Extrait de « Le Crépuscule des Dieux, Tome II : Le front de l’Est » — Krzysiek Świętomierz — Éditions Cletis.
Alors que la bataille de l’Oder opposait 1,9 million d’Allemands à 2,5 millions de Soviétiques, ces dernières faisaient leur jonction avec les Alliés à Dresde, Torgau et Postdam. La guerre était de toute façon perdue, le franchissement de l’Oder allait tôt ou tard déboucher sur une bataille dans Berlin et pourtant l’Allemagne ne capitulait toujours pas. Pour éviter que plus de sang ne soit versé, il aura fallu un nouveau coup d’État.
Le 7 mai 1945, les membres de l’OKH pour la troisième fois en trois jours, demandaient à Beck et Goerdeler d’accepter la capitulation sans condition. Pour la troisième fois en trois jours, ils essuyaient un refus. Beck et Goerdeler étaient persuadés de pouvoir négocier une paix acceptable alors même que les alliés ne répondaient plus à aucune de leurs sollicitations. Ce jour-là, Erwin Rommel, Erich von Manstein et Claus von Stauffenberg n’ont pas beaucoup de mal à convaincre le reste du gouvernement et de l’OKH qu’il était temps de mettre un terme à la guerre quoiqu’il en coûte.
Le 8 mai 1945, les leaders de la Wehrmacht profitent d’une nouvelle réunion nocturne pour arrêter Ludwig Beck et Carl Goerdeler afin de leur forcer la main. Les deux hommes sont contraints de dissoudre leur gouvernement et de confier le pouvoir à la Wehrmacht avant d’être placés en détention. Les troupes se battant à l’ouest reçoivent l’ordre de se rendre le jour même, dès midi. À l’est, un cessez-le-feu unilatéral doit entrer en vigueur à partir de minuit. À 13 h 40, un message est transmis aux Alliés et aux Soviétiques pour leur faire savoir que les Maréchaux Rommel et Von Manstein ainsi que le Colonel Von Stauffenberg souhaitaient se rendre à Postdam pour signer la capitulation de l’Allemagne.
Dans la soirée, le convoi du « triumvirat[1] » Stauffenberg-Rommel-Manstein arrive à Postdam après avoir parcouru 40 km en arborant des drapeaux blancs. Ils y rencontrent Dwight Eisenhower et François Sevez arrivés depuis Reims en avion. Les Allemands annoncent qu’ils sont prêts à signer immédiatement la capitulation sans condition de l’Allemagne. Le problème est que rien ne peut être signé sans les Soviétiques.
Il faut attendre 22 h 5 pour que le représentant soviétique, le Maréchal Gueorgui Joukov, arrive enfin à la tête de sa délégation. Pendant ce temps, les troupes alliées et soviétiques ont mis l’attente à profit pour mettre en scène la cérémonie.
Après l’ouverture de la cérémonie par le Maréchal Joukov, les représentants du Haut Commandement allemand, emmenés par le Maréchal Rommel, sont invités à signer l’acte de capitulation entrante en vigueur le 8 mai à 23 h 1, heure d’Europe centrale, soit le 9 mai 1945 à 1 h 1 à l’heure de Moscou : ceci explique pourquoi la victoire est célébrée le 9 mai, au lieu du 8, dans les pays de l’ex-URSS, notamment en Russie.
Texte de l’acte de capitulation de Postdam
ACTE DE CAPITULATION MILITAIRE
1. Nous, soussignés, agissant au nom du Haut Commandement allemand, déclarons par la présente que nous offrons la reddition sans condition au Commandement Suprême de la Force expéditionnaire Alliée et simultanément au Haut Commandement suprême de l’Armée rouge, de toutes les forces terrestres, navales et aériennes qui sont à cette date sous contrôle allemand.
2. Le Haut Commandement allemand a déjà transmis l’ordre à toutes les autorités militaires navales et aériennes allemandes et à toutes les forces sous contrôle allemand de cesser leurs opérations actives à 23 h 1 heure d’Europe centrale le 8 mai, de rester sur les positions qu’elles occupaient à ce moment et de se désarmer complètement, remettant leurs armes et équipements aux commandants ou officiers alliés locaux ou désignés par les représentants des Commandants Suprêmes Alliés. Aucun bateau, navire ou avion ne devra être détruit, ni aucun dommage fait à leur coque, machinerie ou équipement, ainsi qu’aux machines de toutes sortes, armement, appareils et tous les moyens techniques permettant de poursuivre la guerre en général.
3. Le Haut Commandement allemand transmettra immédiatement aux commandants intéressés et assurera l’exécution de tous nouveaux ordres publiés par le Commandement suprême de la Force expéditionnaire alliée et par le Haut Commandement suprême de l’Armée rouge.
4. Cet acte de reddition militaire est sans préjuger et sera remplacé par tout acte de reddition imposé par les Nations unies ou en leur nom et applicable à l’Allemagne et aux forces armées allemandes en totalité.
5. Dans le cas où le Haut Commandement allemand ou quelque force sous son contrôle manquerait d’agir selon cet acte de reddition, le Commandement suprême de la Force Expéditionnaire Alliée et le Haut Commandement suprême de l’Armée rouge prendraient toutes actions punitives ou autres qu’ils jugeraient appropriées.
6. Le présent acte est établi en anglais, en russe et en allemand. Seuls les textes anglais et russe font foi.
Signé à Postdam, le 8 mai 1945.
Maréchal Rommel, Maréchal Von Manstein, Colonel Von Stauffenberg. Au nom du Haut Commandement allemand.
Général Sevez, témoin pour l’Armée française.
Général Eisenhower, Commandant Suprême des Forces Expéditionnaires Alliées.
Maréchal Joukov, Commandement suprême de l’Armée rouge.
Le lendemain matin, les troupes soviétiques défilent triomphalement dans Berlin.
Extrait de « Zugzwang : L’Allemagne échec et mat » — August Clauswitz — Autoédition.
Endsieg est l’allemand pour « victoire finale ». Adolf Hitler a utilisé Endsieg dans son livre Mein Kampf. Dans les années 1930 et 1940, le mot a été largement utilisé dans la propagande et la doctrine nazies. Endsieg est aussi utilisé de façon sarcastique pour définir un objectif inatteignable, que l’on va continuer à chercher à atteindre, peu importe ce qu’il en coûtera. Pourtant l’Endsieg ne concerne pas que les nazis. L’Endsieg concerne aussi les conjurés du 20 juillet. Leur objectif, plus noble que celui des nazis, était tout aussi inatteignable. Ils voulaient sauver l’Allemagne, mais elle ne pouvait être sauvée, car son sort ne dépendait plus des Allemands, mais des « Nations unies ».
Il suffit de repenser à la mascarade du procès de Nuremberg.
Que s’est-il passé à Nuremberg ? Les Alliés y ont fait le procès du nazisme et aussi celui de l’Allemagne. On y a condamné les crimes des monstres que sont Himmler, Goering, Barbie et Mengele. On y a condamné les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, la barbarie et les massacres. Cela a été fait en grande partie grâce à ceux qui ont renversé les nazis par la conspiration, qui ont mis fin à la plupart de ces crimes, qui ont tenté de mettre fin à la guerre et qui ont fourni les preuves à charge contre les bourreaux de l’Europe. Les Alliés ont en effet salué le fait que le « triumvirat » Stauffenberg-Rommel-Manstein ait forcé la main au gouvernement Beck pour signer la capitulation puis le travail de Stauffenberg à apporter les preuves des crimes nazis plutôt que de les détruire.
L’arrêt, par le gouvernement Beck, des exterminations mises en place par les nazis ont été reconnus. Malgré cela, il a été reproché à ce même gouvernement d’avoir gardé certaines populations en captivité et d’en avoir enrôlé de force. Or, les seuls prisonniers restés captifs étaient ceux qui venaient de zones qui n’étaient plus sous le contrôle allemand ou situé sur la ligne de front. Les camps de travail sont certes restés une réalité, mais les conditions de détention ont été sensiblement améliorées, une partie du travail des prisonniers a alors consisté à produire leur propre nourriture. L’enrôlement forcé, quant à lui, n’a concerné que des Allemands. Bien sûr, ils étaient soit juifs, soit opposants politiques sous le régime hitlérien, mais les autres belligérants n’ont-ils pas recouru eux aussi à la conscription massive et parfois forcée ? Pourtant, 70 ans après, les historiens spécialistes de la Shoah reconnaissent sans problème que les mesures prises par le gouvernement Beck ont vraisemblablement sauver entre 1 et 5 millions de juifs et probablement 10 millions de vies d’une manière globale.
Finalement, tous les conspirateurs qui ont tenté de mettre fin à la guerre ont été écartés des postes politiques. Certes, une partie des militaires a repris du service en Allemagne de l’Ouest, mais ils auraient pu faire tellement plus pour leur pays et pour faire face à l’ogre stalinien.
À Nuremberg, les vainqueurs ont écrit l’histoire. Les crimes de guerre alliés et soviétiques n’ont jamais été jugés. Pourtant, qui a rasé Caen, Dresde, Cologne, Hambourg et Stuttgart ? Ce sont les Alliés. Qui a perpétré le Massacre de Katyn ? Les Soviétiques.
Qui a fait condamner l’Allemagne pour ce crime ? Les Soviétiques. Qui a fermé les yeux ? Les Alliés. Voilà ce qu’est l’Endsieg du Gouvernement provisoire de la République allemande. C’est d’avoir cru pouvoir sauver l’Allemagne. D’avoir cru faire face à des adversaires qui seraient justes.
[1] Triumvirat est un terme qui à l’origine désignait une fonction de la magistrature romaine composée de trois hommes. Ensuite, il fut utilisé pour décrire l’alliance secrète ou publique de trois personnalités (politiques ou militaires) de poids égaux qui s’unissent pour diriger (on retrouve cette notion dans le terme russe de troïka). Le mot vient des génitifs latins trium signifiant « trois » et virum signifiant « homme ».
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