Mitsubishi L-5M1 (A-26)

Extraits de « Les Ailes d’Argent » Henri Abel Cécillon.

Le Ki-77 est donc un avion expérimental à très long rayon d’action destiné à établir des records. Son nom est initialement A-26. Le « A » pour son sponsor qui n’est autre que le journal Asahi Shimbun qui avait déjà sponsorisé le Mitsubishi Ki-15 Kamikaze. Le chiffre « 26 » marque les 26 siècles d’existence la dynastie Yamato. Le projet devait permettre de réaliser un vol depuis Tōkyō jusqu’à New York sans escale.

L’appareil est conçu sous la direction du Dr Hidemasa Kimura de l’Institut de recherche aéronautique de l’Université de Tōkyō. La fabrication est confiée à Tachikawa Hikōki. La conception est achevée à l’automne 1940 et le premier vol est attendu en 1941, mais la guerre qui éclate va voir les ressources être réorientées vers des projets plus importants.

Le Ki-77 comprenait un certain nombre de nouveautés, notamment :

  • Une aile à flux laminaire à rapport d’aspect élevé permettant réduire la traînée
  • Une cabine étanche, mais non pressurisée pour réduire le besoin de masques à oxygène durant le vol
  • Des capots spéciaux à faible traînée

On aurait pu s’attendre à ce que l’avion ne vol jamais, mais finalement suite au vol d’un Savoia-Marchetti S.M.75GA depuis l’Europe jusqu’au Japon (avec deux escales) le Japon décide, à l’initiative de la Marine impériale. En conséquence, le développement du A-26/Ki-77 reprend, mais sous la direction de Mitsubishi. Malgré le changement de dénomination officielle « L-5M1 », l’appareil sera généralement appelé A-26. Sur ordre secret du ministre de la Marine Shigetarō Shimada, l’équipage de la société Asahi Shinbun passé sous les ordres de la marine fut alors chargé d’ouvrir une liaison secrète entre le Japon et l’Allemagne.

Trois L-5M1 furent mis au point. Le premier, sobrement appelé N° 1, réussit son premier vol le 18 novembre 1942. À cause d’une construction précipitée, l’appareil N° 1 était de mauvaise finition et plusieurs fuites de carburant furent détectées. Grâce à l’expérience tirée de la construction du premier appareil, les N° 2 et N° 3 achevés en octobre et en novembre 1942 furent d’une excellente finition.

Le n° 2 effectua, jusqu’en décembre 1942, différents vols puis établie un record de distance sans-escale en bouclant un circuit de 16 435 km en 57 heures au-dessus de la Mandchourie. Le record tiendra jusqu’en 1946.

Le 18 novembre 1942 à 5 h 38, alors que l’appareil n° 1 vol enfin, le N° 3 décolla dans le plus grand secret de l’aérodrome de Kallang à Singapour pour Postdam en Allemagne. À son bord, le pilote Jūkō Nagatomo, le copilote Hajime Kawasaki, les ingénieurs de vol Kenji Tsukagoshi et Noriyoshi Nagata ainsi que l’opérateur radio Motohiko Kawashima ainsi que deux ingénieurs de la Marine et la documentation technique du porte-avions Akagi afin d’aider les Allemands à terminer leur porte-avions Graff Zeppelin. Il s’agit du premier vol de l’opération Tenshi (Ange en français), constitué d’un à deux vols par mois et ayant pour but l’échange de données techniques et technologiques. L’itinéraire de la « ligne » est le suivant : décollage depuis Singapour, survole de l’océan Indien par le sud, survol du golfe Persique par l’Arabie, l’Irak, la Syrie, suivit de la Turquie et l’Europe de l’Est jusqu’en Allemagne. En effet, le Premier ministre et général Hideki Tōjō s’oppose à toute violation de l’espace aérien soviétique. L’appareil atteint Postdam le 20 novembre 1942 à 17 h 27 en 59 heures et 49 minutes.

Impressionné par les résultats de l’appareil, Hideki Tōjō demande le transfert de l’appareil n° 1, sous l’appellation Ki-77, à l’Armée impériale ou il sert d’appareil de liaison entre le Japon et l’Asie du Sud-Est. Deux autres Ki-77 seront construits pour l’armée, cette fois-ci par Tachikawa. En parallèle, la Marine impériale commande, elle aussi, un troisième appareil pour des liaisons entre le Japon et l’Asie du Sud-Est. Il est utile de rappeler qu’à l’époque la Marine et l’Armée disposent chacune de leurs propres forces aériennes et que les moyens ne sont pas mutualisés du fait de la rivalité entre les deux armes.

Le vol de l’opération Tenshi se déroulant dans le plus grand secret, équipage de la marine n’est accueilli que par quelques dignitaires et l’ambassadeur du Japon en Allemagne, Hiroshi Ōshima. », les L-5M1 N° 2 et N° 3 initièrent l’Opération Tenshi. Il s’agissait d’opérations d’échanges technologiques. Toutefois, ces opérations avaient leurs limites, car pour effectuer un tel trajet, l’A-26 ne pouvait transporter qu’environ 150 kg en plus de son équipage. Tenshi s’attacha donc essentiellement au transport de plans, de courriers diplomatiques et de personnels. La plupart des opérations effectuées restent encore inconnues à ce jour, bien qu’un à deux vols aller-retour aient eu lieu chaque mois. Ces vols durèrent jusqu’à la déclaration de guerre du Japon à l’Allemagne.

Ensuite, le terminus de la liaison fut déplacé en Suisse sous la supervision de l’ambassadeur japonais Shun’ichi Kase. L’opération se poursuivit pendant encore quelques mois après la capitulation du IIIème Reich. La plupart des informations concernant l’opération Tenshi restent inaccessibles, les archives ayant été « perdues » ou détruites. L’un des transfuges allemands identifiés est Anton Flettner qui aidera l’entreprise Kayaba à développer les premiers hélicoptères japonais[1]. Comme la plupart des transfuges allemands, il sera plus tard échangé aux Américains contre des aides économiques et techniques. Selon les rumeurs, lors de son dernier vol depuis l’Allemagne l’A-26 n° 2 ramena 50 kg d’uranium ou de plutonium. Toutefois, rien ne permet de vérifier cette allégation.

En 1946, Tachikawa construit un prototype désigné Ki-82, utilisant deux moteurs Mitsubishi-Nakajima Tenbatsu[2] dans le but de développer un transport rapide dépassant les 800 km/h. Comme les « A-26 » précédents, l’avion est assemblé en atelier de manière quasi artisanale et n’aura jamais de ligne de production dédiée. L’appareil est détruit par l’embrasement d’un de ses moteurs lors des premiers essais de roulage et aucun document ne subsiste.

Après la guerre, en 1947, l’ensemble des « A-26 » sont transférés à la marine. Six des appareils restent destinés au transport sous l’appellation L-5M1. Deux autres sont destinés aux vols de reconnaissance sous l’appellation R-3M. Avec les changements d’appellation d’après-guerre, les appareils changent à nouveau d’appellation et deviennent l’avion de reconnaissance T-1 et l’avion de transport Y-1. Tachikawa, pour le compte de Mitsubishi, assemble quatre autres appareils entre 1947 et 1948. Ils sont destinés aux liaisons diplomatiques urgentes depuis le Japon vers l’Europe et l’Amérique et sont opérés par la nouvelle compagnie nationale Japan Airlines[3] sous l’appellation RK-1.

Variantes

  • L-5M1 : version construite par Mitsubishi et utilisée comme avion de transport par la Marine impériale japonaise
  • Ki-77: version construite par Tachikawa par l’Armée impériale japonaise
  • R-3M : version construite par Mitsubishi et utilisée comme avion de reconnaissance par la Marine impériale japonaise
  • Ki-82: version construite par Tachikawa équipé de moteurs Mitsubishi-Nakajima Tenbatsu
  • RK-1 : version « civile » utilisée pour les liaisons diplomatiques urgentes et opéré par Japan Airlines
  • T-1 : désigne indistinctement les appareils construits par Mitsubishi et Tachikawa utilisé comme avion de reconnaissance
  • Y-1 : désigne indistinctement les appareils construits par Mitsubishi et Tachikawa utilisé comme avion de transport
RK-1 opéré par Japan Airlines

Spécifications

Caractéristiques générales

  • Equipage: 5 (1 pilote, 1 copilote, 2 ingénieurs de vol, 1 opérateur radio)
  • Longueur : 15,3 m
  • Envergure : 29 438 m
  • Hauteur : 3,85 m
  • Poids à vide : 7 237 kg
  • Poids total : 16 725 kg
  • Capacité en carburant : 11 155 l
  • Propulsion : 2 × Moteurs à pistons radiaux de 14 cylindres à deux rangées de cylindres refroidis par air Nakajima Ha-115 « Sakae » produisant 1 170 CV chacun au décollage et 1 000 CV à 4 300 m
  • Hélice : Hélices tripales métalliques à vitesse constante

Performances

  • Vitesse maximale : 440 km/h 4 600 m
  • Vitesse de croisière : 300 km/h
  • Rayon d’action : 18 000 km
  • Plafond opérationnel : 8 700 m
  • Temps jusqu’à l’altitude : 6 000 m en 24 minutes

[1] En 1947, conformément à l’accord conclu entre les États-Unis et le Japon, Flettner est confié aux autorités américaines dans le cadre de Paperclip.

[2] Voir Mitsubishi A8M2, Au Bord de l’Abîme, Cycle 2.

[3] Dans l’univers d’Au Bord de l’Abîme, le Japon entame sa « reconstruction » et sa modernisation plus tôt, JAL est créé dès 1947. La création d’une compagnie aérienne nationale japonaise permet de faire tourner les usines et de recycler les pilotes des forces armées.

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