveil de Printemps) consiste à attendre que l’Armée rouge reprenne son avance pour lancer une grande offensive visant à stopper le plus longtemps possible les Soviétiques. Même si l’idée vient directement de Berlin, les détails du plan ont été laissés à la discrétion du Général Sepp Dietrich. Ce dernier était au départ opposé à cette opération et recommandait la plus grande prudence. Pour cette raison, Friedrich Olbricht lui laissa les mains libres.

Après l’Opération Wacht am Donau, les Allemands se replient au Nord et au sud du lac Balaton. Le mouvement a pour but de protéger l’une des dernières sources de pétrole aux mains des Allemands et aussi de couvrir le Groupe d’armées E qui termine son évacuation des Balkans pour rejoindre l’Allemagne.

C’est alors un étrange ballet qui commence entre les Soviétiques et les Allemands qui vont attendre, avancer et reculer chacun à leur tour.

Face à la concentration de troupes de la Wehrmacht, l’Armée rouge, persuadée d’une offensive imminente, adopte une posture défensive. Ainsi, en février 1945, sur un front de 83 kilomètres entre le lac Balaton et Budapest, ce sont 66 positions défensives qui sont établies sur une profondeur de près de 30 kilomètres.

Le dispositif allemand au nord du lac Balaton est composé de la 6ème PanzerArmee de Sepp Dietrich :

  • 1er PanzerKorps (1ère et 12ème Panzerdivisions, 3ème Division de Parachutistes, 277ème Division d’infanterie, 1ère Stoßgarde Panzerdivision[9], 101ème Bataillon blindé).
  • 2ème PanzerKorps (2ème et 9ème Panzerdivisions) et le 67ème Corps (272ème et 326ème Divisions d’infanterie).
  • 4ème PanzerKorps de Gräser (PanzerDivision Wiking, 1ère et 3ème Panzerdivisions et le 509ème Bataillon de chars lourds).

Au Sud du lac se trouve la 2ème PanzerArmee du Général Maximilian de Angelis :

  • 22ème Corps de montagne (1ère Division de montagne. 118ème Fallschirmjäger Division)
  • 68ème Corps (13ème Division de montagne croato-musulmane « Handschar ». 71ème Division d’infanterie)

Et la 6ème Armée du Général Hermann Balck :

  • 3ème Panzerkorps (1ère, 3ème et 23ème Panzerdivisions).
  • 1er Corps de cavalerie (6ème Panzerdivision, 96ème et 711ème Divisions d’infanterie, 3ème Division de cavalerie).

Sauf que les Allemands n’attaquent pas. Le 16 mars 1945, le 3ème Front et le 2ème Front ukrainien reprennent leur avancée en direction de l’Autriche.

Dès le 17 mars 1945, les Soviétiques sont surpris par une attaque menée par les Tigres du 101ème Bataillon de chars lourds près de Székesfehérvár à la jonction entre les deux Fronts soviétiques. Le fer de lance du 1er PanzerKorps s’engouffre dans la brèche. Les combats qui s’en suivent sont âpres et les chars allemands remportent de beaux succès lors d’attaques nocturnes. Le 24 mars 1945, le 1er PanzerKorps bat en retrait, car le dégel rend le terrain de plus en plus difficile pour les panzers. Les Allemands perdent près de 3 000 hommes durant cette semaine de combats et les Soviétiques plus de 8 000.

Dès le 26 mars 1945, l’Armée rouge reprend sa marche en avant. Le lendemain après avoir parcouru environ 40 kilomètres les Soviétiques font face à une offensive généralisée. La 6ème PanzerArmee part de Veszprém au nord du lac Balaton et attaque sur un large front en direction de Székesfehérvár à une quarantaine de kilomètres. Au Sud la 2ème PanzerArmee et 6ème Armée partent des environs Nagykanizsa (au Sud-ouest du lac) vers Kaposvár à soixante kilomètres au Sud-est.

Les deux premiers jours de l’offensive allemands sont un succès. Le 29 mars 1945, la 6ème PanzerArmee a fait reculer le 2ème Front ukrainien de 15 kilomètres alors qu’au Sud le 3ème Front ukrainien a reculé de 40 kilomètres. En réalité, les Soviétiques ont joué la prudence et ont préféré reculer, espérant que l’offensive allemande s’essoufflerait. Voyant que ce n’est pas le cas, les généraux soviétiques Fyodor Tolbukhin et Rodion Malinovsky décident de ne plus reculer. Les Allemands se heurtent alors à un mur et se retrouvent pris dans la nasse. Les lignes de front ne bougent plus pendant quatre jours. Il faut attendre le 4 avril 1945 pour que les Allemands parviennent à se dégager. Ils entament alors un retour vers leurs positions de départ tout en étant pilonnés par l’artillerie soviétique six fois plus nombreuse.

L’Opération Frühlingserwachen se termine sur une victoire tactique des Allemands qui ont infligé de lourdes pertes et ont fait reculer l’Armée rouge. 8 300 Allemands ont été tués, blessés ou capturés et 64 chars définitivement perdus. Les Soviétiques comptent 16 497 morts et blessés auxquels il faut ajouter la perte de 116 chars.

Les manœuvres et décisions de Sepp Dietrich lors de Frühlingserwachen sont aussi saluées, car face à des Soviétiques 4 à 6 fois plus nombreux le général allemand a remporté de beaux succès tout en limitant les pertes, notamment celles des chars. Stratégiquement, l’opération n’a pas d’impact sur le déroulement de la fin du conflit. Si elle démontre que l’armée allemande conserve des qualités offensives, une journée de contre-offensive soviétique menée par Fyodor Tolbukhin à la tête du 3ème Front ukrainien suffit à rétablir le front tel qu’il était avant le lancement de l’opération allemande. Frühlingserwachen n’empêchera pas l’Armée rouge d’atteindre les faubourgs de Vienne juste avant la reddition allemande.


[1] Ancienne 5ème Panzerdivision SS Wiking.

[2] L’unité portant le nom d’un traître à la nation et appartenant à la Luftwaffe a été dissoute par l’Oberkommando der Wehrmacht en même temps que les autres divisions de terrain de la Luftwaffe.

[3] Forteresse des Carpates aussi connue sous le nom de Ligne Árpád. La construction a commencé en 1941/42 dans le Nord-Nord-est des Carpates. Árpád fait référence au grand-prince des Magyars.

[4] Zveno (le Maillon) est une organisation militaire et politique bulgare, fondée en 1927.

[5] Ancien Groupe d’Armée « Narva ».

[6] Le Général Popov, commandant de la 70ème Armée, capturé par les Allemands disparaîtra dans des conditions suspectes une fois de retour en URSS.

[7] Ancienne 8ème division SS de cavalerie Florian Geyer composée de membres des ethnies germaniques de Hongrie, Roumanie et du Banat.

[8] Ancienne 22ème division SS de cavalerie Maria Theresa composée de Hongrois, d’Allemands, d’Allemands de Hongrie.

[9] Ex 1. SS-Panzerdivision Leibstandarte SS Adolf Hitler.

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