Opération U-Go, l’invasion du Raj

Extraits de « Un océan de feu : La guerre du pacifique 1941-1944 » — Joe Chevalier — BBG Publishing.

L’Opération U-Go est une offensive de l’Armée impériale japonaise lancée le 8 août 1943 contre les possessions de l’Empire britannique en Inde. Visant les localités d’Imphāl et de Ledo, cette offensive a permis de couper la route de Birmanie et de déstabiliser les Indes britanniques. Déstabilisation qui impactera la région bien au-delà Seconde Guerre mondiale.

Contexte

Dans le cadre de la campagne de Birmanie de 1942, les Japonais avaient repoussé, à leur grande surprise, les forces britanniques, qui s’étaient repliées en Inde, dans la région de Manipur, laquelle comptait l’une des rares routes praticables reliant l’Inde à la Birmanie. L’objectif initial des Japonais était de capturer Rangoon, capitale et principal port du pays afin de couper la route de ravitaillement allié à destination de la Chine. La 15ème armée japonaise, sous les ordres du lieutenant-général Shōjirō Iida, composée initialement de seulement deux divisions d’infanterie lance depuis le nord de la Thaïlande une attaque à travers des chaînes de montagnes couvertes de jungle vers la province birmane méridionale de Tenasserim (aujourd’hui région de Tanintharyi) en janvier 1942. Face à l’offensive japonaise, on estime que 600 000 Indiens, Anglo-Indiens, anglo-birman et birman ou fuit la région, ce qui constitue à l’époque l’un des plis gros exode de l’histoire. Selon les mêmes sources, 80 000 personnes sont mortes de faim, d’épuisements ou de maladie sur cet exode.

Les Japonais attaquent s’emparent du port de Moulmein à l’embouchure de la rivière Salween après avoir vaincu une forte résistance. Ils avancent ensuite vers le nord, débordant les positions défensives britanniques. Les troupes de la 17ème division d’infanterie indienne tentent de battre en retraite par la rivière Sittaung, mais des groupes japonais atteignent le pont vital avant eux. Le 22 février, le pont a été démoli pour empêcher sa capture, piégeant les troupes indiennes. Une décision qui a depuis été extrêmement contestée.

Avec la perte de la 17ème division, Rangoon ne pouvait plus être défendue. Le général Archibald Wavell, commandant en chef du commandement américano-britannique, néerlandais et australien, ordonne néanmoins de tenir Rangoon, car d’importants renforts du Moyen-Orient sont en route. Bien que certaines unités soient arrivées, les contre-attaques ont échoué et le général Harold Alexander, nouveau commandant de l’armée birmane ordonne l’évacuation de la ville le 7 mars 1942 après la destruction de son port et de sa raffinerie de pétrole. Les restes de l’armée birmane s’éparpillent vers le nord, échappant de peu à l’encerclement.

Sur la partie orientale du front, dans la bataille de la route Yunnan-Birmanie, la 200ème division chinoise a résisté aux Japonais pendant un certain temps autour de Toungoo. Après cette défaite, la route est ouverte aux troupes motorisées de la 56ème division japonaise qui écrasent la 6ème armée chinoise à l’est dans les États Karenni et avancent vers le nord à travers les États Shan pour prendre Lashio, débordant les lignes défensives alliées et coupant les armées chinoises du Yunnan.

Après la chute de Rangoon, les Alliés tentent de résister dans le nord du pays (Haute-Birmanie), renforcés par une force expéditionnaire chinoise. Les Japonais reçoivent le renfort de deux divisions libérées par la chute de Singapour. Les Alliés sont également confrontés à un nombre croissant d’insurgés birmans et l’administration civile s’effondre dans les zones qu’ils tiennent encore. Leurs forces étant coupées de presque toutes les sources de ravitaillement, les alliés décident finalement d’évacuer leurs forces de Birmanie. Le 16 avril, en Birmanie, 7 000 soldats britanniques sont encerclés par la 33ème division japonaise lors de la bataille de Yenangyaung et secourus par la 38ème division chinoise.

La retraite se déroule dans des circonstances très difficiles. Des réfugiés affamés, des malades et des blessés encombrent les routes et les pistes menant en Inde. Le Burma Corps réussit à faire la plus grande partie du chemin jusqu’à Imphāl, dans le Manipur, juste avant l’arrivée de la mousson en mai 1942. En raison du manque de communication et de coordination, lorsque les Britanniques se sont retirés, la plupart des soldats chinois n’avaient pas été informés. Réalisant qu’ils ne pouvaient pas gagner sans le soutien des Britanniques, une partie de la des troupes engagées par Tchang Kaï-chek se retire de manière désorganisée vers l’Inde. Après avoir récupéré, été rééquipés et formés par des instructeurs américains elles ont été placées sous le commandement du général Joseph Stilwell. Le reste des troupes chinoises tenta de retourner au Yunnan en traversant des forêts montagneuses isolées et au moins la moitié d’entre elles y perdirent la vie.

La difficulté du terrain et la mousson ont alors dissuadé les Japonais de poursuivre les alliés en Inde. Les Japonais n’ont pas renouvelé leur offensive après la fin de la mousson. Ils ont installé un gouvernement birman « indépendant » sous la direction de Ba Maw, et ont reformé l’Armée birmane qui est alors devenue l’Armée nationale de la Birmanie sous la direction du général Aung San. Dans la pratique, tant le gouvernement que l’armée étaient strictement contrôlés par les autorités japonaises.

Dans les mois qui suivirent, les Alliés rebâtirent leurs voies de communication, construisant notamment des bases aériennes qui servaient à ravitailler la République de Chine via le pont aérien au-dessus des montagnes de l’Himalaya (connue sous le nom de « The Hump », soit « la bosse »), car la route de Birmanie était menacée. Toutefois, la Grande-Bretagne ne pouvant alimenter tous ses fronts, Londres fut contrainte de trancher entre ses forces au Moyen-Orient et en Extrême-Orient. La priorité est accordée au Moyen-Orient, est plus proche du pays et conforme à la politique de Londres et de Washington intitulée « L’Allemagne d’abord ». La reconstituions du front est entravé par le chaos en inde oriental : les violentes manifestations du « Quite India » au Bengale et au Biher mobilisent une partie des troupes britanniques et l’est du pays est frappé par une terrible famine. Dans ces conditions, il est alors difficile pour les brittoniques de reconstituer peurs forces, d’améliorer les lignes de ravitaillements, ou de mobilisé l’industrie locale en faveur de l’effort de guerre.

Durant l’été 1943, le Général Tomoyuki Yamashita prend la tête des forces japonaises en Birmanie, considérablement renforcée lors de l’opération TA. L’offensive sur Imphāl et Ledo que prépare le vainqueur de Singapour vise à couper la route de Birmanie en conquérant les aérodromes alliés et installer le Gouvernement de l’Inde libre et l’Armée nationale indienne de Subhas Chandra Bose sur le sol indien. Une avancer Japonaises en Inde mettra les avions alliés qui ravitaillent la Chine en survolant l’Himalaya à portée de l’aviation japonaise. Les offensives sur Imphāl et Ledo ont été conçues pour frapper leurs cibles quasi simultanément.

Ordre de bataille

Aviation de l’Armée impériale japonaise (basée à Chiang Mai, Lashio, Mandalay, Akyab et en Thaïlande) :

  • Chasseurs : 117 Ki-43 Hayabusa, 40 Ki-44 Shoki, 25 Ki-45 Toryu.
  • Bombardiers : 28 Ki-30, 66 Ki-21, 34 Ki-48 Sokei.
  • Reconnaissances : 20 Ki-20, 10 Ki-46.

Aviation de la Marine Impériale Japonaise (basée à Moulmein et Akyab) :

  • Chasseurs : 18 A6M3 Reisen.
  • Bombardiers : 16 G4M Hamaki.

11ème Armée, offensive sur Imphāl (Lieutenant général Isamu Yokoyama) :

  • 58ème Division d’infanterie.
  • 3ème Division blindée.
  • 22ème et 88ème Brigade mixte d’Infanterie.
  • 1ère Division de l’Azad Hind Fauj[1].

15ème Armée sur le front de l’Arakan, offensive sur le flanc de la 11ème Armée (Lieutenant-général Renya Mutaguchi) :

  • 18ème, 31ème, 33ème et 56ème Divisions d’Infanterie.

28ème Armée mixte, offensive sur Ledo (Lieutenant-général Michio Sugahara) :

  • Takasago Giyūtai (constitué de volontaire taiwanais, spécialisés dans le combat de jungle).
  • 1er et 2ème Teishin Shudan (Régiments de parachutistes) de la 1ère Division Parachutiste.
  • 1ère troupe blindée de planeurs (chars largués par planeurs) de la 1ère Division Parachutiste.
  • 1er Giretsu Kūteitai (Brigade de parachutistes) de la 1ère Division Parachutiste.

Ordre de bataille britannique

Aviation de la Royal Air Force et de l’Indian Air Force :

  • 221ème Group de la RAF : 11 Spitfire V, 21 Hurricanes II, 7 Beaufort, 8 Beaumont et 12 Blenheim.
  • 1er et 2ème Squadron de l’IAF : 9 Hurricanes II, 9 Fairey Battle.
  • Burma Volunteer Air Service (IAF): 15 Wellington, 7 Fairy Battle, 3 Fury, 6 Hurricanes II, 21 Blenheim.
Le redoutable Spitfire V, trop rare sur ce front.

XVème Corps, défense de l’Arakan (Major-général Alexander Phillip) :

  • 14ème et 26ème Divisions indiennes.

IVème Corps, défense de l’Assam (Lieutenant-général Geoffrey Scoones) :

  • 17ème, 20ème et 23ème Divisions indiennes.
  • 254ème Brigade blindée indienne.
  • 50ème Brigade parachutiste indienne.

Stratégie japonaise et rapport de force

Le plan du général Yamashita consiste à envoyer la 11ème Armée sur Imphāl. Sur le nord du front, la 15ème Armée entrera, elle aussi, en Inde pour couvrir le flanc sud de la 11ème Armée. Le reste de la 15ème Armée doit s’assurer que le XVème Corps indien ne contre-attaque pas le long de la côte de l’Arakan.

Au Nord les « Takasago » doivent franchir le relief avant de fondre à travers la jungle pour attaquer Ledo. Au moment où les Taiwanais lanceront leur offensive, les parachutistes de la 1ère et la 2ème Teishan Shudan seront largués au Sud-ouest et au nord-est de la ville. Le 1er régiment Giretsu sera largué directement au-dessus de la ville. Les parachutages se dérouleront au cours de la même nuit. Le matériel lourd sera délivré par planeur.

Yamashita a transmis des consignes très claires : « … pas de charge suicide. Utilisez vos capacités tactiques et préservez vos troupes. Nous n’aurons pas de renfort pour couvrir les pertes si vous sacrifiez vos hommes stupidement. »

Les études d’après-guerre montrent que les Japonais surestimaient largement les effectifs britanniques dans la zone d’opération. En réalité, l’Empire du Soleil levant aligne deux fois plus de troupes et trois fois plus d’avions que les Britanniques.

Opération HAGO

Cette opération, également connue sous le nom « 11-21 », est une opération de désinformation visant à déstabiliser les troupes britanniques des Indes et à faire paniquer la population. Des fuites d’informations organisées via les soutiens de Subhas Chandra Bose au Bengale ont permis de faire croire que la marine japonaise allait débarquer à Chittagong, Calcutta et Colombo. Ces rumeurs sont jugées possibles suite au retrait japonais des Salomon et de Papouasie–Nouvelle-Guinée et surtout suite au Deuxième raid de l’océan Indien. Les renseignements destinés à intoxiquer les alliées indiquent même que le débarquement visant Calcutta et se fera à Balasore dans l’Orissa avec aux moins 4 divisions japonaises. Au-delà de l’inquiétude causée chez les troupes indiennes et britanniques, la rumeur a probablement accentué les causes de la famine ravageant le Bengale. De plus, des partisans indépendantistes des régions de Contai, Midnapore et Dacca vont mener des opérations de sabotage ou traverser les lignes britanniques pour se joindre à l’Azad Hind. Après la guerre, nombre d’entre eux déclareront s’être rangés du côté japonais, car ils étaient persuadés de la défaite imminente de l’Empire britannique.

Gouvernement provisoire de l’Inde libre
Extraits Wikipédia
Allié à l’Empire du Japon dans le but de renverser le Raj britannique et d’obtenir l’indépendance de l’Inde, le Gouvernement provisoire de l’Inde libre (Arzi Hukumat-e-Azad Hind) se présente comme le gouvernement en exil de l’Inde. Il est reconnu comme le gouvernement légitime de l’Inde par les pays de l’Axe.

Subhash Chandra Bose, après son alliance avec les Japonais, arrive par sous-marin[2] à Singapour en mai 1943 et y prend la tête de l’Armée nationale indienne, force armée indépendantiste destinée à combattre contre les troupes des Alliés. Le Gouvernement provisoire de l’Inde libre est fondé officiellement en juillet 1943. En novembre de la même année, Bose participe en tant que représentant de l’Inde à la conférence de la grande Asie orientale organisée par les Japonais pour réunir les membres de la Sphère de coprospérité de la grande Asie orientale.

Dans ce gouvernement, Subhash Chandra Bose a le statut à la fois de chef de l’État, de chef du gouvernement, et de ministre de la guerre. Lakshmi Swaminathan, une gynécologue indienne expatriée à Singapour, était ministre des droits de la femme et responsable de la brigade féminine de l’Armée nationale indienne. Le gouvernement comptait également un ministre de la propagande, Subbier Appadurai Ayer et un ministre des finances, A. C. Chatterji, ainsi que plusieurs conseillers de Subhash Chandra Bose, et des représentants des forces armées.

Avant l’opération U-Go, le territoire sous l’autorité de Bose se limite aux îles Andaman-et-Nicobar envahies par les Japonais en 1942. Du fait de l’importance stratégique de ces îles pour le Japon, le pouvoir du Gouvernement provisoire de l’Inde libre ni est que symbolique durant le conflit.

Le Gouvernement provisoire de l’Inde libre cesse d’exister en 1948 lors de la proclamation de la République indienne du Bengale dans le cadre de la Guerre civile indienne[3].

Infiltration de Taung Bazzar

Avant l’offensive sur Imphāl, le Général Renya Mutaguchi lance une diversion, appelée Opération Kubo, en direction de Taung Bazzar (portion de la Birmanie, toujours sous « contrôle » britannique). Le but est d’attirer les troupes du VIème Corps pour dégarnir la zone de l’offensive principale. L’offensive est menée du 1er au 13 août 1943 par 2500 hommes principalement prélevés au sein de la 56ème Division d’Infanterie (la Kubo Force).

Le 1er août, la Kubo Force profite du terrain et infiltre la ligne de front de la 26ème Division indienne — par petits groupes compris entre 250 et 500 soldats — sans être détecté. Dès le lendemain les Japonais attaquent par surprise et réussissent à encercler plusieurs unités indiennes. Le 3 août, avant le lever du soleil, les Japonais attaquent le quartier général de la 26ème Division. Alors que des combats intenses font rage autour de leur position, les équipes de communication britannique détruisent leurs codes et documents. Dans la nuit du 3 au 4 août, les hommes de la 26ème Division se dispersent en petits groupes et battent en retraite en direction de Sinzweya, couramment appelé Admin Box.

Le 5 août, les troupes japonaises s’emparent de plusieurs voies de communication entre les 26ème et 14ème Divisions indiennes. Les Japonais prennent plusieurs routes, tunnels et chemins de fer, villages et tendent des embuscades. Le 6 août, des petits détachements de la Kubo Force, appuyés par l’aviation, lancent des raids sur les arrières des troupes qui retraitent. Une force de 250 hommes traverse les hauteurs du « Mayu Range » et détruit un petit convoi de ravitaillement.

Les Britanniques ne restent pas sans réagir, les premiers éléments de la 26ème Division arrivés à Sinzweya commencent à installer de solides positions défensives. La 14ème Division indienne envoie une brigade au secours de Sinzweya, ce qui fait le jeu des Japonais en vue de leur offensive sur Imphāl.

Le 8 août commence le siège Sinzweya. Les troupes britanniques, durement éprouvées depuis le début de l’offensive, ont établi une solide position et surtout la Kubo Force ne dispose pas d’armes lourdes, leur « artillerie » se limitant à des lance-grenades Type 89 de 50 mm (les célèbres Knee Mortar). Des DC-3 Dakota vont larguer du ravitaillement aux Britanniques pour les soulager, les Japonais n’ont pas cette chance, car tous les avions de transport de la région sont gardés en réserve en vue des parachutages sur Ledo. La Kubo Force se voit contrainte de se contenter de maintenir la pression sur l’ennemi tout en sachant qu’une offensive d’envergure est impossible. Le gros du siège est dès lors à mettre au compte de l’aviation qui bombarde Sinzweya et se livre à une bataille aérienne avec ce qu’il reste de l’aviation britannique.

Après 5 jours de siège, les Japonais commencent à manquer de munitions et surtout de vivres. Mutaguchi sonne la retraite. Les Japonais ont 37 morts et 231 blessés, mais leur mission est un succès, les Britanniques se sont tournés vers le Sud avant que les offensives sur Imphāl et Ledo ne les prennent par surprise. De leur côté, les Indiens et Britanniques comptent 356 morts et blessés.

Offensive sur Imphāl

Le général britannique Geoffrey Scoones s’attend à une offensive japonaise depuis l’opération TA, mais les Japonais ont effectués la plupart de leurs préparatifs de nuit. Ainsi, ils vont attaquer plus tôt que ce que supposaient les Britanniques.

Tiddim-Bishenpur:

Le 8 août 1943, les Japonais traversent la rivière Chindwin en force. L’infanterie tente des encerclements et des attaques sur les arrières de la 17ème Division indienne. La 3ème Division blindée lance un assaut frontal et les hommes de l’Azad Hind Fauj assurent les arrières des Japonais. Scoones ordonne à ses troupes de se replier sur Imphāl, mais elles n’auront jamais la possibilité d’exécuter cet ordre. Sur le sud du front, la 17ème Division indienne se fait envelopper par la 33ème Division japonaise par le Sud. La 22ème Brigade mixte d’infanterie japonaise mène plusieurs infiltrations ravageuses dans le dispositif des Indiens. Le 13 août, la 17ème Division indienne est prise au piège et commence à manquer de tout. Le 14 août, la 50ème Brigade parachutiste indienne tente une attaque pour dégager la 17ème Division, mais échoue de justesse.

Le 25 août, la 17ème Division se rend après avoir perdu près de 70 % de ses effectifs. Le lendemain, une partie de la 58ème Division japonaise s’empare du dépôt britannique de « Milestone 109 » coupant la retraite de la 50ème Brigade parachutiste indienne qui s’éparpille alors. Les Japonais s’emparent du matériel et du ravitaillement. Une partie des troupes indiennes capturées y est internée dans des conditions très dures, le reste sert de « porteurs » aux Japonais et enfin une fraction d’entre elles rejoint l’Azad Hind Fauj.

Dès le 18 août, Scoones est obligé d’envoyer la 23ème Division indienne pour couper l’avancée des Japonais. Il dégarnit ainsi la défense face à l’axe d’attaque principal de la 58ème Division d’infanterie et de la 3ème Division blindée.

Sangshak-Litan:

La cité d’Imphāl est alors très vulnérable, protégée seulement par la 254ème Brigade blindée. Les chars indiens sont retranchés sur les hauteurs et camouflés par les arbres ce qui est une position avantageuse au moment de l’assaut japonais. La 254ème brigade va tenir sa position du 18 au 23 août face à la 58ème Division d’infanterie et de la 3ème Division blindée avant d’être presque anéantie dans un assaut sanglant alors qu’elle est totalement encerclée. La modeste brigade blindée indienne est tout de même parvenue à détruire près de 30 % des chars japonais avant d’être anéantie.

La 3ème Division blindée « Taki » aux portes d’Imphāl.

Le 25 août, les Japonais traversent la rivière Iril sur la route de Litan à moins de 40 km d’Imphāl. La localité tombe aux mains des Japonais le 28 août. Immédiatement, ils commencent à bâtir un périmètre défensif au cas où les Indiens et Britanniques contre-attaqueraient. Le maintien de l’ordre à l’intérieur de la ville est confié aux Indiens de l’Azad Hind.

La 23ème Division indienne installe alors des positions défensives entre Nungba et Tamenglong à 35 km d’Imphāl.

L’Armée nationale indienne
Extraits Wikipédia
L’Armée nationale indienne (Azad Hind Fauj ou INA pour Indian National Army) est était une force armée fondée en 1942 par des indépendantistes indiens, qui s’allièrent aux puissances de l’Axe durant la Seconde Guerre mondiale, avec pour finalité de renverser le Raj britannique et d’obtenir l’indépendance de l’Inde.

Après la conquête de la Malaisie et de Singapour, le service spécial de renseignements appelé Fujiwara kikan[4] parvient par ses contacts avec les deux leaders indépendantistes Rash Behari Bose et Gurbaksh Singh Dhillon et le major Mohan Singh à créer en août 1942 la Première armée nationale indienne, considérée comme la branche armée de l’Indian Independence League. Elle est constituée de près de 40 000 prisonniers de guerre indiens de l’Armée des Indes britanniques. S’y ajoutent, ensuite, des expatriés indiens de Malaisie et de Birmanie. Des dissensions apparurent rapidement, non seulement entre Mohan Singh et Rash Behari Bose, mais, aussi avec l’état-major japonais. Mohan Singh fut arrêté par la police militaire japonaise et l’armée dissoute en décembre 1942.

De nombreux officiers et soldats prisonniers des Japonais font savoir qu’ils sont prêts à rejoindre l’INA si son commandement est confié à Subhash Chandra Bose, déjà fondateur du corps indien de la Waffen SS. Ainsi l’Armée nationale indienne devint la force armée officielle du Gouvernement provisoire de l’Inde libre, basé à Singapour.
Les effectifs de l’Armée nationale indienne se montaient à environ 40 000 membres, répartis en trois divisions, subdivisées en régiments d’infanterie et de guérilla. L’Armée nationale indienne regroupe des Indiens de toutes origines, sans distinction de religions ou de castes. De manière inhabituelle pour une force armée asiatique de l’époque, l’Armée nationale indienne compte même un contingent féminin, le Rani of Jhansi Regiment, commandée par Lakshmi Sahgal (ministre des droits de la femme dans le gouvernement de l’Inde libre) et qui exécute essentiellement des tâches d’infirmerie.

Quant à la légion indienne des volontaires de la Waffen SS, elle est désarmée en mars 1943 par le Gouvernement provisoire de la République allemande. Les 3000 légionnaires indiens sont envoyés en direction du lac de Cosntance pour rejoindre la Suisse neutre. Ils y sont internés jusqu’en 1946, date à laquelle, leur transfert vers le Bengale est organisé via des navires japonais et le port de Gêne.

Offensive sur Ledo

La région de Ledo est seulement défendue par la 20ème Division indienne essentiellement établie sur une ligne entre Yanman et Nampong. La méconnaissance du dispositif britannique par les Japonais va les amener à réaliser l’un de leurs plus beaux succès.

Le 7 août, les 5 000 hommes des « Takasago Volunteers » attaquent la pointe sud du dispositif britannique à Yanman. En infériorité numérique, les Indiens cèdent le 9 août et se replient sur les positions du reste du dispositif défensif. Les hommes de la 20ème Division indienne ne le savent pas encore, mais ils sont déjà coupés du reste des troupes indiennes et britanniques.

En effet, dans la nuit du 7 au 8 août les parachutistes japonais ont sauté de leurs Mitsubishi Ki-57 autour de Ledo qui est encerclée. Les 1er et 2ème Teishin Shudan sautent au Nord-est et Nord-ouest de la ville respectivement à 4 et 3 km du centre-ville. Le 1er Giretsu Kūteitai saute sur le petit village de Malugaon à 1 km du centre de Ledo. Le matériel lourd —12 chars légers et moins d’une trentaine de canons — est délivré par planeurs, non sans perte (2 chars perdus). Au lever du soleil, la petite garnison de Ledo se sait encerclée et se délite rapidement. À la nuit tombée, les rares poches de résistance sont écrasées. La bataille de Ledo se joue dans le ciel, pendant cinq jours les B-24, B-25 et P-40 américains résistent au japonais plus nombreux, mais dont les avions sont moins performants.

Le 23 août, les Japonais lancent un grand raid composé d’une centaine de bombardiers et de cent-cinquante chasseurs en direction de Dinjan où sont basés les appareils américains. Malgré de lourdes pertes dues à leur infériorité numérique, les Américains vendent chèrement leur peau. Toutefois, ils se rendent bien compte que la situation est intenable et Dinjan est abandonné le 25 août. La route de Birmanie est coupée.

Un Ki-43 Hayabusa lourdement endommagé par un redoutable Spitfire.

Pendant ce temps, les Takasago ont continué à grignoter les positions de la 20ème Division indienne. Les Indiens savent qu’ils ne peuvent pas tenir leur position et n’ont pas de voies de repli « utile ». Il leur est inenvisageable de percer en direction des lignes alliées et la Chine est trop loin. Le 26 août, décision est prise de se regrouper sur Nampong avant de battre en retrait vers Wakro près de la frontière avec le Bhoutan. Le 30 août, les Takasago cessent de poursuivre les Indiens en retraite. Pendant le mois de septembre, les hommes de la 20ème Division vont effectuer les 140 km entre Wakro et Dinjan à pied (l’aérodrome n’a pas été capturé par les Japonais), afin d’être évacués par des avions de transport américains.

Insurrection de Kohima et Sangshak

Le 28 août 1943, à l’annonce de la chute d’Imphāl, les Indiens se soulèvent à Kohima, à 80 km au nord d’Imphāl, et à Ukhrul, à 45 km au nord-est d’Imphāl. La maigre garnison de l’Indian Army protégeant Kohima se retrouve rapidement acculée autour du Bungalow servant de bureau à l’administration coloniale. Dès le début de l’insurrection, un détachement des Teishin Shudan est envoyé porter assistance aux insurgés. Ukhrul est immédiatement abandonné par la section d’infanterie qui la défend. Kohima tombe quant à elle le 4 septembre 1943 et les 16 derniers survivants de l’Indian Army sont faits prisonnier. Les deux localités seront plus tard occupées par 2 batallions du 58ème régiment de la 31ème Division d’infanterie japonaise du Lieutenant-Générale Kōtoku Satō, verrouillant l’approche nord d’Imphāl sous le commandement du Major-général Shigesaburō Miyazaki.

Conséquences

L’Opération U-Go est un grand succès pour les Japonais, mais ce succès est en partie accidentel. Les Japonais avaient largement surestimé le dispositif britannique et donc considérablement renforcé leur ordre de bataille. S’ils n’avaient pas fait cette erreur d’estimation, ils auraient probablement consacré moins de troupes à cette opération qui n’aurait probablement pas abouti au même résultat. L’exemple le plus flagrant est la facilité avec laquelle Ledo est tombé, car à peine défendu contrairement à ce que pensaient les Japonais. À la vue des pertes japonaises sur la route d’Imphāl il apparaît clairement que si les Japonais n’avaient pas disposé de l’effet de surprise et une supériorité numérique écrasante les troupes indiennes et britanniques auraient pu tenir leurs positions. La 254ème Brigade a tenu cinq jours face à deux divisions japonaises et en leur infligeant 30 % de pertes.

Dans les deux camps, les pertes humaines sont lourdes. Sur les 13 000 Indiens et Britanniques, plus de 7000 sont morts, blessés ou captifs ; soit plus de 50 % de pertes. Sur les 27 000 Japonais, environ 8000 ont été tués et blessés, soit un taux de perte de 30 %.

Le résultat est indiscutablement favorable aux Japonais, la route de Birmanie est coupée et une position du territoire indien est aux mains de l’Azad Hind. Près de 5 000 volontaires indiens vont rejoindre l’Azad Hind Fauj avant la fin de l’année 1943. Ce succès éclatant vaudra au Général Yamashita le surnom de « Tigre de Birmanie ». Sur ordre de ce dernier, les prisonniers sont « relativement » bien traités et 30 % des prisonniers indiens vont rejoindre les rangs de l’Azad Hind Fauj. Plusieurs officiers japonais seront même sévèrement punis pour mauvais traitement sur des prisonniers. Yamashita saluera à plusieurs reprises la résistance exceptionnelle de ses adversaires.

Beaucoup d’historiens s’accordent pour dire que si les Japonais avaient poursuivi leur offensive, tout le Bengale aurait pu tomber dans les mois suivants. Ce scénario est d’ailleurs exploité dans le roman uchronique « The Japanese Raj ». Les unités indiennes en cours de constitution ou reconstitution verront leur transfert vers le Bengale accéléré afin d’établir une solide ligne de défense. Le plan des Britanniques est alors simple : s’assurer que les Japonais ne pénètrent pas plus loin en Inde et préparer une contre-attaque pour l’année 1944 afin de les déloger d’Inde et de Birmanie. Cette contre-attaque n’aura jamais lieu, la guerre s’étant terminée avant.

Le Gouvernement provisoire de l’Inde libre utilisait le drapeau adopté en 1931 par le Parti du Congrès.

[1] L’Armée nationale indienne du Gouvernement provisoire de l’Inde libre.

[2] Voir le chapitre « Anges et Démons ».

[3] Voir Au Bord de l’Abîme, Cycle 2.

[4] Du nom de son commandant, le major Fujiwara Iwaichi, qui avait pour mission de contacter les indépendantistes des différents pays sous domination étrangère : Indiens, Indonésiens sous domination néerlandaise, Chinois d’outre-mer.

Drapeux de l’Azad Hind, source Wikipédia.

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