Opération TA, le deuxième raid de l’océan Indien

Extraits de « Un océan de feu : La guerre du pacifique 1941-1944 » — Joe Chevalier — BBG Publishing.

Le 2ème raid de l’océan indien (connu sous le nom opération TA pour Taifuu) généralement appelé Opération Typhoon est une offensive aéronavale japonaise contre les bases britanniques de la baie du Bengale. L’opération devait aussi permettre l’acheminement de renforts conséquents pour les troupes japonaises en Birmanie en préparation de l’opération U-Go.

Contexte

Après avoir notablement réduit les fronts, l’Empire du Japon souhaite déstabiliser les Indes britanniques pour pousser les Américains à attaquer le nouveau périmètre défensif japonais.

Pour se faire, une opération aéronavale doit frapper durement les possessions bratinique dans le Bengale afin de créer la panique tout en couvrant l’acheminement de renfort en Birmanie en vue d’une offensive terrestre ayant pour but de couper la route de ravitaillement reliant l’Inde à la Chine.

Stratégie

La flotte japonaise doit se regrouper et se ravitailler à Singapour avant de partir le 15 juillet 1943 au Sud pour passer par le détroit de Sunda entre les îles de Sumatra et de Java. La manœuvre doit permettre d’éviter des éventuels avions de reconnaissance britannique dans les îles Andamans. La flotte doit ensuite remonter au Nord pour frapper les bases de Colombo et Trincomalee sur l’île de Ceylan (actuel Sri Lanka) et les bases de Dacca et Chittagong (actuel Bengale). Il est aussi prévu que des appareils se montrent dans le ciel de Calcutta qui est l’un des principaux centres des organisations révolutionnaires et indépendantistes indiennes. Dans le même temps, une force de raid doit s’attaquer au trafic maritime.

Ordre de Bataille

Flotte d’attaque sur les bases britanniques (commandé par le Vice-Amiral Chuichui Nagumo) :

  • 1ère Division de porte-avions (Vice-Amiral Chuichui Nagumo) : porte-avions Shokaku (15 A6M Reisen, 27 B5N Kankō, 27 D3A Kanbaku), porte-avions Zuikaku (15 A6M Reisen, 27 B5N Kankō, 27 D3A Kanbaku), destroyers Akigumo et Oboro.
  • 2ème Division de porte-avions (Contre-Amiral Munetaka Sakamaki) : porte-avions Jun’yō (18 D3A Kanbaku, 18 B5N Kankō, 16 A6M Reisen) et porte-avions Hiyō (27 Reisen, 6 B6N Tenzan, 18 Kanbaku)
  • 3ème Division de cuirassés (Vice-Amiral Gunichi Mikawa) : Cuirassés Kongo, Haruna, Hiei et Kirishima.
  • 8ème Division de croiseurs (Vice-Amiral Hiroaki Abe) : Croiseurs Tone et Chikuma.
  • 2ème Escadron de destroyers (Contre-Amiral Raizo Tanaka) : Croiseur léger Jintsu, 8ème Division de destroyers (Arashio, Asashio, Oshio, Michishio) et 15ème Division de destroyers (Hayahshio, Kuroshio, Oyashio).
  • 3ème Division de porte-avions (Vice-Amiral Torao Kuwabara) : porte-avions léger Hōshō (15 A6M Reisen), porte-avions Zuihō (15 A6M Reisen, 8 D3A Kanbaku, 7 B5N Kankō), porte-avions Ryūhō (15 A6M Reisen, 8 D3A Kanbaku, 8 B5N Kankō), destroyers Yukaze et Minekaze.
  • 1ère flotte de soutien : Ravitailleurs Kyokuto Maru, Kenyo Maru, Kokuyo Maru, Shinkoku Maru, Akebobo Maru escortés par la 18ème Division de destroyers (appartenant au 2ème Escadron de Tanaka) Kagero, Shiranuhi, Kasumi.

Force de Raid (commandée par le Vice-amiral Kakuji Kakuta) :

  • 4ème Division de porte-avions (Vice-Amiral Kakuji Kakuta) : porte-avions léger Ryūjō (22 A6M Reisen, 18 B5N Kankō), destroyers Hokaze et Shiokaze.
  • 16ème Division de croiseurs (Vice-Amiral Ibo Takahashi) : croiseurs Ashigara et Kuma.
  • 16ème Division de destroyers (appartenant au 2ème Escadron du Contre-Amiral Tanaka) : destroyers Amatsukaze, Yukikaze et Tokitsukaze
Les porte-avions Shokaku et Zuikaku à Palau.


Déroulement de l’opération

Le 15 juillet 1943, les navires japonais quittent Singapour et se dirigent au Sud et passent le détroit de Sunda entre Sumatra et Java le 16 juillet avant le lever du soleil. Toutes les communications radio cessent, les navires doivent s’en tenir au plan établi (avec une marge de manœuvre en cas de problème). Les communications ne se feront plus que par signaux lumineux. Les seules personnes autorisées à rompre le silence radio en cas de nécessité sont Nagumo et Kakuta.

L’avant-garde japonaise sort du détroit de Sunda.

Dans l’après-midi du 18 juillet, un Catalina de la Royal Navy en reconnaissance à 80 km au sud-ouest des Andaman disparaît. Il a été abattu par une patrouille de trois Reisen de la Marine japonaise qui lui est tombée dessus par hasard en sortant d’un nuage, il s’écoule plusieurs heures avant que la Royal Navy ne s’en inquiète.

Le 22 juillet à 5 h 20, la première vague d’attaque japonaise décolle pour frapper Trincomalee, elle compte 3 appareils d’observation D4Y, 38 Reisen, 46 B5N Kankō et 53 D3A Kanbaku. Au même moment, la base britannique de Trincomalee fait décoller un Sunderland pour retrouver le Catalina disparu la veille. À 6 h 40, la seconde vague japonaise décolle, elle est composée de 2 appareils d’observation, 38 Reisen, 47 B5N Kankō et 53 D3A Kanbaku. Seuls 27 Reisen du Hiyō et 15 du Hōshō assurent la couverture de la flotte de Nagumo. À 6 h 10, un Sunderland britannique est abattu par les chasseurs de la première vague japonaise sans avoir eu le temps d’informer sa base. Les Britanniques font face à un autre problème, car les radars de la base de Trincomalee sont éteints pour cause de maintenance. Le hasard veut que ce fût déjà le cas lors de l’Easter Sunday Raid[1] du 9 avril 1942. Ils ne savent donc pas qu’un raid massif se dirige sur eux.

Pendant ce temps, le raid vers Colombo passe lui aussi inaperçu, car les appareils japonais coupent à travers les terres. Sans le savoir, ils passent ainsi dans une zone qui ne bénéficie pas de couverture radar.

À 7 h 55, les appareils japonais sont sur Trincomalee. Les vigies britanniques ne les ont aperçus que 5 minutes avant leur arrivée, ainsi la plupart des canons antiaériens ne sont pas encore prêts à défendre la base. Le port est relativement désert, car l’Eastern Fleet est en mer d’Arabie. Toutefois, raid japonais est dévastateur, en moins d’une heure huit cargos et trois destroyers sont détruits (HMAS Norman, HMS Caradoc et HMS Scout[2]). Les installations portuaires sont gravement endommagées ainsi que les principaux dépôts de carburant. Enfin les 22 Hurricanes et les 9 Blenheim de la RAF ont tous été détruit au sol et dans les airs. Les pertes japonaises sont incroyablement basses, sur les 137 avions engagés seulement 3 ont été perdus : 1 Reisen, 1 Kanbaku et 1 Kankō.

Presque au même moment, la deuxième vague d’attaque japonaise atteint Colombo. Le raid ayant été repéré par une vigie britannique, les 42 Hurricanes et 6 Mosquitos présents commencent à décoller. Les Swordfishs et Albacores décollent pour s’éloigner de la zone des combats et rester en sécurité. Les Japonais font face à un tir nourri de la DCA britannique en plus des 28 Hurricanes et 2 Mosquitos qui ont réussi à décoller. Le raid dure un peu plus d’une heure et est dévastateur : les pistes sont en grande partie détruites ou endommagées ainsi que la moitié des installations. Dans la baie et le port, pas moins de 11 navires sont coulés. En revanche, les pertes japonaises sont bien plus élevées qu’à Trincomalee avec 23 avions perdu sur 138 : 6 Reisen, 8 B5N Kankō et 9 D3A Kanbaku.

Les Albacors et Swordfishs.

En fin de matinée, les derniers appareils japonais regagnent leurs porte-avions. La première phase de l’opération TA est un succès et Yamamoto déclara plus tard à ce sujet « C’était notre succès le plus éclatant depuis Pearl Harbor. » La flotte de Nagumo entame alors sa remontée vers le Nord pour frapper Calcutta, Dacca et Chittagong. La force de raid du Vice-Amiral Kakuta commence quant à elle sa chasse au trafic maritime.

Dans sa biographie, Charles Ralfe Thompson, l’aide de camp du Premier ministre relate que ce dernier est rentré dans une rage folle en apprenant la nouvelle du raid sur Ceylan et aurait ravagé son bureau. D’après Thompson, le hasard faisant que le raid n’ait pas été détecté, car les radars étaient en maintenance comme en 1942 serait l’une des principales causes de cette colère.

Le 23 juillet 1943 à l’aube, les appareils britanniques restants partent à la recherche d’une hypothétique flotte d’invasion japonaise. Ne trouvant rien, une reconnaissance offensive est lancée l’après-midi pour retrouver les porte-avions japonais. Les Britanniques supposent que les Japonais on fait demi-tour pour regagner leur base, ils cherchent donc en direction des Andamans, sans résultat.

Le 24 juillet, les Catalinas en patrouille reçoivent des appels émis par le Liberty ship Elias Howe à 400 km au sud de Ceylan. Arrivés sur zone, ils ne trouvent que des débris et deux survivants. En fait, Kakuta envoie ses avions par petits groupes pour patrouiller dans plusieurs zones. Les pilotes japonais ont pour ordre de couler tous les navires rencontrés, ainsi les Britanniques vont chercher un peu partout sans jamais trouver la force de raid japonaise. Pendant ce temps, la flotte de Nagumo est quasiment à portée des bases de Dacca, Chittagong et Calcutta, l’attaque peut commencer dès le lendemain matin. Les forces britanniques de la région restent en alerte en attendant de savoir si oui ou non les Japonais sont encore dans la région, la météo de la période de mousson ne facilite pas la tâche des rares appareils de reconnaissance britannique en état de voler.

Le 25 juillet 1942, la deuxième et dernière phase de l’opération TA commence. À 5 h 30, les appareils japonais décollent et se séparent en deux groupes, le premier se compose de 34 A6M Reisen et 49 D3A Kanbaku et se dirigent vers Dacca, le second se compose 35 chasseurs et 48 bombardiers et vise Chittagong. Les B5N ne participent pas à la mission puisque les cibles sont terrestres, à la place les 84 torpilleurs sont affectés à des patrouilles visant à couler les navires civils et militaires présents dans la zone. 36 Reisen du Hiyō et du Hōshō assurent la couverture de la flotte et 6 autres se dirigent vers Calcutta pour se montrer dans le ciel de la ville.

À 6 h 40, la base Chittagong reçoit un message radio émanant de l’un de ses appareils de reconnaissance. Le message signale « six porte-avions ennemis, plus flotte de soutien, nombreux appareils ont décollés en direction du Nord ». Les Japonais ne savent pas qu’ils ont été repérés. Les Britanniques déclenchent l’alerte générale et transmettent le message à la base de Dacca, mais doivent patienter le temps que l’eau sur les pistes soit évacuée, car la base a subi une grosse pluie de mousson toute la nuit. À 7 h, la chasse britannique fait décoller ses Hurricanes et Spitfires. Vingt minutes plus tard, alors que beaucoup d’avions sont encore au sol les appareils japonais surgissent et attaquent les avions qui n’ont pas encore décollé, bombardent les installations et la DCA. Les pilotes de l’Indian Air Force se battent farouchement pendant une heure avant que les Japonais ne se replient hors du ciel de Dacca et de Chittagong.

Les appareils britanniques se regroupent en une formation de 55 appareils comptant 3 Spitfires, 20 Hurricanes, 7 Mosquitos, 9 Blenheim et 9 Beaufighters. Pendant ce temps, les appareils du raid japonais se dirigent vers leurs porte-avions. Les 36 Reisen chargés de protéger la flotte japonaise prennent les devants et surprennent les appareils de l’Indian Air Force à 8 h 30 en les attaquant depuis une altitude plus élevée. Les Japonais abattent 8 de leurs adversaires dès la première passe, mais les Britanniques gardent leur sang-froid et abattent 9 Japonais en retour tout en se rapprochant de la flotte japonaise qui commence à faire redécoller les chasseurs de la première vague au fur et à mesure de leur ravitaillement. L’Amiral Nagumo conscient du danger décide de mettre la météo à profit en dirigeant ses navires dans un grain au sud-ouest de sa position. À 9 h, les appareils britanniques sont sur le point d’atteindre la flotte japonaise, il reste 3 Spitfires, 11 Hurricanes, 5 Mosquitos, 5 Blenheim et 5 Beaufighters. Du côté japonais 21 des 36 Reisen ont été abattus et les manœuvres des porte-avions n’ont permis d’en faire décoller que 15 chasseurs supplémentaires.

À 9 h 25, pendant que les Spitfires, Hurricanes et Mosquitos combattent les Reisen, les dix bombardiers britanniques se jettent sur le porte-avions Hōshō. Ce dernier s’est retrouvé en queue de formation, car plus lent. À 9 h 28, trois Beaufighters mettent leurs torpilles à l’eau, mais le Hōshō parvient à les éviter par des zigzags à pleine vitesse. Malheureusement, ses manœuvres ralentissent porte-avions japonais et permettent à un Beaufighter de placer deux bombes de 250Kg qui traversent le pont d’envol avant d’exploser, laissant deux cratères et déclenchant un gros incendie. La chance du Hōshō est de ne plus avoir d’avions à son bord, il ne se trouve plus qu’à 2,5 km du grain dans lequel la flotte est en train de trouver refuge. Mais, sa chance tourne vite. À 9 h 59, un autre Beaufighter largue une bombe de 500 kg qui frôle le Hōshō et explose à hauteur du gouvernail. L’explosion soulève quelques instants l’arrière du navire, mais par miracle sa quille ne se brise pas. En revanche, on gouvernail est bloqué et le porte-avions se retrouve contraint à tourner en rond, totalement vulnérable face aux bombardiers ennemis, et ce alors qu’il était sur le point d’atteindre la sécurité du grain.

Le Hōshō en flamme à l’entrée d’un grain impressionnant.

À 10 h 8, le Hōshō est achevé par trois torpilles larguées par les Blenheim. Le navire prend plus 30° de gîte sur bâbord, machines arrêtées et commence à couler. Les pompes de secours ne démarrent pas pour une raison inconnue et l’évacuation générale est ordonnée à 10 h 26. Le navire, dont l’évacuation est toujours en cours, commence à couler par la proue à partir de 10 h 35 et complètement à la verticale six minutes plus tard. À 10 h 51, le porte-avions Hōshō disparaît dans le golfe du Bengale, seul 12 des 55 appareils britanniques ont survécu à ce raid.

La flotte de Nagumo sort du grain à 11 h 15 pour recueillir les naufragés du Hōshō et les appareils encore en vol. Les seuls autres navires endommagés sont deux destroyers de la 2ème Escadre. Le Vice-Amiral Torao Kuwabara qui commandait le Hōshō fait partie des est évacué de force par ses hommes, malgré une sévère commotion.

Pendant ce temps, le raid sur Calcutta s’est déroulé sans aucun problème. Les Reisen n’ont pas rencontré d’appareils ennemis et sont parvenus à se montrer dans le ciel de la ville et survoler la Calcutta High Court sans être touché par la DCA.

Conséquences

Après ce nouveau succès japonais, les Britanniques se retrouvent en difficulté dans la région. D’abord sur le plan militaire : près de la moitié, des avions ont été détruits et une grande partie des stocks de carburant d’aviation a brûlé.

En termes de perte, les Britanniques se satisfont que leur contre-attaque ait permis de couler un porte-avions ; malheureusement, il s’agit du plus petit et plus obsolète des porte-avions de la flotte japonaise. Sur les 275 avions engagés par la Marine japonaise seulement 46 ont été perdus, les Japonais n’avaient pas perdu aussi peu d’appareils depuis Pearl Harbor. Après un tel succès, la position de Nagumo sera beaucoup moins contestée qu’auparavant. À ce bilan s’ajoutent aussi 24 navires coulés : navires de pêche, pétroliers et cargos… De plus, pendant ce temps les renforts destinés au Général Yamashita ont été acheminés sans encombre en Birmanie.

Sur le plan stratégique, les choix japonais commencent à porter leurs fruits puisque, comme nous le verrons plus loin, les Britanniques vont presser les Américains de passer à l’offensive.

Sur le plan politique enfin, après ce nouveau raid, les populations du Ceylan et du Bengale ont de moins en moins foi dans les capacités britanniques à protéger les Indes. Les jours même, Calcutta est secoué par des manifestations parfois violentes. Certains citoyens du Raj sont tout simplement choqués par la « vulnérabilité de l’Empire ». D’autres groupes, tous indépendantistes, scandent des slogans anti-britanniques, voire même des slogans projaponais. Sous l’impulsion de ces indépendantistes, plusieurs émeutes vont secouer la région et la panique qui s’empare d’une partie de la population va aggraver la famine en cours.

Le 27 juillet 1943, une manifestation réunit environ 50 000 personnes à Calcutta autour du slogan « Si les Britanniques ne nous protègent pas, qu’ils quittent notre pays ! ». Le 2 aout, une soixantaine de pilotes de l’Indian Air Force lance une grève symbolique, afin de réclamer des renforts et du matériel. Sept jours plus tard, ce sont les dockers des ports indiens qui les imitent avec une semaine de grève soutenue par le soutien du Parti socialiste du Congrès et le Parti communiste d’Inde.

Le gouvernement britannique fait son possible pour réduire l’ampleur du mécontentement des Indiens, mais la seule vraie possibilité qui s’offre au Premier ministre Winston Churchill est de pousser le Président Roosevelt à accélérer le rythme des opérations de ses forces armées. En effet, déjà occuper en Europe, l’Empire britannique n’a pas, à court terme, beaucoup de moyens supplémentaires à déployer dans la région.

La famine du Bengale de 1943

Les causes de la famine qui frappa le Bengale à partir de 1943 sont nombreuses. D’abord, l’Empire britannique finance en partie son effort de guerre par l’inflation. Ainsi pour les paysans sans terre, les pêcheurs, les dépouilleurs de riz et de nombreux autres groupes le niveau de vie s’effondre rapidement dès les premières années du conflit.

Ensuite, à cause de la conquête de la Birmanie par le Japon, l’Inde se retrouve privée de 15 % de ses approvisionnements en riz et 20 % pour la seule région du Bengale. Les autorités britanniques craignant une attaque contre l’Inde via le Bengale, des mesures d’urgence sont prises pour garantir des stocks de nourriture aux troupes britanniques et empêcher les Japonais de s’en saisir en cas d’invasion. De grandes quantités de riz sont transportées vers le centre de l’Inde pour nourrir les troupes britanniques et indiennes ainsi qu’à Ceylan, largement dépendantes du riz birman. Certains y voient la principale cause du désastre alimentaire. Il faut ajouter une autre décision politique d’importance, une politique de la « terre brûlée » fut pratiquée dans la région de Chittagong, à proximité de la frontière birmane.

Cerise sur un gâteau bien amère, en octobre 1942 un cyclone frappe le Bengale et l’Orissa faisant 40 000 morts. Une grande partie des terres destinées à la production rizicole sont inondées, empêchant toutes récoltes. Face à la pénurie, les paysans sont contraints de piocher dans leur surplus pour se nourrir.

D’autres documents[3] établissent aussi des causes structurelles de famine sont antérieures à la guerre et indiquent qu’au moins la moitié des 46 millions de Bengalis dépendant de l’agriculture pour leur subsistance étaient en insécurité alimentaire.

La panique provoquée par le 2ème raid de l’océan indien puis par l’opération U-Go ne fera qu’aggraver cette crise.

Toutefois, selon Amartya Sen, la principale cause de la famine est la forte inflation du prix du riz. Les prix ayant plus que doublé, les populations les plus démunies ne pouvaient tout simplement plus se nourrir. Toujours selon Sen, c’est le caractère inattendu de la famine qui a conditionné la réponse léthargique des autorités au désastre.

À l’inverse, pour l’autrice Madushree Mukerjee la famine du Bengale est provoquée principalement par les réquisitions de l’armée britannique comme elle l’explique dans son livre « Le Crime du Bengale ». Selon elle, Churchill « [je] hais les Indiens. C’est un peuple bestial, avec une religion bestiale.[4] » Ainsi la priorité de Churchill est uniquement de « Nourrir les troupes sur les champs de bataille, ainsi que ses électeurs au Royaume-Uni. Les Indiens peuvent bien mourir de faim. »

Pendant la famine, des cargos venant d’Australie ont fait escale en Inde pour continuer d’exporter la nourriture d’Inde au prétexte qu’elle devait fournir de la nourriture pour le nouveau théâtre de guerre en Grèce et en Italie. Leo Amery, Secrétaire d’État pour l’Inde et la Birmanie, écrit dans son journal : « Winston a peut-être raison de dire que la famine des Bengalis, qui sont de toute façon sous-alimentés, est moins grave que celle des Grecs, qui sont solides, mais il ne tient pas suffisamment compte de la responsabilité de l’Empire dans ce pays.[5] » Glaçant.


[1] L’attaque sur Colombo (Sri Lanka) lors du 1er raid de l’océan Indien.

[2] HMAS Norman, destroyer de classe N, Royal Australian Navy/HMS Caradoc, croiseur léger classe C, Royal Navy/ HMS Scout, destroyer de S-class, Royal Navy.

[3] Report of the Land Revenue Commission of Bengal (1940) (Government of Bengal 1940b) et l’enquête agricole de l’Indian Statistical Institute publiée en 1946 (Mahalanobis, Mukherjea et Ghosh 1946).

[4] Churchill à Leo Amery, Secrétaire d’État pour l’Inde et la Birmanie. Complété de « Famine ou pas famine, les Indiens se reproduisent comme des lapins ».

[5] « How Churchill “starved” India », Soutik Biswas, BBC News, 28 octobre 2010.

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