Hitler dans l’impossibilité de vaincre : Parallèle avec Hannibal et Napoléon Iᵉʳ

Extrait de « Des officiers contre Hitler : Une histoire de la résistance allemande au Nazisme (1933-1944) » — Karl Heinrich von Stülpnagel[1].

La chute de la France fut, pour nous, une véritable tragédie. Nous qui espérions pouvoir compter sur un échec du Plan jaune pour effectuer un Putsch antinazi et ainsi pouvoir obtenir une paix dans l’honneur avec les démocraties occidentales furent, hélas, tragiquement déçus. Cependant, et nous l’avions pleinement compris dès l’origine, en dépit du succès triomphal de l’armée allemande qui avait occupé la France en six semaines, Hitler se retrouvait dans une situation bloquée stratégiquement. Un peu comme Hannibal après la bataille de Cannes.

Quelle ironie ! Sachant que nous-mêmes, officiers prussiens, cherchions à obtenir une victoire décisive en étudiant plus que de raison cette même bataille de Cannes[2] dans nos académies militaires. Or, dans notre aveuglement, nous pensions étudier comment obtenir un triomphe stratégique alors que, malgré son ampleur, la bataille de France ne fut qu’un succès tactique, n’entraînant en rien un accord politique et une paix durable en faveur du Reich à l’ouest, et ce, en dépit de l’armistice français. Encore une fois, l’Angleterre, fortifiée dans son inexpugnable île, tenait tête au Napoléon du mal qu’était Hitler.

Napoléon, Hitler l’était par l’ampleur de ses conquêtes européennes. Napoléon est-il tout même un peu, car il ne pouvait voir l’Angleterre que depuis son poste d’observation situé près de Boulogne.  Mais par l’ampleur de ses crimes, par la chape de plomb qu’il fit peser sur le continent européen et sur la trace indélébile qu’il apposa au fer rouge sur l’histoire allemande, Napoléon, il ne sera jamais !

Seul point commun avec l’Empereur français, c’est qu’avec l’Angleterre qui encore une fois résistait au maître de l’Europe, Hitler ne pouvait pas dès lors vaincre définitivement. Et l’obstination de Churchill et du peuple anglais fit presque de l’armistice français un « non-évènement », malgré la neutralisation pro-axiste du Second Empire colonial du Monde. Si ce n’est que pour la France, cela constitue une blessure qui mettra longtemps à se refermer. Blessure due à un nouveau Duc de Raguse[3], le Maréchal Philippe Pétain. Là où Marmont livra Paris sans combat aux Russes et aux Prussiens, Pétain livra une armée d’un million d’hommes et les vastes ressources dont disposait encore la Grande Nation au Führer.

Dès lors, la fuite en avant d’Adolf Hitler pouvait commencer. Ce sera la mort du peuple allemand.

Hitler se pensait le nouveau Frédéric le Grand, car son imaginaire francophobe ne pouvait décemment le faire se considérer comme l’héritier de l’Empereur français, libérateur des Juifs d’Europe de surcroît. Il n’était en réalité guère plus qu’un Hannibal moderne, pouvant, comme le disait Maharbal[4], obtenir la victoire, mais bien incapable de l’exploiter. En effet, si en 216 avant Jésus-Christ, Hannibal ne put écraser définitivement Rome du fait de ses puissantes fortifications de pierre et de l’absence d’engins de siège dans ses propres forces, en 1940, les fortifications de l’Angleterre, c’était la Manche et sa puissante Royal Navy, et la faiblesse d’Hitler, le bien trop faible tonnage de la Kriegsmarine, bien évidemment non compensées par l’apport de la marine italienne, fort mal commandée et inadaptée à la nouvelle norme de la guerre navale, car ne disposant d’aucun porte-avions…

Là où Rome recréa patiemment ses Légions à l’abri de ses murailles, l’Angleterre refonda ses armées en puisant dans le gigantesque vivier humain que constitue son domaine colonial.

Un jour, surgiraient sur les plages françaises les armées qui permettraient d’écraser le Führer !

Cela nous réchauffait le cœur et nous terrifiait en même temps. En effet, si Hitler ne pouvait jamais gagner, nous avions également pleinement conscience que sa destruction finale ne se ferait qu’au prix de l’anéantissement de l’Allemagne si nous ne prenions pas clairement position à temps contre lui.

Comme nous le savons tous, notre prise de position contre lui fut malheureusement un échec en dépit du succès initial de notre coup d’État antinazi. En effet, les Alliés coalisés contre nous refusèrent obstinément nos offres de paix et l’Allemagne fut finalement détruite là où un Fouché et un Talleyrand, individus vils certes, mais qui eurent le mérite d’adoucir le sort de leur patrie vaincue, la France, purent par leurs complots, éviter la Catastrophe à la Grande nation !

Il semble que l’Allemagne devait boire le calice jusqu’à la lie pour expier les crimes des Nazis, là où le Seigneur offrit une seconde chance à la France.

Entre-temps, la situation stratégique du Führer était dans une impasse totale. Certes, nous pouvions piller la France à souhait, aider même en cela par une caste de traîtres à leur pays, et même utiliser son industrie, quasiment intacte, à notre profit, malgré les sabotages à terme de la Résistance française. Mais nous savions que l’Amérique avait dès juillet commencé à compenser pour l’Angleterre la perte de l’alliance française et de son armement sur le continent.

Bientôt dépassée par l’industrie sans limites des États-Unis, notre propre production ne nous permettrait jamais de pouvoir bâtir une marine capable d’aller chercher les Britanniques dans « leur cachette ». Et ce ne sont pas nos U-Boot qui nous permettraient de bloquer l’aide des Amériques à l’Angleterre malgré de brillants succès.

Contrairement à Hannibal, abandonné par sa patrie, Hitler pouvait compter sur une quasi-unanimité en 1940, comme le prouve son retour triomphal à Berlin cet été-là, véritable triomphe digne de Scipion l’Africain revenant à Rome après avoir définitivement écrasé ce même Hannibal. Mais cela, nous le savions, ne suffirait pas. Contrairement à ce que proclama en 1944 la propagande de Goebbels dans cette véritable « Bataille des Nations » à l’envers que fut la période entre Overlord et Walkyrie, la foi en la victoire finale ne pouvait à elle seule apporter celle-ci… En effet, comment les mots de cet arracheur de dents qu’était le petit Goebbels pouvaient apporter la victoire là où notre rationalisation de l’effort de guerre de la République allemande refondée échoua au final ?

 Mais nous verrons cela plus loin. C’est alors qu’Hitler, à la fois conscient d’un choc inévitable entre deux idéologies que tout oppose, et pris d’une lubie qu’il appelait « idée » comme quoi, il pourrait, en abattant l’URSS en deux mois, accaparer des ressources suffisantes pour combattre à armes égales avec l’Amérique et ainsi la pousser à rester neutre.

Ainsi fut prise dès juillet 1940 la décision d’attaquer l’URSS au printemps suivant.

La suite est connue, nous la pressentions.

Là où Napoléon occupa villes libres et principautés côtières pour empêcher l’Europe de commercer avec l’Angleterre, Adolf Hitler se lança tout de suite dans une nouvelle Campagne de Russie. Si nos forces survécurent trois ans en Russie, soient mieux que ne le fit la Grande Armée, ce fut surtout grâce aux méthodes modernes dont ne disposait pas le Grognard napoléonien. Du moins les Français de la Grande Armée prirent Moscou !

Déjà en 1940, nous, officiers prussiens, savions que nous avions prêté serment d’allégeance et de fidélité à un fou qui conduirait l’Allemagne à la Catastrophe.

Et nous avions juré d’agir.

Et nous le fîmes au final.

Pour l’honneur.

Car si Napoléon fonda sa Légende à Waterloo, Walkyrie nous rendit seulement notre honneur.


Notes des auteurs : Ce texte est écrit par Maxence Métais aka LFC, auteur de « 16 juin 1940 : un autre de destin pour la France », disponible sur le Forum des Uchronies Francophones. Ce texte est une variation, replacé dans le contexte d’Au Bord de l’Abîme, d’un texte qu’il a écrit pour son uchronie et qui m’avait vraiment plus.


[1]  General der Infanterie de la Heer de la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est commandant en chef des troupes d’occupation en France et fait partie des conspirateurs du 20 juillet 1944.

[2] Bataille majeure de la Deuxième Guerre punique qui eut lieu le 2 août 216 av. J.-C. L’armée d’Hannibal Barca a défait une armée de la République romaine bien plus nombreuse sous le commandement des consuls Caius Terentius Varro et Lucius Æmilius Paullus. Cette bataille est considérée comme l’une des manœuvres tactiques les plus réussies de l’histoire militaire, et en nombre de victimes, la bataille la plus sanglante côté romain après celle d’Arausio.

[3] Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont qui a trahi Napoléon lors de la campagne de France en 1814. Il entre directement en négociation avec l’ennemi pour lui livrer tout son corps d’armée et ainsi priver l’Empereur de toute capacité de riposte. Cette défection oblige Napoléon à abdiquer puis à se retirer sur l’île d’Elbe.

[4] Chef numide et général d’Hannibal Barca à Carthage au IIIe siècle avant Jésus-Christ. Après la bataille du lac Trasimène et la bataille de Cannes, Maharbal insiste pour qu’Hannibal se dirige vers Rome pour prendre la ville, mais Hannibal ne suit pas son conseil.

3 commentaires sur “Hitler dans l’impossibilité de vaincre : Parallèle avec Hannibal et Napoléon Iᵉʳ

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