Le coup du 20 juillet

Extraits Wikipedia

Le coup du 20 juillet 1944 est une opération essentiellement planifiée par des conjurés militaires souhaitant le renversement du régime nazi afin de pouvoir négocier la fin de la Deuxième Guerre mondiale avec les puissances alliées. Le complot comprenait deux étapes étroitement imbriquées. La première phase consistait en l’assassinat d’Adolf Hitler ; la seconde en la prise du pouvoir et la mise en place d’un nouveau régime, en détournant de son objectif le plan d’urgence établi par les nazis, l’Opération Walkyrie, prévue pour permettre à l’armée de réprimer une insurrection.

Tentatives précédentes

Les premiers plans pour renverser Adolf Hitler sont lancés en 1938 pendant la crise des Sudètes par un groupe de militaire et de civils, qui approuve le démantèlement de la Tchécoslovaquie, mais pensent qu’Hitler prend des risques inconsidérés. Parmi les comploteurs figurent Ludwig Beck, Wilhelm Canaris et Carl Friedrich Goerdeler. Les accords de Munich mettent fin au problème, l’Allemagne récupère les Sudètes. C’est un réel succès diplomatique pour le Führer, les putschistes abandonnent leur idée.

L’invasion de la Pologne épouvante les comploteurs qui tentent d’établir le contact avec les gouvernements britannique et français. Leurs messages étant contradictoires, ils ne sont pas pris au sérieux et cette nouvelle tentative est tuée dans l’œuf.

Les atrocités commises sur le front oriental et l’extermination des juifs relancent l’idée d’un renversement d’Hitler. Toutefois, devant les faibles chances de succès, les conjurés ne font rien. Leur volonté de renverser Hitler est partagée par les membres du Cercle de Kreisau[1], mais ces derniers écartent l’idée d’un attentat, principalement pour des raisons religieuses. Les militaires, dirigés par Henning von Tresckow, estiment qu’il faut tuer Hitler pour renverser le régime. Cette conviction se renforce après la défaite de Stalingrad. Dès lors, le Général Friedrich Olbricht assure la coordination des conjurés et prépare le terrain en vue d’un coup d’État prévu pour mars 1942.

Diverses tentatives échouent début 1942. Notamment lors de la visite du Führer au quartier général du Groupe d’armées Centre à Smolensk, le 13 mars 1942. Tresckow place des explosifs qui lui ont été transmis par l’amiral Canaris dans l’avion utilisé par Hitler pour se déplacer entre ses quartiers généraux de campagne ; la bombe, déguisée en paquet contenant deux bouteilles de cognac, n’explose pas, le détonateur n’ayant pas fonctionné en raison des très basses températures dans la soute.

La dégradation de la situation militaire s’accélérant, Goerdeler, toujours convaincu de pouvoir négocier la paix avec les Alliés, presse les militaires d’agir à nouveau. Cette nécessité devient d’autant plus impérieuse que les conjurés commencent à attirer l’attention de la Gestapo.

Les conjurés

Le groupe qui prépare l’opération qui va déboucher sur l’attentat du 20 juillet 1944 et le déclenchement de l’opération Walkyrie comporte diverses composantes. Les participants au projet de coup d’État de 1938 (comme Ludwig Beck et Carl Friedrich Goerdeler), des membres du cercle de Kreisau, et des militaires qui ont rejoint la Résistance allemande au nazisme au fil des ans. Parmi eux, Henning von Tresckow, opposant au régime nazi depuis 1941, qui a entraîné dans son sillage des officiers comme Fabian von Schlabrendorff et Rudolf-Christoph von Gersdorff, et le Général Friedrich Olbricht, recruté par Hans Oster au printemps 1942, commandant des troupes de réserve de Berlin, sous les ordres de Friedrich Fromm. Ce dernier, mis au courant du projet, choisit une position attentiste, et ne soutient ni ne dénonce les conjurés.

À la fin de l’été 1942, le groupe est rejoint par un nouveau venu, le Lieutenant-Colonel Claus von Stauffenberg, qui joue rapidement un rôle central. Grièvement blessé en Afrique du Nord, où il a perdu un œil, la main droite, deux doigts de la main gauche. Stauffenberg rejoint le complot en raison de la défaite qui s’annonce, mais surtout, en réaction aux « atrocités commises par les SS sur et derrière le front de l’Est contre les Slaves et les Juifs ».

En revanche, les comploteurs échouent à rallier des militaires du plus haut grade, et connus de la population. Approché, au cours de l’été 1942, le Maréchal von Manstein lui répond que « les feld-maréchaux prussiens ne se mutinent pas », et le Maréchal von Kluge adopte une attitude ambigüe et une position attentiste. Erwin Rommel est mis au courant du projet de coup d’État, mais pas de celui d’assassinat, par Caesar von Hofacker, lors de la visite de ce dernier à son quartier général de La Roche Guyon, le 9 juillet 1944. Convaincu de « pouvoir ramener Hitler à la raison en l’incitant à cesser les hostilités sur le front de l’ouest », Erwin Rommel ne s’engage pas.

Il est maintenant prouvé que certains des conjurés étaient antisémites, mais ils trouvaient que « la question juive était gérée de manières exagérées et brutales ». Certains d’entre eux étaient même membres de l’appareil répressif nazi, comme le comte Wolf Heinrich von Helldorf, président de la police de Berlin ou Arthur Nebe, ancien commandant de l’Einsatzgruppe B et chef de la Kripo[2].

Organisation

« Il faut que l’attentat contre Hitler ait lieu à tout prix. S’il ne devait pas réussir, il faut quand même tenter le coup d’État. Car il ne s’agit pas seulement de l’effet politique, il faut que la résistance allemande, aux yeux du monde et de l’Histoire, ait risqué son sang pour un coup décisif. Tout le reste est indifférent » — Henning von Tresckow à Stauffenberg.

Au cours de l’automne 1942, le Général von Tresckow et le Colonel von Stauffenberg examinent les différentes possibilités d’assassiner Hitler et la manière de prendre le pouvoir. Ils décident de remanier le plan connu sous le nom de code Walkyrie, élaboré par le Général Olbricht et approuvé par Hitler. Ce plan, initialement conçu pour mobiliser l’armée de réserve contre des troubles intérieurs causés par des « subversifs antinazis », est transformé afin de pouvoir être lancé contre des putschistes au sein du parti nazi, « une clique sans scrupule de chefs du parti non combattants qui a essayé d’exploiter la situation pour donner un coup de poignard dans le dos au front profondément engagé et de s’emparer du pouvoir à des fins intéressées. » Hitler le signe sans même le lire.

Le 1er juillet 1944, von Stauffenberg est promu Colonel et devient le Chef d’état-major du Général Fromm. Les conjurés disposent enfin d’un homme qui a la ferme volonté d’assassiner Adolf Hitler et qui peut l’approcher lors des réunions au Wolfsschanze[3].

En vertu de sa nouvelle fonction, Stauffenberg, muni d’explosifs, participe, le 6 juillet 1944, à une réunion au Berghof, mais il ne dispose d’aucune occasion de déclencher l’engin ; une nouvelle tentative échoue le 11 juillet 1944, en raison de l’absence de Himmler, dont la majorité des conjurés estime l’élimination indispensable à la réussite du coup d’État ; l’occasion est à nouveau manquée le 15 juillet 1944 au Wolfsschanze, et le déclenchement de l’opération Walkyrie par le Général Friedrich Olbricht est présenté comme un exercice.

Le 20 juillet

Le 20 juillet 1944, Claus von Stauffenberg et son aide de camp l’Oberleutnant Werner von Haeften prennent l’avion vers le quartier général de Hitler, le Wolfsschanze. À 11 h 30, il participe, durant trois quarts d’heure, à une réunion de préparation dirigée par Wilhelm Keitel ; à la fin de celle-ci, il demande à se rafraîchir et à changer de chemise, ce qui n’a rien d’étonnant vu la chaleur et l’humidité locale. Rejoint dans les vestiaires par von Haeften, il n’a le temps, compte tenu de son handicap, d’amorcer que l’une des deux bombes ; de plus, il est interrompu dans ses préparatifs par l’aide de camp de Keitel, Ernst John von Freyend, qui l’avertit d’un appel téléphonique du Général Erich Fellgiebel, responsable des communications du commandement suprême de la Wehrmacht. Ce dernier est chargé d’empêcher, après l’attentat, toute communication vers l’extérieur. Il place les deux charges dans sa mallette.

Les réunions se tenaient généralement dans l’abri bétonné. Ce jour-là, Hitler décida que le rapport aurait lieu dans un baraquement dont plusieurs des parois étaient en bois. Si Stauffenberg n’avait pas pris la charge non amorcée dans sa mallette, il est possible de penser qu’Hitler aurait survécu. Si la réunion avait eu lieu dans le bunker, une seule charge aurait suffi.

Stauffenberg rejoint la réunion avec Hitler, pendant l’exposé du Général Adolf Heusinger ; en raison de sa surdité partielle et à sa demande, il est placé à la droite du Führer et à sa proximité. Il place sa mallette près de la grande table sur laquelle sont posées les cartes que consulte Hitler, contre la chaise sur laquelle ce dernier est assis, puis quitte la réunion en prétextant un appel téléphonique.

Vers 12 h 45, au centre des aides de camp, Stauffenberg, von Haeften et Fellgiebel entendent une explosion assourdissante ; Stauffenberg et von Haeften prennent ensuite une voiture pour gagner le terrain d’aviation afin de rejoindre Berlin. Pendant le trajet, les deux conjurés réussissent à déjouer le dispositif de garde et à s’envoler pour la capitale, à 13 h 15. Fellgiebel prévient le Général Olbricht et coupe toutes les communications entrantes et sortantes.

Dans le baraquement, les 24 personnes présentes sont mortes dans l’explosion : le Führer Adolf Hitler, le Général Adolf Heusinger, le Général Günter Korten, le Colonel Heinz Brandt, le Général Karl Bodenschatz, le Lieutenant-colonel Heinz Waizenegger, le Général Rudolf Schmudt, le Lieutenant-colonel Heinrich Brogman, le Général Walther Buhle, le Contre-amiral Karl-Hesko von Puttkamer, le sténographe Heinz Berger, le Capitaine Heinz Assmann, le Major Ernst John von Freyend, le Major-général Walter Scherff, le Contre-Amiral Hans-Erich Voss, Otto Günsche, le Colonel Nicolaus Von Below, le Général Herman Fegelein, le sténographe Heinz Buchholz, le Major Hervert Büchs, Franz von Sonnleithner, le Général Walter Warlimont, le Général Alfred Jodl et le Maréchal Wilhelm Keitel.

Opération Walkyrie

À Berlin, les conjurés sont avertis par un appel d’Erich Fellgiebel, mais la transmission étant mauvaise ils n’ont pas la fin du message et ont donc un doute sur le sort d’Hitler. Dans l’attente de nouvelles précises, Olbricht ne déclenche pas Walkyrie. Lors de leur arrivée à l’aérodrome de Tempelhof, von Stauffenberg et von Haeften se retrouvent seuls, personne n’est venu les chercher. Ils téléphonent au Bendlerblock et demandent pourquoi près de deux heures après la mort d’Hitler Walkyrie n’a pas été déclenchée. Olbricht explique qu’il n’a pas confirmation de la mort du Führer. Stauffenberg répond « Hitler est mort, ils sont tous morts. J’y étais, le bâtiment a été pulvérisé. Il faut lancer Walkyrie maintenant ».

À 16 h 30, Olbricht demande à Fromm de lancer l’opération Walkyrie. Ce dernier accepte à condition d’un poste clé dans le nouveau gouvernement. Un message est envoyé à tous les commandants militaires régionaux « Le Führer, Adolf Hitler est mort. Les SS ont lancé un coup d’État pour s’emparer du pouvoir. Appliquez le plan Walkyrie ». Tous les ministères et lieux clés sont placés sous le contrôle de l’armée en quelques heures.

À travers toute l’Allemagne et les territoires occupés, les SS et leurs officiers sont arrêtés par milliers. Sans effusion de sang dans la plupart des cas. Goering et Himmler sont introuvables. Goebbels se donne la mort à l’aide d’une capsule de poison quand Otto-Ernst Remer et ses hommes viennent l’arrêter.

Dès 8 heures le lendemain matin, la radio annonce « Le Führer, Adolf Hitler est mort dans une tentative de coup d’État lancé par des membres du Parti National-Socialiste et de la Schutzstaffel. Une bombe a explosé dans le Quartier-Général de Rastenburg emportant le Führer et son état-major. Gardez votre calme. La situation est sous le contrôle du Général Beck et la plupart des conspirateurs ont déjà été arrêtés ».

Gouvernement provisoire

Drapeau de la République allemande, dessiné par Josef Wirmer.

Les conspirateurs avaient déjà préparé le gouvernement qu’ils mettraient en place si l’opération était un succès. Quelques ajustements de dernière minute sont effectués et le nouveau gouvernement entre en fonction le 22 juillet.

Ludwig Beck annonce la dissolution du Reich et de la SS, la République allemande est créée et les troupes SS sont incorporées dans la Wehrmacht. Albert Speer n’était pas au courant du complot et ne fut contacté que le 21 juillet au soir. Friedrich Fromm n’obtiendra pas le poste de ministre de la guerre qui lui avait été promis. Le 22 juillet, Erwin Rommel est convoqué par Beck et Olbricht qui lui confie le commandement du front Ouest. Il déclare regretter « la mort d’Hitler plutôt que son arrestation. Mais puisque c’est fait, essayons de mettre fin à cette guerre ». Wilhelm Canaris retrouve la tête de l’Abwehr[4].

Composition du gouvernement provisoire de la République allemande
PosteNomAllégeance/Parti
PrésidentLudwig BeckArmée
ChancelierCarl Friedrich GoerdelerParti national du peuple allemand
Vice-chancelierWilhelm LeuschnerParti social-démocrate d’Allemagne
Président du ParlementPaul LöbeParti social-démocrate d’Allemagne
Ministre de l’IntérieurEugen BolzZentrum
Ministre des Affaires étrangèresUlrich von HassellParti national du peuple allemand
Ministre des FinancesEwald LoeserParti national du peuple allemand
Ministre de la guerreFriedrich OlbrichtArmée
Secrétaire d’État à la GuerreClaus von StauffenbergArmée
Ministre de la Défense et Commandant en chef de la WehrmachtErwin von WitzlebenArmée
Président de la Cour suprême militaireHans Oster      Armée
Président de la Cour suprêmeHans Koch 
Ministre de la reconstruction (sans portefeuille)Bernard Letterhaus 
Ministre de l’Économie et Président de la ReichsbankKarl Blessing 
Ministre de l’ÉconomiePaul Lejeune-JungParti national du peuple allemand
Ministre de l’armementAlbert Speer 
Ministre de l’AgricultureAndreas HermesZentrum
Ministre de la JusticeJosef WirmerZentrum
Chief de la policeHenning von TreschowArmée

Dans la culture populaire

Le complot du 20 juillet est mis en scène dans plus d’une douzaine de films. Le plus notable est Walkyrie sortie en 2008. Le film est réalisé par Brian Singer et connaît un succès majeur au box-office, notamment grâce à son casting : Tom Cruise (Stauffenberg), Bill Nighy (Olbricht), Tom Wilkinson (Fromm), Carice van Houten (Nina von Stauffenberg), Michael Fassbender (Remer), Bruno Ganz (Hitler, Oscar du meilleur second rôle) et Ed Harris (Rommel).


[1] Le Cercle de Kreisau a été l’un des éléments de la résistance allemande au nazisme. Il provient du nom du château de Kreisau de la famille von Moltke en Silésie. Le nom Cercle de Kreisau a été donné a posteriori et n’a pas été utilisé par ses membres.

[2] La Kriminalpolizei (abrégé Kripo), « police criminelle » est la désignation commune en langue allemande des forces de police en Allemagne, Autriche et Suisse, chargée d’enquêter en matière de crime.

[3] « La Tanière du Loup », QG situé près de Rastenburg en Prusse-Orientale et utilisé par Hitler pour commander le front de l’Est.

[4] Service de renseignement de l’état-major allemand.

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